PARCE QUE JE LE VEUX BIEN...
Vous connaissez Michael Eisner? Patron américain de Disney, il a décidé, il y a plus de quinze ans, de doter la France du premier parc Disneyland en Europe et de l'installer près de Paris, à Marne-la- Vallée. Il y a quelques années, j'intervenais à Londres après ce prestigieux conférencier dans un forum sur la qualité de service, devant 1 000 participants du monde entier. Première question du journaliste chargé d'animer la conférence: «Monsieur Eisner, quelle idée d'installer un parc Disney en France, alors que tout le monde sait que la France et le service client, c'est un oxymore (traduction d'«oxymoron» dans le discours original, NDLR) !» Fou rire dans la salle. Un rapide coup d'oeil dans un dictionnaire bilingue m'a donné l'explication: un oxymore est la réunion de deux termes antithétiques. Sympathique pour nous!
«Comment se fait-il que les entreprises françaises accusent toujours un tel retard en matière de services par rapport à leurs concurrents étrangers?» Telle est la sempiternelle question qui m'est posée au cours des conférences publiques dans lesquelles j'interviens en France. Jusqu'à présent, j'avais toujours pour habitude de me réfugier derrière les excuses liées à notre culture latine, à l'étymologie qui rattache l'origine du mot «service» à la racine latine «seruus», qui signifie «esclave». Il semblerait que l'on adore «rendre service», mais que l'on déteste «être au service». De bien belles raisons pour justifier notre incompétence légendaire en la matière.
Je pense que si nous en sommes là et que certaines entreprises ne progressent pas plus, c'est parce que le service ne fait pas partie des priorités des dirigeants français. Il est tout de même extraordinaire que lorsqu'un patron annonce qu'il va améliorer sa rentabilité de 5 %, augmenter son chiffre d'affaires de 1 0 % ou réduire ses effectifs de 15 %, il s'en fait un objectif, établit des priorités et souvent parvient au but qu'il s'était fixé. Pourquoi n'en est-il pas de même en matière de satisfaction client? La réponse est simple: les dirigeants n'en ont pas suffisamment envie, on peut même affirmer qu'ils n'en ont même rien à faire.
Récemment, le nouveau patron d'une grande banque de réseau m'a invité à parler du sujet qui me passionne depuis plus de 25 ans. Contrairement à son prédécesseur, il a souhaité me faire intervenir en tout début de séminaire, au lieu de traiter du service client en fin de réunion, moment où chacun regarde sa montre et se préoccupe plus de l'horaire de son train.
«Quand on veut, on peut», dixit le dicton populaire. Pour les entreprises, c'est pareil. Pour preuve, le Prix du service client de l'année 2011 a été décerné à Free, entreprise que je citais dans mon livre Service gagnant comme le parangon du mauvais service, voire de l'absence de service. Son modèle low-cost adressait à ses clients un message simple: «On a les meilleurs prix, vous ne payez pas cher, donc ne vous plaignez pas si le service client est mauvais ensuite». Free n'a jamais caché que c'était le dernier de ses soucis: attente interminable à la hotline, service après-vente folklorique, difficulté à résilier son contrat, assistance technique inaccessible, Freebox défectueuses, etc. Une histoire désormais ancienne pour le fournisseur qui, avec sa nouvelle offre opportunément baptisée «Freebox Revolution», opère une montée en gamme spectaculaire. «La où il y a une volonté, il y a un chemin». Si vous le voulez bien et si Free y est arrivé, c'est donc que tout est possible...
RALPH HABABOU
Directeur général de PB RH conseil L'Etat d'Esprit Service
Auteur de Service gagnant (éd. First, 2007), de Génération W (éd. First, 2009) et de Service client pour les nuls (éd. First, 2010).
www.pbrhconseil.com; www.generationw.fr et www.serviceclientpourlesnuls.com