Outsourcers : concentration du business, dispersion des compétences
Le cabinet Affluence s'est intéressé de près aux outsourcers en voulant
répondre à la demande d'un client qui souhaitait avoir une idée précise de la
configuration du marché, de ses différents acteurs et de leur positionnement.
Mais les premiers constats de leur enquête ont aiguisé la curiosité des
consultants. « Nous nous sommes aperçu que le marché français de l'outsourcing
n'avait en fait jamais fait l'objet d'études. Au mieux, certains cabinets
l'ont-ils estimé, voire déduit. Qui plus est, nous avons réalisé que les
chiffres qui circulent sur cette activité sont totalement erronés », explique
Philippe Baldin, directeur associé du cabinet conseil. De fait, les cabinets
d'études ayant travaillé de près ou de loin sur le sujet (IDC, Gartner, Cesmo,
Xerfi...) sont pour la plupart guidés par des problématiques et des expertises
technologiques, alors que le marché de l'outsourcing en France est un marché de
ressources largement construit autour de la vente d'heures de production.
L'étude d'Affluence est en effet sans aucun doute la première enquête
sérieusement menée sur ce marché français des outsourcers. Les données
régulièrement publiées par les différentes sociétés d'analyse relevant la
plupart du temps de déductions parcellaires venues étayer des rapports plus
généraux sur le CRM, les centres d'appels ou l'externalisation dans son spectre
le plus élargi. Et, même pour les études faisant référence sur le marché des
centres d'appels (on pense notamment à Cesmo), on est en droit de s'interroger
sur la véritable portée des réalités définies par les termes d'outsourcing ou
d'externalisation. « Notre but n'est pas de quantifier le marché mais de
remettre en cause les quantifications existantes », résume Florence Schneider,
consultante. L'une des vertus du travail mené par Affluence est justement dans
son souci de circonscrire l'objet même de l'étude. Qu'est-ce que
l'externalisation ? « Ce marché n'est pas lisible, du fait même de la diversité
des acteurs qui s'y côtoient, de la variété de leurs origines, du flou de leur
positionnement pour nombre d'entre eux. Ceux que l'on qualifie généralement
d'outsourcers font-ils vraiment le même métier, proposent-ils les mêmes offres
? », demande Florence Schneider. De l'aveu des consultants d'Affluence, il est
très difficile d'obtenir sur ce marché des données chiffrées et quantifiées.
Les sociétés cotées en Bourse sont rares. Et la transparence est loin d'être la
vertu la mieux partagée par les outsourcers. Mentionnons également l'absence de
code NAF pour ajouter à la confusion. Ainsi, comme le souligne Philippe Baldin,
que « le manque total en matière de contrôle de gestion chez un grand nombre
d'outsourcers, qui sont eux-mêmes souvent ignorants quant au détail de leur
activité. » Malgré ces écueils, le cabinet chiffre le marché de l'outsourcing à
1,4 milliard d'euros pour 2001. Une estimation relevant d'une extrapolation
fondée sur le chiffre d'affaires consolidé des 64 premières sociétés (1,1
milliard d'euros). 64 entreprises qui, selon Affluence, rassemblent 24 000
postes. Cesmo recensant de son côté 26 500 positions, on peut déduire que les
consultants sont ici dans la bonne fourchette. Sur ce tissu français de
l'outsourcing, les 20 premiers acteurs représentent 75 % de l'activité. La
concentration n'est pas seulement frappante, elle est croissante. En 2000, le
"Top 20" ne fédérait "que" 65 % du chiffre d'affaires de la profession. De
fait, en deux ans, les "gros" se sont renforcés. A commencer par le leader
incontesté, Teleperformance (190 ME de chiffre d'affaires 2001), qui, à lui
seul, pèse pour 17,2 % du marché. Le deuxième acteur, Atos-SNT, est déjà loin
derrière, avec un chiffre d'affaires quasiment deux fois moindre que celui de
Teleperformance. Suit Bertelsmann Services, avec un chiffre d'affaires de près
de 80 ME. A lui seul, le triptyque de tête représente un tiers de l'activité.
On trouve ensuite Hays Ceritex, Call Center Alliance, Convergys et E-Laser. La
forte concentration de l'activité dans les mains de quelques-uns se double
d'une autre caractéristique : le pied d'égalité (en termes de chiffre
d'affaires) sur lequel se situe la quasi-totalité des acteurs "moyens". Bref,
le marché est dominé par une poignée de gros, que suit une armée d'entreprises
tournant autour des 20 ME de CA. « Il est très difficile de savoir avec
précision quelle est la part des différents secteurs d'activité (high-tech,
industrie...) dans le chiffre d'affaires des outsourcers. Tout simplement parce
que, bien souvent, eux-mêmes ne peuvent pas le dire », souligne Philippe
Baldin. Affluence dessine néanmoins un partage global du marché en quatre
grandes catégories : les télécoms qui pèsent selon le cabinet d'analyse pour 30
% de l'activité, suivis par la banque-assurance (19 %), le high-tech (15 %),
l'industrie et les "utilities" (15 %). Le palmarès des outsourcers ne se
calquant pas nécessairement à l'intérieur de chaque secteur d'activité étudié.
Ainsi, sur les télécoms, Teleperformance arrive en deuxième position derrière
Atos et devant Call Center Alliance, Bertelsmann, Transcom, Hays Ceritex et
CMC. Pour mieux appréhender le marché, Affluence a choisi comme critère
discriminant le "niveau de maturité CRM" dont peuvent se prévaloir les
outsourcers. En, l'occurrence, le cabinet distingue trois segments. Selon
Affluence, 40 % des sociétés d'externalisation de centres d'appels se situent
dans la strate "standard" d'intégration CRM, le stade où prédominent
l'efficacité opérationnelle et la productivité. On est ici dans ce qu'Affluence
appelle la dimension "campagnes", dominée par les acteurs "historiques". A
noter : les 10 premiers acteurs du marché de l'outsourcing pèsent moins de 50 %
de ce segment. Ce, malgré le poids de Teleperformance imputable aux volumes
d'appels traités. Le niveau "avancé" implique pour sa part des outils, une
organisation et un management permettant un traitement différencié des
contacts, notamment selon des critères de compétence. Affluence parle ici de la
dimension "service", où évoluent, selon le cabinet, 35 % des acteurs et où les
10 premiers représentent 60 % de l'activité. Atos-SNT et Bertelsmann Services,
absents du segment standard, rejoignent Teleperformance dans le trio de tête.
Enfin, le niveau "complet", qui regroupe le quart restant, permet un pilotage à
100 % de la relation dans une stratégie avancée de fidélisation. Et l'on
atteint ici la dimension "client". Les trois premiers du marché,
Teleperformance, Atos-SNT et Bertelsmann Services se partagent la moitié de ce
segment. Et les 10 premiers en représentent 90 %. Atos-SNT y est ici leader,
suivi de Bertelsmann Services. « Pour traiter les projets les plus avancés en
termes de CRM, il faut disposer en interne d'équipes informatiques. Parce que
l'informatique doit être partagée, intégrée avec celle du client. Une société
comme Call Center Alliance, par exemple, ne peut pas y prétendre aujourd'hui,
signale Philippe Baldin. L'outsourcing, ou externalisation, tendance lourde de
la "nouvelle entreprise" dite "étendue" ou "net liberated" selon l'expression
utilisée par Gartner, suppose une transformation profonde des acteurs (donneurs
d'ordres et prestataires) et de leurs relations commerciales et contractuelles.
En France, ce mouvement est à peine engagé et très peu d'outsourcers sont
réellement positionnés dans cette logique. »
Méthodologie
Les consultants d'Affluence ont rencontré les représentants d'une quarantaine de sociétés spécialisées dans la gestion en externalisation des services clients. Entretiens doublés d'une pige des études et parutions publiées sur le marché de l'outsourcing, notamment le "Top 50 des outsourcers" (Centres d'Appels et Conception Editoriale, voir Centres d'Appels n° 31, p. 6).
55 % des postes en province
L'un des éléments les plus significatifs pour traduire l'évolution de ce marché est sans doute le primat gagné par la province dans les choix de localisation des outsourcers. Aujourd'hui, 55 % des postes déployés se trouvent en province. « Le ratio devait encore être de 70 % à Paris et 30 % en province il y a seulement deux ans », affirme Philippe Baldin.