Recherche

Nicolas Lenoir (Carglass Assistance) « La satisfaction des clients passe par celle des employés »

Casque d'Or de la meilleure stratégie client en 2005, Casque d'Or des meilleures pratiques sociales en 2006, le spécialiste de la réparation du vitrage automobile Carglass accorde un rôle clé à son centre d'appels. Un rôle dont l'élargissement récent ne fait que renforcer l'attention portée aux ressources humaines, ainsi que l'explique le directeur de Carglass Assistance.

Publié par le
Lecture
14 min
  • Imprimer

Quelle est la place stratégique de Carglass Assistance au sein de l'entreprise ?

Nicolas Lenoir : La mission première de Carglass Assistance, qui est une direction à part entière, rattachée à la direction commerciale, est de prendre des rendez-vous pour les clients qui déclarent avoir eu un bris de glace, dans les délais les plus courts possible, le jour même ou le lendemain. Pour les automobilistes, il existe trois façons d'entrer en contact avec Carglass : appeler Carglass Assistance via le Numéro Vert 0800 7 7 24 24 qui est diffusé dans nos campagnes de publicité ou par les assureurs - ce qui représente un bon tiers de nos clients -, appeler en direct l'un de nos 220 centres de réparation ou aller directement dans l'un de ces centres, ce que l'on appelle le “drive in”, qui représente environ 40 % de l'activité. Nous avons fait un constat : les clients qui passent par Carglass Assistance bénéficient d'un accueil bien supérieur à celui qu'ils reçoivent lorsqu'ils appellent directement un centre. Ce qui est logique puisque, chez nous, ils ont affaire à des spécialistes de la relation commerciale, alors que les chefs de centre sont, eux, des spécialistes du vitrage. La décision a donc été prise de transférer l'intégralité des appels qui arrivent dans les centres vers Carglass Assistance. Au sein de la stratégie, notre service prend donc encore plus d'importance, puisque nous allons bientôt représenter 60 % du “business” au lieu d'un tiers. Nous venons de démarrer ce projet. Aujourd'hui, 15 centres sont transférés ; d'ici l'été, ils seront 45 et, fin 2006, nous aurons l'intégralité du réseau.

Quelles sont les conséquences de cette décision ?

N. L : Cette décision a impliqué le doublement de notre taille. Et donc l'ouverture d'un nouveau centre, à Poitiers. L'année dernière, nous avons traité environ 800 000 appels et, pour 2006, nous prévoyons d'en traiter entre 1,2 et 1,5 million. Sur notre site actuel de Puteaux, nous étions bien dimensionnés, avec 114 positions, pour traiter le tiers des clients, mais pas au-delà. Aujourd'hui, sur les deux sites, nous disposons d'environ 250 personnes, en CDI. Depuis le début de l'année 2006, nous avons recruté 110 personnes, pratiquement que de la création nette.

Comment s'est effectué le choix de Poitiers ?

N. L : C'est un projet qui a été lancé en septembre 2005. Nous avons interrogé quinze villes en France, sachant que nous nous étions donné un rayon de deux heures de Paris, en voiture ou en TGV. Ensuite, nous avons établi une short-list et Poitiers nous est apparue comme étant la meilleure implantation en raison de différents critères : qualité et disponibilité de la main-d'oeuvre, savoir-faire… De plus, nous avons bénéficié d'une aide de Michelin dans le cadre de la redynamisation du bassin d'emploi, suite à la fermeture de leur usine. Ce qui nous a permis de justifier auprès de nos actionnaires le fait d'ouvrir en France et non à l'off-shore.

Aviez-vous des pressions pour recourir à l'off-shore  ?

N. L : Non. Nous n'avions pas de pressions. Mais notre actionnaire nous a demandé, bien évidemment, de justifier l'ouverture d'un deuxième site et sa localisation. Au départ, nous avions étudié trois possibilités : ouvrir en région parisienne, en province ou à l'off-shore. Mais, déjà, nous sommes une entreprise citoyenne et il nous paraissait important de créer des emplois en France. Et ce, vis-à-vis de nos salariés et de nos clients, notamment les assureurs, en particulier mutualistes, qui sont sensibles à cet aspect. Ceci dit, nous n'aurions sans doute pas pu le faire si nous n'avions pas eu les conditions économiques en face. L'aide de Michelin nous a permis d'avoir des coûts d'investissements très compétitifs par rapport l'off-shore. Nous avons eu également une aide du Conseil général qui a mis à notre disposition un hôtel de centre d'appels grâce auquel nous avons démarré très rapidement, en un mois, en attendant notre bâtiment définitif prévu pour septembre. Dernière raison, nous pensons qu'il y a en France une très bonne qualité de main-d'oeuvre. Nous recrutons sur Poitiers des gens qui ont tout à fait les niveaux de qualification que nous recherchons. A noter que nous avons, délibérément, choisi de payer nos collaborateurs à Poitiers le même prix qu'à Paris.

Quelles sont les autres évolutions en cours de Carglass Assistance ?

N. L : Actuellement, nous travaillons avec un outil informatique développé en interne. Nous allons passer en septembre-octobre sur une solution basée Remedy, dans le cadre d'un projet piloté par notre maison mère de refonte de l'outil informatique, du CRM. C'est un projet assez structurant - nous allons devoir former l'intégralité des équipes -, qui va nous permettre de progresser encore en termes qualitatifs. Autre projet : celui du déménagement de notre centre de Puteaux à Courbevoie, où sera également installé notre siège. Il aura lieu le premier week-end de juillet, avec Poitiers en back-up. Nous en profiterons pour changer de technologie télécom et passer d'Avaya à Aastra Matra. Ce déménagement sera également l'occasion d'intégrer des travailleurs handicapés. Sept sont actuellement en formation. Une démarche que nous appliquerons aussi sur le site de Poitiers.

Aussi bien dans votre stratégie client que dans vos pratiques sociales, un critère apparaît dominant : celui de la satisfaction. Quelle est votre politique en la matière ?

N. L : Le souci de la qualité et de la satisfaction est vraiment quelque chose de différenciant. La spécificité de Carglass, c'est d'avoir compris que, bien sûr, le souci du client et de sa satisfaction devait être présent au sein de toute l'entreprise, mais que le moyen d'y arriver, c'était d'avoir des salariés heureux et fiers de ce qu'ils font. Un salarié qui n'est pas heureux ne va pas sourire au client et, forcément, le client ne va pas être content. C'est basique, mais Carglass a vraiment compris que la satisffaction des clients passe nécessairement par celle des employés. Nous mesurons en permanence la satisfaction interne de toute l'entreprise. Une partie des salariés sont interrogés tous les mois par téléphone et les résultats, anonymes, sont consolidés au niveau du trimestre dans un baromètre de satisfaction employés que reçoit chaque manager. Nous pouvons comparer les services, les régions, les catégories de personnel… Nous suivons les évolutions et, question par question, nous regardons les motifs négatifs, pour en tirer des enseignements et essayer de s'améliorer. Une partie de la prime variable des managers et cadres de Carglass Assistance dépend d'ailleurs de cette satisfaction employés. Ces mesures nous permettent de mettre en oeuvre des actions pour augmenter la satisfaction. Depuis que nous avons vraiment travaillé sur ce point, notre taux de turn-over a été divisé par trois et notre taux d'absentéisme par deux. Il y a eu une corrélation immédiate. Depuis neuf mois, nous n'avons eu pratiquement aucun départ subi. Et très peu de départs provoqués. Parallèlement, nous constatons que nos ratios s'améliorent. Notre taux de conversion - la transformation d'un client qui a un bris de glace en client facturé - a été amélioré suite à l'amélioration de la satisfaction employés.

Que faites-vous au niveau de la satisfaction clients ?

N. L : Nous effectuons 100 000 enquêtes de satisfaction par an, réalisées par CPM qui réalise aussi les enquêtes employés. Et, toutes les semaines, nous publions les résultats de la satisfaction clients sur notre Intranet.

Quelles actions avez-vous mises en place pour améliorer la satisfaction employés ?

N. L : Nous avons beaucoup travaillé sur ce que nous avons appelé “donner du sens”. C'est-à-dire bien expliquer aux chargés d'assistance ce qu'ils font, pourquoi ils le font, leur montrer qu'ils constituent un maillon indispensable de la chaîne. Pour ce faire, nous avons revu la formation initiale, qui est passée de trois jours à deux semaines, pour davantage expliquer ce qui se passe avant et après leur intervention. Donner du sens, c'est aussi l'organisation d'une réunion mensuelle pendant laquelle je présente les résultats et les projets en cours, à tous, par groupes de 15-20 personnes. C'est devenu un rendez-vous qui donne aussi aux collaborateurs l'occasion de s'exprimer. De plus, toutes les informations sont disponibles sur l'Intranet. Ensuite, nous avons beaucoup travaillé sur les superviseurs. En général, dans les centres d'appels, on leur demande de savoir tout faire : être à la fois coach, formateur, manager, commercial, analyste, statisticien, planificateur… On est très exigeant vis-à-vis d'eux sans forcément leur donner les moyens de réussir. Nous avons donc réfléchi sur leur rôle et leurs responsabilités, et nous avons mis en place un séminaire, une fois par an, pendant deux jours au vert. Nous avons redéfini ce que nous attendions d'eux. Par exemple, nous nous sommes rendu compte qu'ils passaient beaucoup de temps à sortir des statistiques, ce qui n'est pas “core métier”. Nous les avons donc déchargés de tâches administratives à faible valeur ajoutée. Nous avons mis en place un poste d'analyste, qui publie les statistiques et leur envoie tous les matins par e-mail, et une assistante plateau qui les aide sur l'administration du personnel. L'idée étant de leur donner davantage de temps pour se concentrer sur leur coeur de métier : les écoutes, les débriefs, la montée en compétences… Nous les aidons aussi avec des formations continues spécifiques, internes et externes. De même, nous avons mis en place des formations pour l'encadrement, afin que tout le monde aille dans le même sens.

Et pour les chargés d'assistance ?

N. L : Outre la formation initiale, nous avons travaillé sur la formation continue, qui était peu développée. Nous avons organisé trois journées de formation pour travailler sur les techniques d'entretien et de vente, suivies maintenant de formations plus ponctuelles. Notre priorité est clairement de développer la formation continue. Notre turn-over ayant pratiquement disparu, il faut faire monter nos chargés d'assistance en compétences. Ce qui est d'autant plus important que 100 % de nos promotions sont internes. Tous nos superviseurs et une très grande partie de l'encadrement ont été chargés d'assistance.

Comment s'effectue cette promotion en interne ?

N. L : Un chargé d'assistance démarre comme chargé d'assistance junior, puis passe confirmé, puis senior, en fonction de sa capacité à maintenir un taux de conversion pendant plusieurs mois. C'est une promotion à la performance, automatique, à chaque fois avec une augmentation salariale. Depuis six mois, nous avons mis en place un nouveau système qui remplace le seul entretien individuel existant jusque-là. Dès qu'un poste de superviseur est ouvert, les chargés d'assistance peuvent postuler avec un prérequis : être au moins confirmés. Tous les candidats sont reçus. Il y a d'abord un entretien de groupe, suivi de tests, puis du débriefing par écrit d'un appel, de mises en situation et, enfin, d'un entretien individuel de validation. C'est un processus assez long, suivi d'un débriefing pour expliquer aux candidats pourquoi ils n'ont pas été retenus. C'est apprécié des salariés parce que c'est réellement transparent. Et, de notre côté, nous sommes satisfaits, parce que nos nouveaux superviseurs sont vraiment très bons. Nous appliquons aussi ce process aux superviseurs, chargés d'écoute, formateurs… C'est un système qui existait déjà pour les cadres. Dune façon générale, nous essayons de faire redescendre au niveau du centre d'appels ce qui existait au niveau du groupe mais qui était réservé à des populations particulières.

Outre la promotion, quels sont vos autres moyens de motivation ?

N. L : Nous organisons un gros challenge annuel l'été qui, pour nous, est une période de forte activité. Nous venons de lancer celui de 2006, qui se terminera le 2 septembre. C'est un challenge par équipe pour lequel trois critères entrent en compte : taux de prise de rendez-vous, de rendez-vous à J0 et de pause à domicile. La meilleure équipe va gagner un week-end, pour deux, dans les calanques de Cassis. En général, ce type de challenge avec voyage à gagner est réservé aux populations de commerciaux. Mais il nous paraissait important de valoriser nos chargés d'assistance et de leur donner accès à des choses auxquelles ils n'ont généralement pas accès, de les traiter comme des commerciaux terrain et non comme de simples opérateurs de centre d'appels. C'est un moyen de faire en sorte qu'ils aient conscience de l'importance de leur rôle. Au-delà, nous mettons en place des challenges réguliers, avec de petits cadeaux à gagner. Par exemple sur une journée, du type retour des week-ends du 1er mai, du 8 mai…, des périodes de forte activité. Récemment, nous avons organisé la “Carglass Academy”, un challenge interne pour trouver la meilleure faire tourner les chargés d'assistance sur d'autres rôles pour les faire monter en compétences, les préparer à de nouvelles fonctions. Par ailleurs, s'il est très facile de suivre la conversion chez Carglass Assistance, c'est plus compliqué pour le drive in. Nous avons donc décidé d'envoyer dans les centres, sur la base du volontariat, des chargés d'assistance qui vont, une semaine minimum, interroger les clients pour suivre ce taux de conversion. C'est une relation gagnant-gagnant. D'un côté, les chargés d'assistance deviennent meilleurs sur la compréhension du fonctionnement d'un centre, sur le diagnostic vitrage… De l'autre, ils aident les chefs de centre à mieux comprendre notre réalité, nos difficultés. Cela a permis d'ouvrir le métier de chargé d'assistance.

Quels sont vos critères pour juger de la qualité du travail d'un chargé d'assistance ?

N. L : Quand un client appelle, la première tâche consiste à identifier s'il s'agit bien d'un bris de glace. Si oui, c'est ce que nous appelons une “opportunité”. Cette opportunité, nous allons la transformer en rendez-vous. Le travail du chargé d'assistance va être jugé sur plusieurs critères. Le plus important, qui représente 50 % de sa prime variable, est sa capacité à proposer et obtenir un rendez-vous. Ensuite viennent sa capacité à proposer le rendez-vous le jour même ou le lendemain, à diagnostiquer la bonne pièce de verre, à bien identifier l'assurance du client et enfin le nombre de rendez-vous par heure. Ce dernier critère, de productivité, ne compte que pour 10 % de sa prime. Pour nous, fixer un rendez-vous, de qualité, est plus important que simplement faire du décroché.

Avez-vous postulé au Label de Responsabilité Sociale ?

N. L : Oui. Nous avons déposé un dossier et nous serons d'ailleurs audités le lendemain de notre déménagement à Courbevoie. Cela s'inscrit tout à fait dans notre logique. Nous pensons que c'est important, à la fois en interne mais aussi pour la profession, car les centres d'appels n'ont pas toujours bonne presse et ont souvent une image qui ne correspond pas à la réalité. Or, on peut évoluer dans un centre d'appels, c'est un vrai métier. Ce label, si nous l'obtenons, va également nous permettre de mieux attirer des candidats de valeur.

Biographie

35 ans. Diplômé de l'Institut Commercial de Nancy (ICN), il a notamment travaillé pour Neuf Telecom en tant que responsable de l'entité Support et Projet où il a contribué à la mise en place de la solution CRM Siebel pour l'ensemble des services clients. Il s'est ensuite vu confier la responsabilité du service clients pour les clients résidentiels en téléphonie. En 2003, il rejoint Alice, Telecom Italia, où il participe au lancement de l'offre sur le marché français et à la mise en place du centre d'appels internalisé à Marseille. Nicolas Lenoir a rejoint Carglass en avril 2005 en tant que directeur de Carglass Assistance.

Carglass

Leader français du remplacement et de la réparation du vitrage automobile. Filiale du groupe Belron International (présent dans 28 pays). 1986 : ouverture du premier centre Carglass à Lille. 1988 : lancement de la “pose à domicile”. 1991 : création de Carglass Assistance. 1996 : lancement de Carglass Distribution. 220 centres, intégrés, en France, à juin 2006. Flotte de 450 véhicules ateliers circulant dans toute la France. Plus de 2 000 personnes.

Propos recueillis par François Rouffiac

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page