My turn-over is rich
"Les responsables opérationnels ont du mal à budgéter le phénomène du
turn-over et ont besoin de se faire aider dans la mise en oeuvre de stratégies
de rétention" : la sentence pourrait valoir pour les managers de centres
d'appels en France. En fait, elle vise les patrons des centres de contacts en
Grande-Bretagne. Après avoir interrogé des responsables de call centers
outre-Manche (voir encadré Méthodologie), le cabinet conseil britannique
Bluesky Consulting a tenté d'estimer le poids du turn-over au sein de cette
activité. Pour, au final, chiffrer le coût global de l'attrition des effectifs
à 1,1 milliard de livres par an (calcul établi par croisement de données
relatives aux coûts de recrutement, de formation et de gestion des mouvements
de personnel). Premier constat, le turn-over est un phénomène sensible sur les
centres de contacts. 50 % des responsables interrogés font part d'une rotation
des effectifs de plus de 10 % par an. C'est dans le secteur de la distribution
que l'on constate les taux les plus élevés : dans 15 % des cas, le turn-over
dépasse en effet les 30 %. Mais, tout aussi alarmant : seulement 15 % des
centres d'appels dans le monde des télécoms enregistrent un taux inférieur à 5
%. Bluesky estimant le niveau moyen d'attrition à 20 %, tous secteurs
d'activité confondus. Les observateurs estimant qu'avec un taux de 10 %,
l'activité pourrait se prévaloir d'un bilan sain. Le taux de turn-over est
assez clairement indexé sur la taille des structures : si 45 % des sites de
moins de 100 salariés enregistrent un ratio de moins de 5 %, le taux plancher
passe à 15-20 % pour les centres de plus de 1 000 employés.
La formation... à peine envisagée
Pour ce qui est des employés à
temps partiel ou en CDD, le secteur de la distribution fait mauvaise figure :
36 % des responsables interrogés déclarent des taux d'attrition de plus de 30
%. Les secteurs des voyages et des télécommunications s'en sortent mieux. La
majorité des effectifs travaillent entre 35 et 40 heures par semaine. Avec des
variations selon les secteurs d'activité : le monde de la finance cumule ainsi
les rémunérations les plus avantageuses et les temps de travail les plus
courts. Un schéma radicalement opposé à celui constaté au sein du secteur des
télécoms. La formation n'est pas le point fort des politiques managériales en
Grande-Bretagne. Seulement 31 % des responsables interrogés disent consacrer
plus de trois semaines aux formations initiales. C'est le secteur des voyages
qui s'en sort le moins mal : plus de 58 % des centres programment des sessions
initiales de plus de trois semaines. Pour ce qui est de la formation continue,
tous les responsables interrogés déclarent développer des sessions chaque mois.
Mais, dans la majorité des cas, elles se limitent à deux heures mensuelles par
agent. Et le constat s'avère plus flagrant encore concernant les équipes
employées à temps partiel ou en CDD : formation initiale indigente et à peine
une heure par mois pour la formation continue. Le secteur des télécoms se
montrant particulièrement avare en la matière : plus de 65 % des managers
interrogés déclarant consacrer entre un et cinq jours par an à la formation.
30 % des services de vente ne mesurent pas la performance
Etonnamment, plus de 30 % des managers dont le centre
d'appels a une vocation de vente disent ne pas mesurer la performance
commerciale de leurs équipes. Dans la distribution, ce ratio monte même jusqu'à
50 %. Ce, sans écarts constatés entre les centres en émission et les centres en
réception. Pour ceux qui mesurent la performance de leurs agents, il s'avère
que l'efficacité commerciale est directement liée à l'ancienneté. Près de 50 %
des managers remarquent que les équipes sont à moins de 30 % des standards de
productivité lors du premier mois. Pour près de 50 % des responsables
interrogés, ce ratio passe à plus de 70 % au cours du troisième mois. Selon
Bluesky Consulting, l'introduction de la variabilisation dans la rémunération a
des effets directement bénéfiques sur la fidélisation. Le secteur de la
distribution, qui s'avère le plus rigide en termes d'attribution de primes,
accuse le taux de turn-over le plus élevé. Outre la question salariale, évoquée
comme le facteur numéro un d'explication du turn-over, les managers interrogés
par Bluesky Consulting citent en deuxième lieu et troisième lieu les faibles
perspectives d'évolution des carrières en interne et la présence d'autres
centres d'appels dans leur périmètre. Assez curieusement, le facteur stress
figure au dernier rang des clés de démotivation. Le salaire moyen pratiqué sur
les centres d'appels en Grande-Bretagne s'élève à 11 000 livres annuelles. Dans
15 % des cas (tous secteurs confondus), la rémunération dépasse les 16 000
livres. Pour le recrutement de leurs équipes, les managers de call centers
conjuguent les différentes techniques et supports : agences spécialisées,
petites annonces, entretiens téléphoniques, entretiens en face à face... Les
services financiers se montrant particulièrement friands d'entretiens en face à
face (dans 100 % des cas) et de petites annonces (dans 96 % des cas).
L'entretien téléphonique, largement encouragé par les consultants de Bluesky,
fédère à peine 45 % d'adeptes dans la distribution.
18 mois pour absorber le coût d'un turn-over de 20 %
La compagnie A emploie 100 personnes. Les agents en poste depuis un mois traitent 5 appels par heure, ceux en poste depuis deux mois 7 appels et ceux présents depuis trois mois 9 appels. Pour combler le manque de productivité d'un agent avec un mois d'ancienneté, il faut affecter 50 % du temps de travail d'un agent expérimenté durant un mois. Pour un agent en poste depuis deux mois, le ratio baisse à 30 %. Il n'est plus que de 10 % pour un agent en exercice depuis trois mois. Bluesky a calculé qu'il faudrait programmer 18 mois supplémentaires de production pour permettre à l'entreprise A d'absorber le coût d'un turn-over annuel de 20 %.
Méthodologie
Bluesky Consulting a envoyé par e-mail un questionnaire fourni à un certain nombre de managers de centres d'appels en Grande-Bretagne. Pour recevoir 294 réponses exploitables, dont 87 % émanent de responsables de middle management et 50 % de managers seniors ou de directeurs.