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Mutation, mesure, mémoire

Plus de 50 000 produits, une trentaine de départements vente, des clients dans tous les secteurs de l'industrie et des services... 3M avait un besoin impérieux de réorganiser une relation client très parcellisée. Opérationnel depuis fin 2001, le service travaille notamment à la constitution d'une mégabase de connaissances. Les explications du directeur du centre de contacts clients.

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Comment est né le centre de relation client de 3M ?


3M fabrique et distribue 50 000 produits ou solutions sur cinq grands marchés. Chacun de ces marchés compte cinq à six départements de vente, avec leurs spécificités. Ce qui rend la relation client complexe, c'est l'étendue de notre offre et du spectre de notre clientèle. Nous avons des clients dans tous types d'entreprises. Et un client dans l'industrie peut très bien être intéressé par un produit que nous adressons au grand public. L'exemple type, c'est le Post-It. Il fallait donc pouvoir créer des passerelles. Ce qui n'est pas simple quand on sait d'où on vient. Historiquement, l'entreprise avait créé des cellules : une cellule consommateurs (qui dépendait d'une direction juridique), un centre d'information client pour 3M France, un autre pour 3M Santé, un standard France, un standard santé, une cellule télémarketing. Nous avions deux préoccupations majeures. La masse critique : comment avoir le bon dimensionnement pour chacune de ces cellules. La gestion de l'information : comment faire le lien entre des bases de données construites sous des formats tous différents.

Depuis quand le service clients est-il opérationnel ?


Tout aura été bouclé en moins de dix mois. Le management m'a demandé en février 2001 de réfléchir à une préconisation. En mai, nous avons fait une recommandation ; en juin, nous avons eu le feu vert du management. Le travail s'est fait en équipes transversales. L'ensemble des processus liés à l'activité clients a été revu. Après avoir travaillé sur la totalité des logiciels, nous avons pu démarrer en pilote le 15 décembre. Nous sommes d'ailleurs encore en phase pilote, notamment au niveau des outils. Le plus difficile, dans un projet de ce type, c'est de former les conseillers le plus rapidement possible à l'ensemble des nouveaux outils et à leur intégration.

Quelle est la finalité du nouveau service ?


L'objectif du centre de contacts, c'est de pouvoir répondre à une clientèle aussi diversifiée que des médecins, des consommateurs grand public, des patrons de PME, des acheteurs dans les grandes entreprises, des experts, des ingénieurs. Répondre, accueillir, informer, conseiller. Pour répondre le plus rapidement possible à une demande client, nous avons investi dans des outils, notamment Siebel et Primus, qui nous permettent de mesurer la demande, de capitaliser sur la connaissance et de mémoriser les processus.

Comment est aujourd'hui organisée la relation client ?


Nous avons créé une structure unique pour le groupe 3M en France : le centre de contacts clients, qui gère l'ensemble des marques. Ce centre s'articule autour de trois éléments majeurs. Premièrement, un standard unifié pour les deux sociétés 3M France et 3M Santé. Deuxièmement, le centre information clients qui dessert tous les marchés du groupe 3M en France. On est ici sur de l'appel entrant. Troisièmement, une cellule télémarketing, principalement articulée autour de trois chefs de projets qui se partagent les cinq grands marchés. Le gros des appels émane de notre clientèle B to B. Nous sommes ouverts de 9 à 17 h du lundi au vendredi. Le standard étant accessible de 8 h 30 à 18 h.

Pas de sous-traitance ?


La partie "terrain", c'est-à-dire l'administration des campagnes téléphoniques, se fait à l'extérieur, chez Phone Marketing : opérations de télévente ou de télémarketing, qualification de fichiers et détection de potentiels, prise de rendez-vous. Phone Marketing a été retenu en janvier 2002 après appel d'offres auprès des quelques acteurs importants du marché. 3M y a une équipe dédiée, que nous sommes en train de dimensionner. Nous nous sommes donné quelques mois pour définir tout cela au plus près. En interne, six personnes travaillent sur le centre information clients, six autres au standard et trois chefs de projet au télémarketing.

On s'attendrait à un effectif plus important pour une entreprise comme 3...


C'est vrai que ça n'a rien à voir avec les banques. Nous sommes en France depuis un certain temps, ce qui fait que beaucoup de clients nous connaissent et s'adressent souvent à leurs contacts privilégiés dans les départements de vente ou de marketing. Mais un expert de l'abrasif n'est pas forcément un expert de la communication. Notre rôle à nous, aujourd'hui, c'est justement de favoriser les transferts. Le problème majeur de tout centre de contacts, c'est le dimensionnement. Nous avons également dimensionné par rapport à un certain historique. Si demain, j'ai trois campagnes qui démarrent à la télé, j'explose le standard. J'ai alerté les directeurs marketing sur ce point afin qu'ils nous préviennent de leurs actions à venir et que nous puissions travailler ensemble et de notre côté ajuster le dimensionnement. Après, pour ce qui est de la sous-traitance quand elle devient nécessaire, c'est davantage une affaire de cas par cas en fonction des opérations et des départements concernés. Nous sommes sur des produits complexes.

Pourquoi avoir choisi Siebel ?


Nous avons été parmi les premiers en Europe, au sein du groupe, à mettre en place un centre d'information clients. Aux Etats-Unis, 3M dispose d'un centre d'appels depuis quatre ans, mais qui n'est pas sous Siebel. Ce qui fait que nous sommes en France pilote européen et mondial sur la mise en place de l'outil Siebel, que nous avons couplé avec le logiciel de base de connaissances Primus. Changer de PABX nous aurait coûté plusieurs millions de francs dans la mesure où nous travaillons en réseau avec notre centre de distribution européen de Saint-Ouen l'Aumône et notre usine de production de Beauchamp (95). J'en serais encore à essayer d'imaginer un retour sur investissement. Nous avons donc investi dans une plate-forme Saga NetCentrex, qui permet de coupler la téléphonie et l'informatique.

Quel est le processus de gestion d'un contact entrant ?


Un client nous sollicite, par téléphone ou par n'importe quel média. Dès lors qu'il appelle une deuxième fois, il est automatiquement routé par Siebel vers le bon interlocuteur. Le CTI se met alors en marche, avec montée de fiche. Les conseillers rentrent les informations en ligne dans Siebel qui va envoyer un résumé de la demande client à Primus. Celui-ci, en fonction d'associations de mots, de symptômes lexicaux, va rechercher si nous n'avons pas déjà enregistré une demande du même type. Si c'est le cas, le système nous fait une proposition. Le modèle fonctionne dans 60 à 80 % des cas. Quand il y a un doute ou plusieurs réponses possibles, nous validons avec le département ventes concerné. Les départements vente commencent aussi à entrer dans Siebel, ce qui nous permet de communiquer de manière très interactive avec eux. Nous aurons sans doute bientôt une base de données groupe unique sur Siebel. Idéalement dans deux trois ans pour l'ensemble des 33 départements vente et le millier de collaborateurs que cela recouvre.

Avez-vous opté pour un numéro unique ?


Il existait une pléthore de numéros pour joindre 3M, des numéros noirs, un Numéro Vert. On est passé le 15 décembre 2001 à un Numéro Azur unique. Et, aujourd'hui, les 33 départements de vente des différents marchés commencent à en faire la promotion auprès de leurs clients et prospects. J'ai voulu que tout cela s'inscrive dans un mouvement progressif de montée en puissance que nous serions capables d'absorber. On y va doucement parce qu'il faut que les gens se forment au produit. A Siebel, mais aussi à Primus, à Saga NetCentrex. Ce qui n'est pas évident. La communication quant à ce numéro d'appel unique n'est pas encore finalisée, mais les personnes qui travaillent sur le centre de contacts sont déjà bien occupées. Et ce, parce qu'on n'est pas sur des problématiques basiques de type numéro de carte Sim. Nous sommes appelés par des ingénieurs de l'aérospatiale qui nous interrogent sur des polymères très pointus. Récemment, une infirmière nous a appelés, depuis la salle d'opération, pour savoir si l'un de nos produits pouvait être utilisé sans risque d'allergie.

Combien de contacts traitez-vous ?


Le standard gère 1 400 appels par jour. Sur le centre d'information clients, on doit en être à 200 appels quotidiens. Et, alors que l'e-mail était quasiment inexistant il y a six mois, nous traitons environ 400 e-mails mensuels. Je parle des mails gérés par le site web, sachant que chaque collaborateur a son adresse mail personnelle. 400 e-mails, ça ne paraît pas grand-chose, mais si on met ce chiffre au regard du nombre de produits et de départements que nous gérons, c'est très complexe. La demande est principalement liée à des produits. A partir de cette demande, le service travaille sur quatre processus : nous gérons toute la dimension contacts entrants (téléphone, e-mails, fax, Internet), les réclamations consommateurs (grand public et santé), nous traitons aussi, avec Siebel, la notion d'opportunité commerciale et nous collectons des informations de manière à alimenter les outils de notre marketing.

Quel est le profil des conseillers ?


Il y a eu très peu de recrutement à l'extérieur. Toujours parce que l'étendue de nos gammes nous oblige à privilégier des personnes qui ont une culture produit très forte. Nos collaborateurs viennent souvent des anciennes cellules clients atomisées au sein du groupe 3M.

Les conseillers sont-ils spécialisés ?


Nous avons mis en place des pôles d'expertise constitués de cinq conseillers et d'un team leader qui supervise l'équipe et travaille en back-up. A chacun d'entre eux, nous avons confié des responsabilités marché et produits. Chaque conseiller s'est vu attribuer cinq à six départements de vente. L'objectif étant d'aller au maximum dans le sens d'une expertise, de faire que ces conseillers participent aux réunions qui se tiennent dans les départements marketing concernés, qu'ils suivent les mêmes formations, qu'ils vivent en osmose avec les départements de vente : formation aux produits existant, aux nouveaux produits, délivrance d'information, connaissance des statistiques et présentation de rapports d'activité... Ce qui serait impossible avec une approche généraliste.

Pas de place donc pour la polyvalence ?


Nous n'excluons pas une certaine polyvalence. La personne qui a pris la responsabilité du centre de relation client pour 3M Santé est partie en formation trois semaines. Pendant ce temps-là, il fallait assurer la polyvalence et le back-up. Dès que nous avons un peu de temps, nous formons chacun des conseillers sur d'autres produits afin de ne pas se laisser piéger par une spécialisation absolue. Nous commençons à enregistrer les retours de ce type d'investissement. Un client nous a appelés au sujet d'une application spécifique dans le domaine de la santé. Or, il se trouve que la personne a priori la mieux à même de lui répondre, qui avait suivi ce type de dossiers depuis des années, est partie à la retraite et que son successeur, formé pour lui succéder, était absent quand le client a appelé. Un autre conseiller a pris l'appel, a entré la demande dans Siebel, déclenché la recherche dans Primus et apporté une réponse qui a parfaitement satisfait le client. Il y a encore neuf mois, ça n'aurait même pas pu s'imaginer. On aurait répondu : « M. X va vous rappeler. »

Quelle est votre politique en matière de productivité ?


Dans un premier temps, ce qui est important, c'est que les collaborateurs aient bien intégré tous les outils. Mais nous avons bien sûr des objectifs de productivité. Notamment, quand les choses seront rodées, de décrocher 95 % des appels en moins de trois sonneries, de limiter le taux d'abandon à moins de 2 % et de répondre en premier appel dans 80 % des cas aux demandes des clients, quelles qu'elles soient. Ce qui est, encore une fois au vu de l'étendue de notre offre, extrêmement ambitieux. Pour les 20 % restant, le délai de réponse peut être de quelques heures. Quant aux e-mails, nous devons y répondre dans les 24 heures. Mais je privilégie la qualité de la réponse à ces strictes questions de timing, a fortiori aujourd'hui où nous sommes en train de constituer notre base de connaissances et que nous n'avons pas en main la réponse à toutes les questions que l'on nous pose.

Quels sont les salaires pratiqués sur le service client ?


Ils sont très variables parce que nous avons des profils très différents, ne serait-ce qu'en termes d'ancienneté. Ce que je peux dire, c'est que les salaires traduisent la valorisation de ces postes au sein de l'entreprise. Nous ne pratiquons pas encore l'intéressement. Mais ça peut se faire. D'autant que les conseillers en information font de la vraie prescription produit.

Quel aura été le budget global de cette organisation ?


Rien de monstrueux dans la mesure où il y a assez peu de positions. Des centaines de milliers d'euros.

Biographie


Bruno le Roch, 42 ans, formation commerciale, a fait toute sa carrière chez 3M, où il a d'abord occupé des fonctions vente et marketing avant de travailler cinq ans au département qualité sur des projets de réingéniering. Le 1er octobre 2001, il a été nommé directeur du centre de contacts clients.

L'entreprise


3M (pour Minnesota Mining & Manufacturing) est présent dans plus de 60 pays et dans six grands secteurs : le grand public, l'industrie, les spécialités techniques, les télécommunications, la signalisation et la communication, la santé. Pour plus de 50 000 produits au total. Le groupe, qui emploie 3 000 personnes dans l'Hexagone, a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires France de 1,18 milliard d'euros, dont 48,5 % à l'exportation.

Muriel Jaouën

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