MOTIVER LES COLLABORATEURS EN CONTACT AVEC LES CLIENTS
La vie d'un collaborateur en entreprise est soumise à des aléas, à des «soubresauts» qui affectent son évolution professionnelle. Ce constat se vérifie encore plus dans l'univers des centres de contacts où la prise directe avec le client a tendance à user . Il convient d avoir les épaules solides et, surtout, de disposer d'un moral à toute épreuve pour faire face à des situations très souvent chaotiques. Néanmoins, un remède existe: être motivé. Certes, un simple mot, mais qui implique un important savoir-faire de la part des managers et des directions d'entreprise afin d'apporter confiance et sérénité au sein des équipes. Sur le papier, motiver ses troupes semble facile. Pourtant, en pratique, tout se complique puisque les rapports humains, même sur un plan professionnel, regorgent de richesses et de subtilités, qu'il ne faut surtout pas sous-estimer.
Dans l'univers de la relation client, il semblerait que la situation ait quelque peu évolué. D'une période où la motivation s'appuyait sur des considérations collectives, nous sommes passés à une vision beaucoup plus individuelle, en essayant, autant que possible, de prendre en compte les besoins de chacun. Par ailleurs, le contexte dans lequel évoluent les métiers de la relation client a lui aussi été modifié. Au début des années 2000, ces fonctions souffraient d'une image désastreuse, image qui s'est nettement améliorée depuis. «Le positionnement social des centres de relation client a permis de faire de ceux-ci un endroit dans lequel il faut désormais passer pour pouvoir révéler des talents, qui seront ensuite utilisés par l'entreprise. Cet univers devient un lieu de partage d'expériences», constate Antoine Dumas, directeur associé de la société de conseil Acemis. Dans une logique de parcours professionnel, les centres de relation client ouvrent aujourd'hui des perspectives nettement plus intéressantes.
Antoine Dumas (Acemis)
L'univers des centres de relation client devient un Lieu de partage d'expériences.
LES POINTS-CLES
SAVOIR DYNAMISER SES EQUIPES
Voici quelques règles qu'il convient de respecter afin de tirer le meilleur parti de ses équipes et de les souder autour de leurs managers.
1. CREER UN ENVIRONNEMENT EXTERIEUR FAVORABLE
Quoi de plus naturel que d'être satisfait de travailler pour une entreprise dont l'image de marque est forte et valorisante? Grâce à ce prérequis suscitant un sentiment de fierté, il n'est pas forcément nécessaire de se lancer dans de grandes manoeuvres visant à encourager ses collaborateurs, puisqu'une grande partie de la motivation est déjà bel et bien présente. Mais, pour en arriver à ce stade, le travail est long et fastidieux. Il convient, tout d'abord, de disposer de produits/services jouissant d'un haut niveau de qualité. En outre, il faut pouvoir s'appuyer sur une communication institutionnelle très forte, établie sur plusieurs années, afin de garder, voire d'élever, le niveau de notoriété et d'image de l'entreprise. Ces stratégies mises en place par de grandes entreprises (Apple, Evian, EDF, Canal+, Chanel, etc.) marquent les esprits et les collaborateurs de ces enseignes qui ont souvent le sentiment d'être des «privilégiés». Cette impression, basée sur l'appartenance à une entreprise de grande renommée, entraîne, a priori, une motivation naturelle qu'il n'est pas nécessaire d'amplifier.
2. COMMUNIQUER SUR UN PROJET D'ENTREPRISE GLOBAL
Etre motivé dans un centre de relation client, c'est d'abord comprendre les objectifs de son entreprise, assimiler le contenu des missions qui lui sont confiées, qu'elles soient quantitatives et/ou qualitatives. L'équipe dirigeante doit donc tenir un discours clair et indiquer la direction qu'elle souhaite prendre et les moyens dont elle dispose. Vis-à-vis des agents de clientèle, il convient néanmoins d'éviter de mettre l'accent sur les chiffres attendus, sur le ROI, au risque d'altérer la notion de confiance établie avec les collaborateurs. «Avant d'évoquer les résultats attendus par ses équipes, il est préférable d'insister sur le rôle que peuvent jouer les collaborateurs au sein de l'entreprise. Parmi les moyens existants, le modèle coopératif est très bien perçu par les collaborateurs. Après un an de contrat, ceux-ci peuvent en effet devenir sociétaires de leur entreprise. Au sein d'Arpège, 70% des salariés souhaitent d'ailleurs adhérer à ce modèle et 80% d'entre eux veulent que les fonds restent bloqués», explique Corinne Leclaire, directrice générale déléguée du groupe Arpège.
Par ailleurs, les opportunités de carrière que l'entreprise est en mesure de proposer à ses collaborateurs doivent être abordées avec une certaine précaution. En effet, ce concept de carrière ne doit pas être perçu comme un «leitmotiv» car, dans les métiers de la relation client, la probabilité d'une progression en interne est très faible: les prétendants sont nombreux et le nombre de places limité. «Faire évoluer un collaborateur en interne peut, dans certains cas, être considéré comme un leurre puisque peu de personnes ont h capacité de devenir managers», indique Sophie Virapin, directrice de BlueLink France, centre de contacts et filiale d'Air France-KLM. Lorsqu'une ouverture de poste est annoncée, il faut détailler les critères de sélection et expliquer pour quelles raisons un candidat est en mesure d'être sélectionné ou non. «Une évolution interne n'est pas forcément ce que souhaite un téléconseiller. Il convient de réfléchir avec lui à son plan de carrière au sein de l'entreprise en se posant les bonnes questions: est-il apte à gravir les échelons, ou ne serait-il pas plus efficace et plus épanoui en restant agent de clientèle? En effet, un excellent agent ne fera pas forcément un très bon superviseur ou manager», estime Nathalie Hermann, directrice nationale des centres de relation client de ParuVendu et consultante chez Communication et Qualité.
3. EQUILIBRER LE COLLECTIF ET L'INDIVIDUEL
L'équilibre entre motivation de groupe et motivation; individuelle est précaire. Il est très fréquent de trouver au sein des centres de relation client des programmes (ou challenges) visant à encourager collectivement les collaborateurs (c'est le cas notamment chez Carglass, HSBC et Canal+). Ces programmes de motivation s'appuient généralement sur des critères de performances de ventes, sur une qualité de service à atteindre... Ces challenges visent à stimuler à la fois l'esprit de groupe et la force individuelle. Mais sont-ils pour autant adaptés aux personnalités? «Ce qui va motiver les uns ne sera pas forcément un axe de motivation pour les autres. La motivation est avant tout quelque chose d'individuel. Or, j'ai pu m'apercevoir que cet aspect a longtemps été négligé», souligne Nathalie Hermann. Même constat global pour Laurence Chabry, manager de l'offre relation client chez Cegos: «Il est nécessaire d'instaurer un équilibre entre la performance collective et individuelle. Pour développer l'implication, il est important de laisser aux collaborateurs des zones d'autonomie dans la façon de traiter les consommateurs. Ils sont alors «acteurs» de la relation client. Mais cela suppose d'avoir construit au préalable une culture orientée client partagée pour qu'ils aient à la fois confiance en eux et la capacité de prendre des initiatives pertinentes.»
En outre, la tendance actuelle est d'évoluer d'un management très directif, encadré, avec un pilotage essentiellement quantitatif, à un management où l'on ouvre des espaces d'initiatives pour favoriser la motivation.; «Il est nécessaire de supprimer, autant que possible, tout ce qui enferme les collaborateurs dans un manque de prise d'initiative. Il faut évoluer vers le principe d'«empowerment»», affirme Antoine Dumas.; L'empowerment peut être défini comme un processus favorisant l'implication et la participation de tous; les acteurs à tous les niveaux. La mise en place d'un; tel processus entraîne des changements d'attitude (on glisse d'une attitude passive, de simple exécutant, vers une attitude proactive) et de mentalités.
4. SAVOIR ETRE A L'ECOUTE ET CREER UNE ALCHIMIE
Etre à l'écoute de ses collaborateurs permet de déceler les signes de démotivation, comme le rappelle Sophie Virapin: «Un absentéisme qui progresse, une baisse de la qualité de service sont autant de signaux qui laissent présager d'une dégradation de la motivation. Alors, certes il ne faut pas s'alarmer à la moindre absence de ses collaborateurs, mais il convient de rester attentif afin de prendre des mesures avant que la situation ne se dégrade.» Et, pour anticiper, il convient «d'être à l'écoute». Combien de fois a-t-on entendu ce leitmotiv de la bouche des managers, des directions d'entreprise et des sociétés de conseil en formation? Tellement facile à dire, mais ô combien difficile à mettre en place. «Il est en effet plus facile d'entendre que d'écouter. La nuance est de taille. Ecouter implique que l'on prenne en considération les besoins de ses collaborateurs; ce qui n'est pas vraiment possible dans de nombreux cas de figure», souligne Corinne Leclaire. Tout le savoir-faire des managers va consister à écouter les besoins de leurs collaborateurs, de prévoir les actions correspondantes, sans pour autant remettre en cause les fondamentaux économiques de l'entreprise. Toute la difficulté de l'opération réside en réalité à créer une «alchimie» entre les besoins des collaborateurs et les objectifs de la direction, un exercice bien délicat. «Certes, les managers doivent être à l'écoute des collaborateurs, mais l'art du manager est de pouvoir s'adapter aux attentes de chacun sans pour autant promettre la lune, sous peine d'avoir un effet boomerang négatif. Pour mettre toutes les chances de son côté, il est nécessaire de privilégier des échanges individuels», indique Nathalie Hermann.
Enfin, comment ne pas évoquer la question de la rémunération lorsque l'on parle de motivation? Mais une stratégie de motivation qui se baserait uniquement sur un système de rémunération alléchant semble être vouée à l'échec. Certes de hauts salaires sont sources de satisfaction, mais n'effacent pas pour autant les difficultés des métiers de la relation client. A contrario, une stratégie de motivation qui s'appuie sur des bas salaires aura toutes les peines du monde à porter ses fruits. Vous l'aurez compris, il convient de trouver un juste milieu (qui peut paraître très subjectif en fonction du côté sur lequel on se place), sans oublier qu'une politique salariale, sans un travail de fond (évoqué dans ce dossier), est vouée à l'échec. Finalement, est-ce que l'essentiel, lorsque l'on parle de motivation, ne se situe pas dans la considération? En effet, donner envie à ses collaborateurs de s'investir, mettre en place des baromètres sociaux, écouter, apporter un salaire décent, c'est certes très efficace, mais ajouter une grosse pincée de considération, ce petit quelque chose psychologique qui va faire toute la différence, ne serait-ce pas encore plus efficace?
AUTOMOBILE
CARGLASS: RIEN NE REMPLACE LA MOTIVATION
Depuis Longtemps, Carglass a pris conscience que, pour obtenir un travail de qualité, il devait veiller au bien-être de ses collaborateurs. Et les moyens pour y parvenir sont multiples.
Carglass Assistance dispose de deux centres de contacts: l'un à Courbevoie (100 positions) et l'autre à Poitiers (près de 250 positions). Sur le plan de la motivation, la société ne lésine pas sur les moyens, comme l'explique Eric Dodin, directeur des opérations : «Motiver ses équipes sur la durée, c'est un métier. La tâche s'inscrit dans un projet global d'entreprise. On ne peut pas motiver ses salariés si, à la base, ils ne le sont pas pour travailler dans l'entreprise. Il faut donc montrer les valeurs de celle-ci afin que les collaborateurs puissent s'y identifier Déplus, la notion de notoriété peut jouer un rôle fédérateur qui renforce le sentiment de fierté.»
Parmi les actions marquantes, Carglass a relancé les road shows. A travers 17 dates sur trois semaines en mars dernier, le groupe a organisé des talk shows devant 60 à 200 personnes, événements durant lesquels la direction générale a expliqué sa vision de l'entreprise et apporté des précisions sur les fonctions opérationnelles et les RH. En outre, la motivation du manager est un élément fort. «Quel que soit le niveau de hiérarchie, on se réfère toujours à son manager. Il représente le pilier de toute motivation. Or, un manager motivé aura de grandes chances de faire passer un message positif à ses équipes», indique Eric Dodin.
Par ailleurs, Carglass a mis en place un challenge national, «Permis de gagner», impliquant ses quelque 2 000 employés. A la clé, un voyage à Cuba. L'objectif est de garder des équipes motivées sur les résultats en partie mensuels qu'ils doivent atteindre. «Encore une fois, nous voulons impliquer tous les salariés dans la vie de l'entreprise, en apportant un côté performance», commente Eric Dodin. Entre 200000 et 300000 euros ont été consacrés à ce challenge. J. P.
3 question à FRANCOIS LAVOIE consultant chez Communication & Qualité
Les motivations sont toujours individuelles.
Quel est le point essentiel pour savoir motiver ses collaborateurs?
Au préalable, il est nécessaire que les collaborateurs comprennent pourquoi ils exercent leur métier. L'encadrement de proximité doit jouer un grand rôle pour donner du sens à ce que l'on fait. Si ce que l'on fait n'a pas de sens, on a plutôt tendance à n'en voir que les contraintes. Le message de l'encadrement doit donc être en permanence véhiculé par la direction pourfaire comprendre aux collaborateurs la nature de leurs missions.
Comment prendre en considération l'aspect collectif et les besoins individuels?
Les motivations sont toujours individuelles: ce qui motive un collaborateur peut ne pas en motiver un autre. Il faut donc connaître chaque personne.
Il convient, dans le cadre d'entretiens de motivation, de poser des questions bien ciblées du type: «Qu'est-ce qui te plaît dans ce que tu fais «Des horaires flexibles, un lieu de travail à proximité de son logement... on s'aperçoit que ce qui motive en partie les individus, ce n'est pas ce qu'ils font, mais ce qu'ils ont. Ce sont des facteurs d'ambiance qui ont la particularité d'être éphémères et qui motivent donc sur une période très courte. C'est pourquoi il faut bien connaître ses collaborateurs pour aller au-delà des premières réponses. Or, il est très rare que les managers citent plus d'un critère de motivation par agent. Par ailleurs, les managers sont pollués par les rumeurs qui leur parviennent, notamment en matière de rémunération. L'argent ressemble à un «leurre» car, lorsque des augmentations de salaire sont attribuées, cela ne diminue en rien les difficultés du métier. Il existe bien d'autres arguments pour motiver ses équipes.
Longtemps considérée comme un métier exercé par des jeunes, la profession d'agent de clientèle attire de plus en plus une population plus âgée. Ce phénomène a-t-il une incidence sur la motivation?
Oui, car les facteurs de motivation ne sont pas les mêmes en fonction des générations. Il n'est pas souhaitable de tenir un discours unique. Il faut qu'il soit adapté à chaque génération. De même, pour une personne de nature très rigoureuse, il convient de lui confier des missions où la rigueur est importante. Pour quelqu'un qui aime transmettre son savoir, il vaut mieux lui donner des missions liées à la formation de nouvelles recrues. Même si cela paraît évident, on est encore loin du compte.
L'avis de FREDERIC LACROZE directeur associé chez Digiway Consulting
Des collaborateurs heureux font des clients heureux.
La motivation: un défi majeur
Dans un environnement aussi contraint que celui des centres de contacts, comment arriver à développer et à maintenir la motivation de ses collaborateurs? Voilà bien l'un des défis majeurs, et sans doute le plus difficile, que doivent relever aujourd'hui les managers de centres de contacts. Certes, la motivation des équipes a toujours été l'une des problématiques de la gestion des ressources humaines. Pour autant, pendant longtemps, les modes de management observés dans les centres de contacts s'inscrivaient dans la seule logique productiviste dont on sait aujourd'hui qu'elle est source de réelle démotivation. Bien-être et satisfaction des collaborateurs n'étaient alors que la dernière des préoccupations des managers.
Fidélisation client ou fidélisation collaborateur: même combat!
Fort heureusement, depuis quelques années, les pratiques managériales mises en oeuvre dans les centres de contacts ont considérablement évolué. Aujourd'hui, en effet, les RH sont au coeur du process de développement et d'amélioration des performances des centres de contacts. Car, on le sait, le travail d'un collaborateur motivé est de meilleure qualité et plus abondant. Et, par ricochet, un client mieux servi sera plus satisfait, plus attaché à l'entreprise et donc motivé pour consommer davantage. L'adage «Des collaborateurs heureux font des clients heureux» n'est pas qu'une vue de l'esprit. De plus en plus de managers de centres de contacts s'inspirent des méthodes marketing pour définir leur politique de gestion des ressources humaines, en s'appuyant sur la même stratégie de fidélisation.
La voix du collaborateur vaut bien celle du client
Si les managers de centres de contacts utilisent les mêmes leviers de motivation et de fidélisation que le marketing, on observe également des pratiques identiques concernant la mesure du niveau de satisfaction. De fait, il devient courant que les collaborateurs soient régulièrement interrogés (au moins une fois par an) sur leur niveau de satisfaction par rapport à leur fonction et les conditions dans lesquelles ils l'exercent. Ainsi, sont passés au crible ambiance et conditions de travail, politique salariale, qualité des relations entre les collaborateurs et leur hiérarchie, mode de communication interne..., autant de facteurs ayant un impact fort sur le niveau de satisfaction des collaborateurs. De même, les managers de centres de contacts vont emprunter les diverses méthodes marketing (études de marché, focus group, etc.) pour recueillir attentes et suggestions de leurs collaborateurs sur l'ensemble des éléments contribuant au bien-être de chacun dans l'exercice de sa fonction.