Logiciels d'assistance : la confusion des genres
SAV, hot line ou help-desk ? Les éditeurs de logiciels jouent volontiers de la confusion quand il s'agit de répondre à un cahier des charges portant sur de l'assistance et du suivi client. Et pourtant, du SAV au help-desk en passant par la hot line, les spécificités fonctionnelles et donc technologiques sont bien réelles.
Assistance, SAV, help-desk... si la finalité centrale d'un service de
support et de suivi est d'apporter un service à des utilisateurs de produits
achevés ou à des consommateurs après achat d'un produit ou d'un service, les
déclinaisons en sont multiples. Et, alors que les éditeurs cultivent
volontairement une certaine opacité quant à la segmentation objective du
marché, on peut toutefois identifier trois grandes catégories : la hot line, le
service après vente, le help-desk. Une distinction nécessaire tant il est vrai,
comme l'indique Patrick Hett, P-dg de Kimoce, «qu'il s'agit de trois approches
sensiblement différentes, avec des offres et des acteurs spécifiques.» Malgré
tout, le boom des services d'assistance est né de l'explosion de la
micro-informatique. La prolifération exponentielle de hot lines et de
help-desks informatiques vers des clients externes ou vers des utilisateurs
internes n'est pas sans incidence sur la facture des logiciels de support telle
qu'elle subsiste encore aujourd'hui : le gros de l'offre reste largement
orienté informatique et les déclinaisons métier sont loin d'être généralisées.
De la hot line au help-desk en passant par le SAV, les acteurs ont une
légitimité plus ou moins limpide et développent des offres plus ou moins
spécifiques. Avec, de fait, une évolution significative des prix d'une
catégorie à l'autre. A cet égard, l'exemple de Kimoce est d'autant plus parlant
que l'éditeur français propose un concept englobant les trois niveaux de
prestation au travers de trois packs : le pack Kim Hotline, le pack Kim SAV et
le pack Kim Services. Le premier sera accessible moyennant un investissement de
85 000 francs (logiciel pur, hors prestations de services) pour cinq postes de
travail. Quant à Kim Services, qui en tant que PGI (progiciel de gestion de
services) inclut toutes les fonctionnalités jusqu'à la logistique avec
intégration du lien ERP (ce qui n'est pas le cas pour Kim SAV), il nécessitera
un investissement de 150 000 francs pour cinq postes.
CLIENTS EXTERNES/UTILISATEURS INTERNES
Mais quelles sont précisément les
finalités spécifiques de logiciels de hot line, de SAV et de help-desk ?
Premier segment : les outils de hot line. Leur finalité première consiste dans
la gestion des demandes de clients externes. Il s'agit bien souvent pour les
entreprises de gérer avec leurs clients des services contractuels (maintenance
à niveaux de forfait, validation de contrats, droits aux services). Acteurs
plus spécifiquement positionnés sur ce marché : Remedy, Applix ou encore
Enéide. Deuxième segment de marché : les logiciels de SAV. Là encore, l'offre
logicielle cible avant tout la relation client externe. Un outil de SAV doit
intégrer la gestion de planning (gestion des rendez-vous de techniciens et
agents de maintenance), la gestion des rapports d'intervention sur site
(consommation des pièces, temps de déplacement, temps d'intervention effective,
facturation client), la logistique (gestion des stocks de pièces détachées,
livraisons), la facturation et le lien avec les ERP. Un certain nombre
d'acteurs du marché développent des offres plus ou moins "marquées" SAV, y
compris lorsqu'ils sont historiquement issus d'un segment de marché plus proche
de la gestion de parcs, à l'instar de Kimoce. Troisième catégorie, celle des
logiciels de help-desk. L'offre cible ici plus spécifiquement les clients et
utilisateurs internes et les services de back-office des entreprises. Acteurs
clairement positionnés sur ce marché : Peregrine ou Supporter. Ce dernier
propose avec Wincall une offre logicielle 100 % internet (ce en quoi l'éditeur
français affirme être le seul sur le marché du help-desk) plus spécifiquement
destinée aux petites et moyennes structures (entre 2 et 50 hotliners). « La
moyenne en termes de licences se situe chez nous autour de 10 et 11 positions
», souligne Elisabeth Cornée Leplat, chef de produit Wincall chez Supporter.
Wincall se veut un outil léger, facilement opérationnel et rapidement
implémentable : une demi-journée ou une journée pour la formation des
hotliners, idem pour l'administrateur. « Nous nous engageons sur un délai total
d'opérationnalité de sept semaines, mais notre moyenne tourne autour de quatre
semaines », précise Elizabeth Cornée Leplat. L'offre commerciale de Wincall
dépasse le strict produit logiciel, Supporter exploitant son positionnement
d'outsourcer pour proposer aux acheteurs une option de prise en charge de tout
ou partie de leur SAV. L'entreprise a ainsi la possibilité de partager la base
de données avec le prestataire, qui prend alors en charge une partie de la
production, soit en débordement, soit pour des activités ponctuelles, soit de
manière fixe. Mais, selon une étude d'Aberdeen Group, Remedy demeure pour la
cinquième année consécutive le leader du marché mondial des solutions de
help-desk interne avec une part de marché de 25 %, soit deux fois supérieure à
celle de son concurrent le plus proche, Peregrine Systems. L'éditeur compte des
clients prestigieux comme Deutsche Telekom (180 000 personnes supportées, 80
000 demandes mensuelles), Telefonica (300 000 demandes par mois), Ford Motor
Company (87 000 tickets mensuels), Lucent (support mondial dans 60 pays),
Ericsson (52 centres de support pour 10 000 utilisateurs), Xerox Europe... Pour
résumer, une offre logicielle qui intégrerait l'ensemble de la chaîne hot line,
SAV et help-desk serait susceptible de présenter des fonctionnalités et des
applications multiples (voir encadré), depuis l'identification du contact
jusqu'à son analyse statistique en passant par le transfert de la fiche à
l'interlocuteur le plus compétent et le suivi en temps réel du dossier.
UN MARCHÉ GLOBAL EN CROISSANCE DE 36 %
Le marché
mondial des solutions d'assistance en général (hot line, SAV, help-desk) est
estimé à 550 millions de dollars, augurant, selon Aberdeen Group, une
croissance de 36 % pour 2001. IDC parlant, pour sa part, d'une croissance de 31
% (avec une progression nettement plus sensible sur le marché des outils
d'assistance externe que sur l'interne). De fait, les éditeurs de logiciels de
CRM, tout comme les spécialistes des ERP d'ailleurs, investissent eux aussi le
marché, proposant tous des modules et applications susceptibles de gérer de la
hot line, du SAV ou du help-desk. C'est le cas de Siebel, de Vantive/Scopus
(Peoplesoft) ou à moindre échelle de Clarify (Nortel). Mais il s'agit avant
tout d'intégrations commercialement opportunistes de la part de fournisseurs
plutôt positionnés sur les projets extrêmement lourds, là où les entreprises
réclament pour leurs prestations d'assistance, de support et de suivi des
implémentations plus souples et rapides. Siebel, qui pratique des tarifs
d'entrée avoisinant les 3 millions de francs pour des mois de déploiement,
n'est pas connu pour être un spécialiste du SAV en tant que tel. « En ce qui
concerne les éditeurs bien implantés en France et développant des offres
significatives, il faut identifier ceux dont l'offre historique est une offre
help-desk ou SAV et qui ont développé des produits plus généralistes et CRM. On
peut citer Remedy, Astea, Peregrine, Vantive, Applix », affirme Bruno Rossi,
directeur marketing d'Applix France.
QUALIFICATION DU CLIENT, CRITÈRE DISCRIMINANT
Moins sensibles au critère d'extension du
parc installé (peut-être parce que moins présents en parts de marché), d'autres
éditeurs vont davantage insister sur la finalité précise des offres pour
classifier les acteurs du marché. « Certaines sociétés seront plutôt
positionnées sur le help-desk interne, comme Magic Software ou Clarify.
D'autres sur le help-desk externe, comme Kimoce », avance Philippe Gaillard,
P-dg de Supporter. Le distingo client externe/client interne est également
celui que retient Michel Delran, chef de produit marketing chez Remedy : «
C'est plutôt dans la qualification du client qu'il faut comprendre la finalité
des offres. Le logiciel de help-desk, qu'il soit traité en interne ou
sous-traité chez un infogérant, apportera un service orienté vers l'interne. La
hot line ou le SAV répondront aux questions de clients externes. » Ce qui
induit des objectifs et donc des contraintes et configurations technologiques
sensiblement différentes. Un logiciel de SAV technique ou de hot line
comprendra forcément une fonctionnalité de RMA (Retour Machine Atelier). Astea
ou encore Peregrine, qui sont plutôt "connotés" help-desk, ont intégré un
module de ce type dans leur offre. Le help-desk se caractérisera généralement
dans sa configuration par une stratification des niveaux de traitement :
premier palier, deuxième palier, palier "expert". Au niveau du premier palier
de traitement des demandes, c'est-à-dire hors les fonctionnalités de
basculement des contacts et des tickets en escalade, le logiciel doit aider à
résoudre le maximum de problèmes dans un minimum de temps. Le standard étant
dans un taux de résolution de 60 à 85 % des dossiers en moins de dix minutes.
La durée de résolution des demandes sur les paliers supérieurs pouvant, elle,
aller de quelques dizaines de minutes à plusieurs jours. « Les logiciels de
help-desk sont ou devraient être conçus sur ce principe : l'utilisateur doit
pouvoir appeler tant qu'il le juge utile, sans qu'on lui demande de comptes.
C'est un service dû. On considère qu'un user appelle le help-desk en moyenne 10
à 14 fois par an. Un appel coûtant en moyenne 300 francs. Ils seront noyés dans
une base forfaitaire moyenne. On ne facturera pas à l'utilisateur l'appel en
tant que tel, quelles que soient la durée de traitement et la difficulté du
problème », explique Michel Delran.
SERVICE LEVEL AGREEMENT, SÉSAME CONTRACTUEL
Le principe du SAV ou de la hot line est tout autre :
pour en bénéficier, le client, externe celui-ci à l'entreprise, devra justifier
de certaines qualités notamment en matière de droit d'accès graduel et
contractuel aux différents niveaux de prestations. Le logiciel doit donc
impérativement ajouter à sa panoplie de modules un outil SLA (Service Level
Agreement). Ainsi qu'un module corollaire de facturation des communications
pour le contrôle contractuel (forfait au nombre d'appels, à la durée cumulée
des contacts ou facturation à la ligne). « Le logiciel de help-desk ne comprend
pas a priori d'outil puissant d'historisation des contacts. Il ne conservera en
mémoire que les demandes les plus récentes. La solution de SAV ou de hot line
devra en revanche développer des modules de sauvegarde à plus grande longévité.
D'abord parce que les clients appellent plus rarement, ensuite parce que la
dimension CRM est plus présente dans un service d'assistance orienté client
externe », précise Michel Delran. Une fois ces spécificités technologiques
définies, la base fonctionnelle d'un logiciel d'assistance et de suivi reste
toujours la même : la gestion plus ou moins directe des appels entrants.
Fonction qui combine aujourd'hui la réception des mails, des appels en web
call, mais aussi (c'est plus ancien) des fax et des courriers. Cette gestion
induit la reconnaissance, le traitement et le reroutage. A partir de là, tous
les aménagements sont possibles et les différents éditeurs commercialisent une
multiplicité de paramètres, soit en packages, soit à la carte, soit en formule
mixte. Autres éléments invariablement constitutifs d'une solution de support :
les bases de données. Base d'historique développé sous Oracle, SQL, Access et
recensant de manière analytique tous les contacts traités sur le centre
d'appels ainsi que leur contenu. Base de connaissances destinées à accompagner
les agents d'assistance dans l'optimisation du service et de leur
productivité.
ENTRE 10 000 ET 20 000 FRANCS DE LICENCE/POSTE
« Pour résumer, on peut identifier trois grands
champs fonctionnels, note Bruno Rossi. Premièrement, une base de connaissances.
Deuxièmement, des outils de recherche : module de reconnaissance d'événements
similaires, moteurs de recherche texte, et pour les systèmes les plus pointus,
CBR (Case Base Reasoning, autrement dit modules d'approche neuronale).
Troisièmement, des outils de reporting. » Un service d'assistance coûte cher.
Et plus il s'inscrit dans un contexte technologique, plus il est coûteux. Là où
une simple prestation de SAV reposera avant tout sur une bonne base de
connaissances, un support technologique impliquera des applications plus
complexes. Compter 100 000 francs d'investissement de base pour un serveur,
auxquels il faudra ajouter entre 10 000 et 20 000 francs de licence par poste
de travail. Sans oublier les frais de mise en service. « Un consultant
facturera sa journée à 1 100 euros », résume Christine O'Meara, directrice
marketing CRM de Cohéris. Pour une solution comme le progiciel Conso+ il faut
compter une dizaine de jours de prestation d'implémentation. Bref, toutes les
entreprises n'ont pas les moyens de s'offrir un tel système. D'où l'intérêt des
formules en ASP (voir page 126). Mais, outre l'infrastructure outils, c'est la
charge salariale qui demeure de loin la plus lourde. Un service de support,
quel qu'il soit, repose sur des compétences pointues, quand il ne s'agit pas de
professionnels reconnus statutairement (médecins, juristes, ingénieurs
informatiques...). Par ailleurs, il est important de ne pas négliger certaines
subtilités dans la composition même des coûts d'acquisition facturés par les
éditeurs. « Pour les boîtes à outils, il faudra compter 2 francs de mise en
service pour un franc de licence logicielle. Pour les produits plus packagés,
le ratio s'inverse : 1 franc de déploiement pour deux francs de licence »,
remarque Bruno Rossi.
DIFFICULTÉ MAJEURE DU SAV : L'INTÉGRATION
Le temps d'implémentation nécessaire constitue l'un
des critères majeurs de choix des entreprises. En ce qui concerne les logiciels
de hot line et de SAV, le parc installé n'est pas assez étendu ni assez ancien
pour que l'on ait acquis des mécanismes d'intégration garantissant contre les
expériences malencontreuses. Par ailleurs, l'offre pléthorique en logiciels de
CRM (ou prétendus tels) développant tous bien sûr des fonctionnalités on ne
peut plus efficaces en matière d'assistance, trouble sensiblement les règles
d'implémentation. « La grande difficulté sur ce marché de l'assistance et du
suivi client externe, c'est bien l'intégration. Pour le help-desk, c'est
différent. La plupart des réalisations se sont faites sur la base d'interfaçage
avec des outils bien connus des intégrateurs, notamment en matière d'ERP »,
résume Michel Delran. Ce qui n'empêche pas que les entreprises aient parfois à
engager des projets lourds et longs à mettre en place. « J'ai vu des projets se
mettre en place sur trois ou quatre ans », poursuit le chef de produit
marketing de Remedy. Chez Cohéris, on avance pour l'intégration du progiciel
Conso+ sur une hot line Wanadoo (1 500 utilisateurs) une durée de quatre mois.
« En moyenne, nous sommes sur des projets entre six et huit semaines »,
remarque Christine O'Meara. Chez Kimoce, positionné sur le middle market, on
parle de projets nécessitant de un à six mois. De son côté, Supporter s'engage
sur sept semaines, « pour des projets qui sont généralement opérationnels dans
les deux mois », souligne Elisabeth Cornée Leplat. De manière collégiale, on
s'accorde sur un délai moyen de déploiement supérieur à sept mois, avec 60 %
des entreprises qui dépassent les échéances prévues. Moins de 5 % des
implémentations se faisant en moins de trois mois (ces statistiques concernant
une moyenne à échelle mondiale). La compétition, aujourd'hui, se joue largement
sur la capacité des éditeurs et de leurs partenaires intégrateurs à limiter des
délais de plus en plus courts.
GARE AUX "BOÎTES À OUTILS"
Pour autant, attention à la dimension boîte à outils de
certaines solutions. Remedy Help-Desk illustre bien cette mise en garde.
Certes, l'un des grands atouts du produit réside dans sa souplesse et sa
transformabilité. Mais la médaille a son revers. « Le risque, c'est de voir nos
clients, galvanisés par la facilité d'implémentation de la solution, se lancer
dans des montages sans contrôle et vite perdre pied. Ce n'est pas un joujou »,
concède Michel Delran. Pour les responsables informatiques et télécoms pas
nécessairement rodés aux montages les plus pointus, le sésame est peut-être
dans les solutions pacakgées, ou relativement peu personnalisables. Mais elles
se heurteront vite à des problèmes d'architecture réseau. Un package sera ainsi
difficilement déployable dans une configuration de help-desks virtuels et
atomisés à échelle internationale. « Si l'on pousse la logique à l'extrême, un
logiciel packagé, c'est un outil mono-poste. Mais pourquoi pas. Un logiciel
packagé à 2 000-3 000 francs la licence peut convenir à une petite structure
avec des besoins bien délimités. Prenons le cas de Décathlon, qui souhaitait
une solution implémentable sur treize centres d'appels dans le monde.
L'entreprise a consulté dix éditeurs. Deux seulement lui offraient une solution
adéquate », note Bruno Rossi, directeur marketing d'Applix (dont la solution
sera finalement retenue par Décathlon devant celle de Remedy).
Les fonctions d'une offre intégrant hot line, SAV et help-desk
Reconnaissance de l'appelant. Reconnaissance de la configuration informatique (dans un contexte de support informatique). Historique des contacts et des interventions. Qualification de l'appel, du mail ou du fax. Basculement en escalade selon le principe des compétences. Suivi des dossiers. Gestion des priorités. Interface avec la base de connaissances (FAQ, fiches techniques, dossiers) et alimentation de cette base. Analyse des performances. Statistique. Gestion des plannings (techniciens itinérants et maintenance sur site). Gestion des rapports d'intervention. Gestion de la logistique (stock de pièces détachées). Facturation (lien avec les ERP).