Limites et dangers d'une évaluation croisée
La mesure de la qualité d'un service peut se faire de l'intérieur (suivi
des grilles de normes) ou de l'extérieur (études de satisfaction clients). Elle
peut aussi conjuguer les deux axes. « Certaines entreprises pratiquent les
"études miroir" : il s'agit de croiser les résultats d'une enquête de
satisfaction client avec la perception que les téléconseillers ont de leur
propre prestation », explique Sophie Duval, directrice associée du cabinet
conseil Adiantal. Pascale Piketti, présidente de Profil 1, est assez sceptique
quant à la légitimité de la formule en termes de définition de normes : « Les
études miroir sont avant tout un outil RH : est-ce que l'équipe sait où elle en
est ? A-t-elle conscience des décalages entre son niveau de prestation et la
perception qu'en ont les clients ? » L'approche "miroir" doit de fait être
maniée avec des pincettes. Selon des sources convergentes, Wanadoo testerait un
outil de mesure on line et en temps quasi réel de la satisfaction client par
rapport à une prestation individuelle. Les clients pouvant, une fois le contact
clos, juger par Internet le service qui leur aura été apporté. Un système qui
semble porter en soi ses propres limites. « Il s'agit en quelque sorte d'une
note d'écoute apportée par le client. Mais, pour en extraire un enseignement
statistique, encore faudrait-il être sûr que toute la clientèle, ou telle
catégorie de tel segment de clientèle, répond », souligne Pascale Piketti. Or,
il semblerait que, en situation de test, on soit loin des ratios exploitables.
Pour Vincent Dartigues, président de la société d'études Clientelnet, une telle
approche contient en outre des pendants pervers. « Je ne vois pas bien en quoi
cette technique est susceptible d'apporter du progrès. On sait pertinemment
qu'il est des environnements de service, de type hot line ou réclamations, où
les clients, quand ils appellent, sont furieux. Quelle valeur aura alors la
note qu'ils attribueront à la prestation ? » La question se pose avec d'autant
plus d'acuité que, puisque l'outil se veut immédiat, on ne peut demander au
client de répondre en ligne à un questionnaire détaillé. On lui demandera
grosso modo de dire s'il est satisfait, moyennement satisfait ou pas satisfait.
Au sein des sociétés d'études de satisfaction, on connaît depuis longtemps la
stérilité de ce type de grille. Enfin, difficile, pour un téléconseiller de ne
pas constater dans cette méthode au pire un outil de flicage, au mieux un
vecteur supplémentaire de stress.