Les enseignes négligent l'orientation client
- Le consommateur français est en manque d'attention. C'est ce que révèle l'enquête réalisée par Café du commerce, observatoire créé par Nouveau Monde DDB. Menée auprès de sept secteurs de la grande distribution (voir Méthodologie) , elle étudie le potentiel d'orientation client de 21 enseignes. L'orientation client consistant à comprendre les exigences de ses clients et à s'organiser pour mieux y répondre.
Réalisée en collaboration avec Dominique Wolton, directeur de l'Institut des sciences de la communication du CNRS et l'institut Côté Clients, l'étude décode l'impact de la relation client sur les comportements d'achat. « Le public [...] est de moins en moins dupe et, simultanément, demande surtout qu'on l'aide concrètement », précise Dominique Wolton. Le consommateur a donc besoin d'être entendu ; cette dimension comptant, dans son esprit, autant que l'offre et le prix. L'attractivité d'une enseigne se mesure alors par l'équation «image prix, offre, orientation client».
Une attention client plus importante sur le Bricolage et l'Hygiène-Beauté
L'enquête a été élaborée selon 18 indicateurs. Le bilan général est morose. Seuls 9 % des sondés sont «tout à fait d'accord» pour dire qu'ils se sentent importants dans un magasin où ils ne sont pas «un gros client». Ils ne sont que 12 % à se sentir proches d'une enseigne et seulement 11 % à éprouver du plaisir en achetant leurs produits sur les sites web. A peine une personne sur cinq est «tout à fait d'accord» pour dire avoir confiance dans une enseigne (17 %). Si, sans surprise, les meilleurs résultats sont obtenus par des groupes leaders (Leroy Merlin, Sephora, Decathlon, Fnac), certaines grandes enseignes (Ikea, Carrefour, Zara) sont moins bien notées.
D'importantes disparités apparaissent entre les secteurs et même parfois au sein d'un même secteur. Elles s'expliquent, notamment, par les différentes attentes des clients selon les types d'achats. Ainsi, les achats plus risqués (type bricolage, hygiène-beauté où le produit est plus difficile à choisir et où l'erreur peut entraîner des conséquences plus lourdes) sont mieux accompagnés que des achats plus réguliers (alimentaires, par exemple) où le consommateur, par habitude, sait ce qu'il veut et ressent moins le besoin d'être conseillé. L'image prix et l'offre sont, dans ce cas, beaucoup plus déterminantes.
Certaines enseignes font preuve de réels efforts en matière d'orientation client. C'est le cas de Leroy Merlin qui obtient un score d'orientation client de 61/100, à égalité avec Sephora. Leroy Merlin prouve son orientation client aussi bien sur le Web qu'en magasin. Des équipes en nombre suffisant, une présentation attractive dans les rayons, une navigation fluide sur le site avec un descriptif détaillé des produits, des opérations de partage de savoir, des services... conquièrent le consommateur.
Le difficile équilibre entre pression commerciale et reconnaissance client
Côté textile, des enseignes comme Camaïeu (57/100), Etam (59/100) et Kiabi (59/100) ressortent avec un indice d'orientation client honorable. A l'inverse, Zara et H&M, pourtant appréciées et fréquentées par les Français, ont des scores plus faibles (respectivement 52/100 et 51/100). Les consommateurs leur reprochent un manque de personnalisation et de reconnaissance. Preuve qu'une enseigne peut être appréciée pour d'autres raisons que son orientation client. C'est aussi le cas de Monoprix qui, malgré un faible indice d'orientation client (50/100) reste une enseigne appréciée. Selon une enquête TNS Sofres, 51,1 % des personnes qui fréquentent ses points de vente déclarent «aimer beaucoup ou énormément l'enseigne». Certaines enseignes font l'objet d'un bilan paradoxal. C'est le cas de la Fnac qui semble difficilement trouver un équilibre entre pression commerciale et reconnaissance du client. Même si l'enseigne se démarque sur de nombreux points (un site e-commerce plaisant, une multitude de services gratuits...), elle se voit reprocher un manque d'attention vis-à-vis de ses clients qui ne se sentent pas importants.
Pour pallier un éventuel déficit d'orientation client, Café du commerce propose une méthode où la communication vient aider les entreprises à répondre aux attentes du client. Trois variables visent à faire des enseignes de véritables «maisons clients» . Dans un premier temps, elles doivent instaurer une relation de confiance avec les clients, c'est la «base» . Puis elles doivent travailler les «moteurs» de l'orientation client, soit aider les consommateurs dans leur processus d'achat. Enfin, les sociétés doivent prendre en compte les différences des clients, les choyer pour qu'ils se sentent considérés et reconnus. Ce sont les «accélérateurs» . L'ensemble doit s'inscrire dans une démarche de «démarchandisation» de la relation. Le consommateur se sentira accueilli et pris en considération et l'enseigne en sera d'autant plus attractive à ses yeux. Les plus fdélisantes sont d'ailleurs celles qui ont un bon indice d'orientation client.
D'autres variables influencent les comportements d'achat. Pour Dominique Wolton, les enjeux sociétaux, économiques et éthiques influencent le consommateur. La crise économique renforce, par exemple, son esprit critique. Les entreprises doivent faire face à un client surinformé et curieux. Très au courant des enjeux, il n'est plus dans une phase de fascination. Paradoxalement, c'est dans ce contexte de prise de conscience, que les marchés du bien-être et de l'affirmation de soi sont en hausse. Ces mutations comportementales impliquent un effort de proximité de la part des enseignes avec leurs clients. L'orientation client s'affiche alors comme un nouvel intermédiaire des relations entre l'offre et la demande.
MARTIAL LEHIRESS, directeur services & relation clients d'Ikea France
Réactions
Le fait de n'avoir mis que deux enseignes pour représenter le marché de l'ameublement est un peu réducteur. Les clients interrogés sont des personnes déclarant être allées dans l'enseigne, au moins une fois dans les douze derniers mois. On peut se demander dans quelle mesure l'opinion d'un consommateur peut être fable à 100 % s'il n'a qu'une seule expérience dans l'enseigne ? De plus, on ne précise pas si le client y est allé le week-end ou en semaine ; ce qui est très différent. Le week-end, l'accueil doit être irréprochable. Cependant, je retrouve des éléments de l'enquête qui correspondent à notre politique de relation client (gratuité des services, volonté de laisser un client autonome). Sur ce dernier point, on fait tout pour que le client puisse effectuer ses achats librement, mais il faut qu'il puisse trouver des collaborateurs sur le terrain pour répondre à ses demandes et lui fournir tous les renseignements nécessaires. Nous sommes face à un client exigeant. Il fait un effort pour venir et une relation affective s'installe entre lui et l'enseigne. Il faut savoir rester humble pour être en permanence à l'écoute du client. Par notre politique de relation client, nous sommes toujours en évolution. Par exemple, nous travaillons avec des prestataires de services, sélectionnés par Ikea, avec les compétences adaptées, pour l'installation, à domicile, des meubles de salle de bains de nos clients.
L'étude est très structurante avec une architecture logique. Cependant, il manque certaines solutions concrètes par rapport à la politique de relation client. Par exemple, le comportement en face-à-face n'est pas évoqué. Or, en point de vente, on retrouve ce comportement et l'on essaie, par exemple, de désamorcer un confit. Nous sommes très fers de notre position dans le classement, ceci nous conforte dans ce que nous faisons. Si les clients continuent à nous apprécier, par ces enquêtes, nous sommes très contents. Sur les quatre prochains mois, nous envisageons d'organiser des tables rondes et des visites chez l'habitant, pour récupérer des informations, enrichir nos services à nos clients. A l'issue de cette période, nous organiserons une assemblée pour faire part aux clients des changements, des nouveautés qui vont se mettre en place. Nous avons le souhait de simplifier et de faciliter toujours plus la vie du client dans nos magasins. C'est un travail quotidien. Il ne faut pas perdre de vue que nous aussi nous sommes des consommateurs.
MARIA FLAMENT, responsable Voix du client de Leroy Merlin
Méthodologie
L'étude repose sur une enquête menée auprès de 4 200 clients de 21 enseignes représentant sept secteurs de la grande distribution : alimentaire, hygiène-beauté, bricolage, sport, textile, électro-domestique, et ameublement. elle vise à élaborer un indicateur qui mesure la perception qu'a le client des efforts que l'enseigne fait pour lui. Ce dernier a été créé à partir de 18 critères, généraux (la confiance, la proximité) et plus détaillés (mise en scène de produits, un site web complet, l'avantage d'une carte de fidélité, etc.).