Les PME-PMI de plus en plus convoitées
Le segment des petites entreprises attire les fournisseurs de call centers. Seul marché en croissance, maintenant que la plupart des grands comptes sont équipés, il est convoité par les équipementiers en téléphonie, mais aussi les éditeurs de middlewares CTI, les intégrateurs et les spécialistes du CRM. Les offres intégrées, packagées, plug an play, se multiplient, souvent en version Voix sur IP. Une technologie qui semble bien rencontrer les besoins des PME : simplicité, rapidité d'installation, mobilité.
Les équipementiers en téléphonie et les éditeurs de solutions de centres
d'appels continuent de courtiser les PME. Ce marché éclaté (Mid Market, PME,
TPE, petits call centers de grands groupes) attire les fournisseurs qui voient
dans ce segment un gisement de croissance encore peu exploité. « En matière de
centres d'appels, le marché des grands comptes est mature. La croissance se
trouve dans le Mid Market et les PME-PMI », estime Patrig Pesret, responsable
business development centres de contacts chez Alcatel. En effet, les groupes
sont tous peu ou prou équipés de call center, ou ont sous-traité leur
exploitation à des outsourcers. Or, un marché mature se caractérise par un taux
de croissance faible, généré par le renouvellement des équipements. Pour
développer ses parts de marché, il faut pouvoir vendre de nouveaux systèmes et
les services qui les accompagnent. C'est donc vers cette nébuleuse du Mid
Market et des PME que se tournent, avec un bel ensemble, les principaux acteurs
du secteur des centres de contacts. Mais les offres destinées à cette cible
sont différentes selon le segment visé. En effet, une TPE de dix employés n'a
pas les mêmes besoins qu'une société de 250 personnes avec un centre d'appels
de 50 positions. C'est pourquoi on retrouve dans le catalogue de solutions
proposées à la fois des offres packagées, visant le plug and play, et d'autres
plus élaborées, avec des passerelles vers les applications métiers ou CRM.
Reste que l'intérêt suscité par ce marché quasi vierge en matière de centres
d'appels et de CRM (voir encadré en page 94) incite, par exemple, des
intervenants comme Genesys (filiale d'Alcatel), historiquement centré sur les
grands comptes, à sortir un package CTI nommé Genesys Express. Les
constructeurs d'autocom, fidèles à leur nouvelle stratégie orientée services,
ont de leur côté développé des solutions IP présentées, elles aussi, sous forme
de package. L'objectif de tous ces produits est le même : proposer aux petites
sociétés des solutions préparamétrées, faciles à installer et peu gourmandes en
services d'intégration et de maintenance. C'est le cas, par exemple, chez
Alcatel, leader en termes de positions équipées et qui revendique près de la
moitié des parts de marché en France. Avec la sortie, en février dernier, de
l'offre OmniPCX Entreprises, le fabricant veut adresser le Mid Market, « en
simplifiant le cycle de vente, installation et maintenance, et en créant un
outil de cotation (devis) moins complexe », décrit Patrig Pesret.
UNE "OASIS" POUR LES PME
L'OmniPCX Entreprises est une
version packagée de la suite pour call center OmniTouch, qui tourne
exclusivement sur le PABX 4400. Avec ce nouveau produit, Alcatel a voulu
séparer matériel et logiciels, sous la forme d'un serveur de communication
équipé de softwares. Cette solution vise aussi bien les PME que les grandes
entreprises dotées de centres d'appels internes. Des "wizards" (programmes
informatiques) d'installation facilitent la mise en place de ce nouveau
produit. Pour les PME désireuses de posséder un couplage téléphonie
informatique, Alcatel distribue également l'offre Genesys Express (voir plus
loin). L'équipementier français vise ce marché depuis plus d'un an, puisque
l'OmniTouch était déjà ciblé Mid Market. EADS Telecom (ex-Matra) veut lui
aussi gagner des parts de marché chez les PME, tout en revendiquant 30 % des
installations de solutions de téléphonie d'entreprises et à peu près autant en
matière de centres d'appels, avec plus de 250 ventes en 2002. Son outil de
conquête : EasyPack Oasis (pour Open Adaptable Secure IP Solution), solution
"tout-en-un" basée sur la plate-forme M7480. Elle est disponible en version
mono ou multisite. Physiquement, il s'agit d'un commutateur téléphonique et
d'un commutateur de données (rackable en 19 pouces), un serveur PC et des
logiciels pré-installés, dont les fonctions supervision et CTI. « Notre
meilleur positionnement concerne les centres de 30 à 250 positions, même si
nous pouvons aller en deçà, à partir de quatre agents », précise Jean-Denis
Garo, responsable marketing solutions entreprises. D'après EADS, la typologie
des clients Oasis regroupe des PME, qui ont besoin d'une solution tout-en-un,
facile à administrer, disposant d'une interface unique. Les besoins des PME
peuvent aussi être ceux de filiales de grands comptes, comme le centre d'appels
du site voyages-sncf.com, qui, tout en faisant partie d'un vaste réseau de
PABX, a commencé avec quatre opérateurs, avant de passer à huit, ce qui
correspond à un profil de PME. « Mais les services proposés sont différents. En
matière de CRM, par exemple, dont les PME ont rarement besoin, à moins que le
centre d'appels soit au coeur de leur métier », analyse Jean-Denis Garo. Cette
offre est distribuée par des installateurs ou des communautés d'intégrateurs,
qui peuvent développer des activités autour d'Oasis. EADS affiche de sérieuses
ambitions sur le marché de la communication d'entreprise, avec comme objectif
avoué de devenir numéro trois européen du secteur en 2005.
L'IP EN VEDETTE
L'IP, c'est aussi l'offre d'Ericsson Entreprise, avec son
IP WebSwitch, basé sur la plate-forme MD Evolution. « Il permet de faire du
traitement d'appels simple, mais performant, et de transférer les appels vers
des sites distants à travers la technologie IP », détaille Stéphane Vekeman,
responsable du segment PME. Pour ce fournisseur, c'est d'abord de la simplicité
que réclament les petites entreprises. Et de la mobilité, cheval de bataille
d'Ericsson Entreprise. Pour les sociétés déjà équipées en PABX, Ericsson
propose une solution d'évolution vers IP avec le système MD Evolution, qui
dispose de fonctions ACD, CTI et ICM (rapports et statistiques). Cette solution
est opérationnelle « à partir de quelques postes », selon le constructeur. Le
prix est, lui aussi, ciblé PME : 2 000 euros pour une infrastructure de
communication pour 10/15 usagers, avec les fonctions de base, c'est-à-dire le
traitement d'appels (jusqu'à 5 000 par heure), la connexion avec les
messageries Outlook et Lotus Notes, la base de données, une remontée de fiche
client en appel entrant et le routage d'appel intelligent. Pour la version CTI,
le coût par utilisateur est plus élevé. Selon Stéphane Vekeman, les PME
représentent « le seul segment qui va augmenter, de 10 à 15 % par an jusqu'en
2007. » Concernant Avaya, il faut d'abord bien cerner le concept de PME. Pour
le constructeur canadien, le chiffre de 500 employés, utilisé aux Etats-Unis,
est plus proche de 100 en France. Quel que soit le chiffre, l'équipementier a
décidé de s'attaquer à ce marché, via la création de l'unité SMBS (Small and
Medium Business Suite). Le produit adapté à cette cible de call center de 5 à
50 postes s'appelle IP Office. C'est une boîte rackable en 19 pouces, sur
laquelle on peut brancher tous types de postes téléphoniques Avaya
(analogiques, numériques ou IP), et équipée de modules logiciels.
L'interconnexion voix et data s'effectue via un routeur IP, un firewall, un
serveur DHCP et une gateway (passerelle IP).
DU CTI POUR LES PETITES ENTREPRISES
L'offre est disponible en deux versions.
L'entrée de gamme s'appelle Compact Business Center. Plug and play, elle
comporte également un petit historique de 30 jours et vaut 348 euros pour un
utilisateur sur un site. Plus évolué, le Compact Contact Center peut éditer 48
rapports, possède une base de données SQL, un module CTI et une administration
en temps réel. Il coûte 4 680 euros pour cinq agents et un superviseur, mais
peut fonctionner avec 75 agents et 5 superviseurs. « Pour les PME qui démarrent
dans cette activité de centres d'appels, le CBC constitue une bonne première
approche, en raison de son prix et de sa facilité d'installation », pense
Tanguy de Coëtpont, ingénieur commercial marché PME-PMI. Le CCC vise plutôt les
entreprises déjà dotées d'un centre de contacts. Cette offre intégrée est
commercialisée via des distributeurs depuis début 2002. Elle cible en premier
lieu les PME, et ensuite quelques grands comptes pourvus de réseaux d'agences.
L'attraction qu'exerce ce marché des PME ne concerne pas seulement les
équipementiers en téléphonie. Les éditeurs de middlewares CTI commencent
également à se pencher sur un secteur qu'ils avaient jusqu'à présent négligé.
Ainsi Genesys (filiale d'Alcatel), avec son offre Genesys Express, spécialement
conçue et dessinée pour le Mid Market et les petits call centers des grands
comptes. « La croissance s'effectue sur le segment des petits centres d'appels,
de 10 à 100 positions. A partir de ce constat, nous avons décidé d'adresser ce
marché à tout prix », explique Nicolas Kaploum, vice-président Europe du Sud.
La solution Express a été établie à partir de la suite classique Genesys 6,
dont certains modules, coûteux à intégrer, ont été retirés. Exemple :
l'application workforce management (prévision de charges), dont les délais
d'intégration sont importants. Les autres fonctions enlevées sont le chat, le
call back et les campagnes sortantes. Le package comprend néanmoins les
fonctions principales, c'est-à-dire le routage par compétence et la gestion des
e-mails avec, bien sûr, la montée de fiche à l'écran (screen pop up). « Nous
avons privilégié les deux médias phares, le téléphone et le mail, à partir des
demandes des clients », précise Nicolas Kaploum. Genesys Express fonctionne
sur les trois principaux PABX du marché : Alcatel, bien sûr, mais aussi Avaya
et Nortel, et tourne sous Windows NT et SQL Server de Microsoft. Simplifiée,
l'offre Genesys Express demande moins d'intégration et apparaît donc moins
onéreuse que la suite classique. Néanmoins, une intégration est nécessaire, ne
serait-ce que pour définir les règles de routage. Plusieurs intégrateurs
s'occupent de mettre en place cette offre packagée, dont NextiraOne (ex-Alcatel
Réseau d'Entreprises), FrontCall et Dimension Data. Genesys mise beaucoup sur
ce segment des petits call centers et des PME, puisque l'éditeur veut réaliser
15 à 20 % de son chiffre d'affaires avec ce type d'entreprises fin 2003. La
solution packagée est disponible en deux versions : Genesys Express (1 800
euros par poste) ou avec l'option e-mail (2 800 euros par poste). L'éditeur
compte mettre les moyens humains pour adresser ce nouveau marché (90 % des
suites logicielles Genesys sont actuellement vendues à des grands comptes) : un
technico-commercial au courant de l'offre Express sera affecté à chaque région.
Au niveau international, un responsable par pays supervisera la distribution de
cette solution packagée. Alcatel, maison mère de Genesys, va promouvoir
Genesys Express avec son OmniPCX, une offre intégrée par NextiraOne. Cet
intégrateur (1) vise lui aussi ce marché juteux des petits centres d'appels.
Yann Paon, chef de marché centres de contacts, divise cette cible en plusieurs
segments qui n'ont pas tous le même potentiel. « En termes de taux
d'équipement, et selon les études de cabinets comme Cesmo ou le Gartner Group,
les micro PME (5/10 positions) sont mieux équipées que les 10/50 positions »,
constate-t-il. Les raisons avancées : un "gap" technologique entre ces deux
types de structures, qui entraînerait une hausse brutale des tarifs des outils
techniques nécessaires. Au-dessus de 50 postes, on arrive, selon l'intégrateur,
sur le secteur du Mid Market, avec des entreprises mieux équipées. Le segment
le plus intéressant serait donc celui des "intermédiaires". Pour l'adresser,
NextiraOne mise sur la gamme OmniTouch d'Alcatel, associée à Genesys Express
dans la solution OmniExpress, destinée aux call centers à partir de 20 postes.
« Contrairement aux petites entités appartenant à des groupes, les PME sont
hybrides. Elles font à la fois du centre d'appels et exercent leur propre
activité. C'est plus rassurant pour elles de s'appuyer sur un PABX, qu'elles
ont souvent déjà, ou même un IPBX », estime Yann Paon. Aujourd'hui, NextiraOne
veut augmenter sa pénétration sur ce segment, qui représente 15 à 20 % du parc
de positions de l'intégrateur. Quant au segment 0/15 positions, la société de
services a mis au point une solution packagée avec l'éditeur portugais
Easyphone (Altitude Software) (2), basée sur la plate-forme Oxo (OmniPCXOffice)
d'Alcatel. Ce package Easyphone doit fournir une solution CTI et CRM aux
PME-PMI. En France, le fabricant de modem Olitec et l'Afpa l'ont adopté.
VERSIONS STANDARD ET AMÉLIORÉES
Chez Cisco, spécialiste
des réseaux et du CTI, on mise également sur la Voix sur IP, avec l'offre IPCC
Express qui cible les call centers de 5 à 75 positions. Cette solution est
basée sur la suite ICM (Intelligent Contact Manager), qui peut gérer de 50 à
plusieurs milliers de postes traditionnels et IP. Là encore, ce produit visant
les PME est disponible en deux versions, standard et "enhanced" (améliorée).
L'offre standard comprend un ACD, un bandeau CTI, un SVI, des statistiques et
une fonction supervision. La version améliorée propose en plus un accès aux
bases de données, de la reconnaissance vocale, du CTI et un enregistrement. Le
tout « sans ajout de brique matérielle supplémentaire », affirme Rémi Trento,
consultant centres de contact et IP. Cisco précise néanmoins que cette
solution packagée ne fonctionne que sur son propre PABX équipé du logiciel Call
Manager. Il chiffre une configuration de 200 agents à 6 000 euros, plus 700
euros par agent pour IPCC Express dans sa version "enhanced". Cette offre est
commercialisée depuis octobre 2002. Le Samu d'Arras et Auguste Thouard
l'utilisent. L'intégration demande une dizaine de jours, selon l'éditeur, pour
qui le marché des PME, en téléphonie ou centres d'appels, est "stratégique".
Malgré cette avalanche de solutions packagés, les PME seraient moins
intéressées que prévu par ces solutions clés en main, selon NextiraOne. « Les
besoins des PME sont assez aboutis. Elles savent ce qu'elles veulent et
désirent souvent une solution customisée », révèle Yann Paon. Exemple : des
demandes pour un connecteur avec une base de données ou un logiciel de
ressources humaines, ou encore une autre application métier. Opinion partagée
par Jean-Denis Garo : « Les PME sont plus matures dans leur connaissance de la
technologie. Le sur-mesure arrive chez ces petites structures, ce n'est plus
l'apanage des grands groupes. Elles sont même souvent plus en pointe sur
l'expérimentation de certaines fonctions, comme le web call center. » (1)
Alcatel Réseau d'Entreprises (activités de distribution et d'intégration
d'Alcatel) a été racheté en avril 2002 par Platinum Equity. (2) Racheté en mars
2003 par un consortium d'investisseurs financiers ibériques.
CRM : les PME restent sous-équipées
Le CRM, très en vogue dans les grands comptes, n'a pas encore gagné les petites entreprises. C'est une des conclusions de l'étude menée par relationclient.net et le Cyber Club de la Chambre d'Industrie et de Commerce de Paris (CCIP) auprès de 20 000 PME françaises. Objectif de cette étude* : estimer le taux d'équipement actuel en matière de CRM dans les PME et leur capacité à s'équiper dans les douze à dix-huit mois à venir. Premier enseignement : le taux d'équipement en CRM est proche de zéro dans les PME (entre 0 et 5 %). Pourtant, si l'on emploie les mots de "gestion de la force de vente" (SFA) ou de "campagnes marketing" (EMA), on arrive à un taux de 25 % environ. « Le terme de CRM ou gestion de la relation client n'est pas compris par les PME, qui en font sans le savoir. De plus, à cause de la médiatisation des échecs, cette notion de CRM est mal perçue », explique Philippe Nieuwbourg, directeur associé de Marcom Generation et rédacteur en chef de relationclient.net. Exemple : des applications de gestion des forces de vente dans l'industrie médicale ne sont pas appelées "CRM", mais font bel et bien partie de cette technique. Reste que la connotation négative du terme CRM, que les PME classent dans la même catégorie que les ERP (c'est-à-dire des systèmes compliqués, genre "usine à gaz"), ne fait rien pour améliorer la situation de ces petites sociétés en termes d'équipement. « Un grand éditeur comme Microsoft, qui sort son offre CRM, pourrait être handicapé par cette mauvaise image », pense Philippe Nieuwbourg. D'autant, et c'est la seconde conclusion de cette étude, que les PME sont loin de posséder tous les outils nécessaires à une véritable gestion de la relation client : serveurs de messagerie, mise en réseau des postes, connexion avec les nomades, etc. « Pour faire du CRM, ces sociétés ont besoin d'une adresse IP fixe, d'un serveur web et d'une connexion à haut débit. Les applications de CRM sont gourmandes en bande passante, ce n'est pas simple de les faire fonctionner avec une simple ligne téléphonique », pense Philippe Nieuwbourg. Enfin, dernier obstacle : l'adéquation entre les besoins de ces petites structures et l'offre technologique n'existe pas. « Les petites entreprises préfèrent des technologies plus anciennes, mais qui correspondent à leur profil », estime le consultant. Ainsi, l'offre CRM de Microsoft nécessite Windows XP et Office sur les PC clients, la base de données SQL Server et un serveur Exchange. Conclusion de Philippe Nieuwbourg : « Le prix d'entrée pour le logiciel est bien adapté. Mais si l'on y ajoute le coût de tous les éléments supplémentaires et nécessaires, ça devient vite cher. » * Méthodologie : 20 000 PME (plus de 20 et moins de 1 000 employés) interrogées via des questionnaires de 30 questions par lettre, e-mail et téléphone.