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Le transfert des personnels en cas de changement d'employeur

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Au plan du droit social, la question du transfert des personnels, en cas de changement d'employeur, n'est pas nouvelle. Elle est même l'objet de l'un des articles les plus célèbres du Code du travail : le L.122.12 alinéa 2. Il dispose que “s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise”. Cette règle s'impose aux employeurs mais aussi aux salariés (1). Et par ailleurs, l'article L.122.12.1 prévoit, sauf en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, que le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.

Transfert des représentants du personnel et de la convention collective


Des dispositions analogues existent pour préserver le sort des institutions représentatives du personnel. Il s'agit des articles L.412-16, L.423-16 et L.433-14 qui, respectivement, pour les délégués syndicaux, les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise prévoient qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur telle que prévue à l'article L.122-12 alinéa 2, les mandats des représentants du personnel subsistent “lorsque l'entreprise conserve son autonomie juridique”. Il convient également, pour être exhaustif, d'évoquer le droit conventionnel applicable dans l'entreprise objet du transfert. L'article L.132.8 du code du travail stipule, en son dernier alinéa, que, lorsqu'une convention ou un accord est mis en cause, la convention ou l'accord continue de produire effet pendant un an à l'expiration du délai de préavis conventionnel. Durant cette période, une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise pour adapter les textes mis en cause ou élaborer de nouvelles dispositions. Enfin, des dispositions spécifiques pour les accords d'intéressement et de participation prévoient le maintien des accords en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur. Sauf si cette modification rend impossible l'application de l'accord.

Une jurisprudence pour préserver les emplois


Il en va autrement lorsque la modification n'affecte pas la totalité de l'entreprise. En effet, la jurisprudence sociale, inspirée, en outre, du droit communautaire (2) a élargi le champ d'application de l'article L.122-12 dans le but de préserver les emplois dans un environnement économique de plus en plus mouvant. Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, “en vertu de l'article L.122-12, alinéa 2, tel qu'interprété au vue de la directive n° 77/187 du 14 février 1977, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise” . Il faut mesurer tout l'enjeu économique de cette jurisprudence dans un secteur qui a “vocation à gérer à distance la relation que les entreprises souhaitent entretenir avec leurs clients et prospects”. Les dispositions de l'article L.122.12 alinéa 2 (3) vont-elles s'appliquer lorsqu'une entreprise décide de confier la gestion de sa relation clients à un centre d'appels non intégré ? Que se passera-t-il en cas de changement d'outsourcer ? A cet égard, “l'affaire” Euro-CRM (4) témoigne de l'embarras dans lequel pourrait se trouver la profession. Le client Noos a décidé, après appel d'offres, de confier ces missions à deux nouveaux outsourcers. Euro-CRM a alors prétendu que les contrats de travail étaient transférés aux candidats retenus. En dehors de toute analyse juridique, l'application des dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 dans une telle hypothèse risque, certes, de fausser les données de l'appel d'offres puisque le soumissionnaire n'aura pas la maîtrise du coût social mais au surplus n'apparaît pas forcément favorable aux salariés concernés qui, en l'occurrence, ont vu leur lieu de travail modifié.

Application au cas par cas


En l'occurrence, la jurisprudence considère que la simple perte d'un marché ne suffit pas pour que les dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 s'appliquent. La Cour de cassation a jugé, concernant la reprise de prestations informatiques, que le transfert de l'activité d'une entreprise ne peut entraîner l'application de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail et la poursuite des contrats de travail des salariés affectés à cette activité avec le cessionnaire que s'il s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, ce qui constitue une définition depuis longtemps admise. Mais surtout, dans cet arrêt, la Chambre sociale a cassé la décision de la Cour d'appel qui avait pourtant relevé que “les service informatiques, dont le salarié avait la responsabilité disposaient d'un matériel et d'un personnel propres, tendaient à des résultats spécifiques et avaient une finalité propres”, considérant qu'une partie seulement des activités avaient été reprises, l'autre partie continuant d'être exercée par la société cédante. (5) Cet arrêt montre que la Cour de cassation exerce son contrôle sur les deux éléments de la définition. Il faut à la fois le transfert d'une entité économique autonome mais il faut également que cette entité conserve son identité et poursuive son activité. C'est donc au cas par cas qu'il faudra s'interroger sur l'application de ces dispositions. (1) Le droit français ne reconnaît pas aux salariés le droit de s'opposer à leur transfert dans le cadre de l'article L.122-12 du code du travail. (2) Directives 77/187 CEE du 14 février 1977 et 98/50 du 29 juin 1998. (3) Mais aussi des autres articles relatifs aux représentants du personnel et au droit conventionnel. (4) Cf. Centres d'@ppels n° 39, octobre 2002. (5) Cass. soc. 7 mai 2003, Musy c/ Sté SCG

Patrick Cappelli

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