La juste mesure du marché français
Le tissu des call centers en France pourrait être trois fois moins important qu'on ne l'a jusqu'alors décrit. Si l'on en croit, du moins, la société d'études Mitial Research, qui publie un rapport intitulé "Call and contact center study, France 2000-2001".
En initiant une grande enquête sur le marché des centres d'appels en France
en 2000-2001 et sur ses perspectives à l'horizon 2005, la société d'études
Mitial Research a d'abord voulu s'adresser aux investisseurs britanniques. «
L'un des éléments directeurs au lancement de cette étude a été le souhait des
investisseurs d'enquêter sur les stéréotypes autour de la France, perçue comme
une nation très centralisée et où le business est freiné par la nature des
relations sociales et le coût du travail », précisent les analystes de Mitial.
On ne s'étonnera donc pas de trouver dans ce rapport intitulé "Call and contact
center study, France 2000-2001", de longs paragraphes consacrés à détailler,
notamment, les spécificités du droit et des pratiques françaises en matière de
travail : salaire minimal, code du travail, convention collective, modalités
contractuelles, modalités de licenciement, âge de la retraite, 35 heures,
heures supplémentaires, vacations, sécurité sociale... Le premier constat
dressé dans ce rapport de 85 pages est intéressant : selon Mitial, les études
prospectives menées de droite et de gauche ont eu tendance, ces dernières
années, à surdimensionner la réalité du marché des centres d'appels en France.
Jusqu'à donner l'image d'un tissu trois fois plus dense qu'il ne l'est
réellement. Lorsque les analystes estiment à 2 500 le nombre de call centers
opérationnels dans l'Hexagone, ils incluent un peu vite des entités que l'on
pourrait plutôt qualifier de points de contact des entreprises avec
l'extérieur, standards ou micro-cellules d'accueil. Mitial évaluant pour sa
part le marché français, pour l'année 2000, à 1 912 centres d'appels. "En
comparaison de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, la France est un marché très
jeune", souligne l'étude. Plus prudent que nombre de ses homologues quant à la
réalité du marché, le cabinet d'études est cependant très encourageant pour les
années à venir, en augurant, sur une extrapolation à échéance 2005, l'existence
de plus de 12 000 centres d'appels dans l'Hexagone.
Plus de la moitié des sites ont moins de 20 postes
En 2000, selon Mitial, les
call centers comptaient en moyenne 39 positions. Une information qui vient
confirmer les estimations des autres sociétés d'analyses. Mais ce chiffre n'a
pas véritablement de sens si l'on considère que, sur les 1 900 sites, ils sont
1 000 à compter moins de 20 postes de travail. En termes d'effectifs globaux,
l'étude évalue à 133 000 équivalents temps plein la masse salariale travaillant
dans les centres d'appels en France en 2000. Dont 10 % sur les petites
structures de moins de 20 postes et 6 % sur les très grandes entités de plus de
500 positions. Plus la taille du site est importante, plus le nombre de
salariés par position est élevé. Ainsi, sur les centres de 300 positions,
Mitial compte trois fiches de paie pour un poste de travail. Un chiffre qui
descend à 1,2 pour les sites de moins de 20 postes. Par ailleurs, selon les
analystes de Mitial, le volume de contrats à temps partiel est sensiblement
moins important que dans les autres pays de l'Union Européenne. Pour ce qui est
des fonctions exercées par les agents, c'est la gestion des services clients
qui occupe le plus grand nombre de téléconseillers (46 %), loin devant le
télémarketing et la télévente (24 %), la réservation (9 %), la facturation et
la gestion des comptes (9 %), le support technique (8 %), les études (1 %). Le
marché français des centres d'appels est dominé par les secteurs des
télécommunications, qui représentent 19 % des sites et des services financiers
(17 %). Un palmarès de tête inverse par rapport à celui constaté en
Grande-Bretagne où les services télécoms pèsent trois fois plus que les
services financiers. Mitial observe, par ailleurs, que les centres appartenant
à des sociétés d'outsourcing, s'ils arrivent en troisième position, ne
représentant que 12 % du tissu des call centers. Selon l'étude britannique, 23
% des sites proposent des prestations multilingues. C'est moins que les pays du
Benelux ou que l'Irlande. C'est plus que la Grande-Bretagne, où seulement 9 %
des centres sont multilingues. Dans l'Hexagone, la pratique de langues
étrangères concerne avant tout les grands centres (95 postes en moyenne). Ce
qui représenterait, au total, un parc de 18 000 positions. La langue la plus
utilisée après le français est bien sûr l'anglais, suivie de l'allemand, de
l'italien, de l'espagnol, du flamand et de l'arabe.
Belles perspectives pour l'e-CRM
Les consultants de Mitial Research se
sont également penchés sur la dimension plus technologique du marché des call
centers. Pour conclure qu'en France, où 70 % des centres d'appels ont moins de
deux ans et demi, le e-CRM bénéficie de perspectives intéressantes. Plus qu'en
Irlande, que dans les pays du Benelux et qu'en Grande-Bretagne, où l'étude
estime que les centres intégrant les technologies les plus en pointe n'exèdent
pas les 3 %. Et le rapport de citer la ville de Metz, très équipée il est vrai
en termes de NTIC, où 25 % des centres exploiteraient des infrastructures
e-CRM. Selon Mitial, le tissu des centres d'appels devait sensiblement
s'étoffer en 2001 avec l'ouverture de 400 nouveaux sites. Une croissance qui
devrait se confirmer cette année. Un contexte pour le moins favorable (et
surévalué, serait-on tenté de nuancer), qui ne peut qu'être propice au marché
général des technologies utilisées par les centres d'appels. C'est pourquoi la
société d'études prévoit pour 2002 un mouvement de croissance général autour
des grands socles technologiques : ACD, dialers, CTI et SVI. Croissance qui se
poursuivra en 2003 pour les dialers, le CTI et le SVI, puis en 2004, pour les
seuls marchés du CTI et du SVI. Mitial remarque par ailleurs que les
entreprises françaises sont nettement plus enclines que leurs homologues
européennes (excepté en Allemagne) à développer et gérer en interne
l'intégration des technologies. Dans des pays comme la Belgique ou la Hollande,
l'externalisation, considérée comme beaucoup plus "naturelle", concerne
respectivement 75 % et 80 % des entreprises (elles sont seulement 42 % en
France).
Salaires : Paris en tête, Lille à la traîne
Les analystes britanniques ont établi un classement des villes françaises en fonction du niveau de rémunération. Classement qui concerne des agents travaillant au moins trente heures par semaine, sur 420 sites internalisés et externalisés, à des postes de premier niveau de carrière. Pas de surprise : c'est à Paris que les personnels de call centers sont, en 2000, le moins mal payés. Il s'agit bien sûr d'une moyenne, Mitial précisant que la fourchette des salaires pratiqués dans la Capitale reste assez large et que la situation est plus attractive dans nombre de centres internalisés hors Ile-de-France que sur certains sites parisiens. Sur Paris et sa région, les fonctions les mieux rémunérées se retrouvent dans la télévente et le conseil, juste devant les services high-tech et le support technique. Les salaires à Paris intra-muros sont supérieurs de 25 % à ceux pratiqués à Lille/Roubaix, lanterne rouge du classement Mitial. Parmi les villes "meilleures payeuses", on trouve, juste derrière Paris, Montpellier et Tours, où les pratiques salariales sont égales à celles de l'Ile-de-France. En milieu de tableau : Troyes, Poitiers, Toulouse. Enfin, en queue de peloton juste devant la métropole lilloise, Amiens, Marseille et Nice. Si Lille arrive en dernière position pour les salaires, c'est également le cas pour la cherté de l'immobilier. Le parallèle entre les deux paramètres fonctionne bien sûr aussi, en haut de l'échelle, pour Paris, où les tarifs locatifs sont cinq fois plus élevés que dans la capitale nordiste. Mais il n'est pas systématique : Nice, qui affiche un niveau de rémunération des plus bas, se situe en troisième position de villes les plus chères en matière d'immobilier, après Paris et Rennes, juste devant Lyon. Inversement, Tours, où les salaires sont relativement élevés, propose des prix à la location parmi les plus bas, devant Cherbourg et Lille.
Méthodologie
Pour mener leur enquête sur le marché français des centres d'appels en 2000-2001, les analystes de Mitial Research ont interrogé les responsables des 420 centres d'appels sur les 1 912 qu'ils ont recensés dans l'Hexagone : 80 sites en Ile-de-France, 10 dans chacune des six régions les moins "dotées" (Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Franche-Comté, Limousin, Poitou-Charentes) et 20 dans chacune des autres régions. Seul "oubli" de cette étude : la Corse. Les entretiens se sont déroulés par téléphone, auprès de responsables opérationnels et de responsables techniques.