LE CLIENT A PORTEE DE MOBILE
Le NFC intéresse les enseignes en concurrence avec les sites d'e-commerce. Cette technologie permet en effet de conquérir et de fidéliser les clients en point de vente. Le «sans contact» promet de mettre en oeuvre, demain, une interaction en temps réel et géolocalisée avec les consommateurs. De quoi aiguiser l'appétit des opérateurs mobiles, des banques et autres Google et PayPal.
En France, on a testé le NFC (Near Field Communication) dès 2004. Huit ans plus tard, son décollage est, enfin, annoncé. Trois facteurs vont concourir à son essor: le déploiement d'un bouquet de services via deux associations (le Forum des services mobiles «sans contact» et l'Association française du «sans contact» mobile
Ce service répond aux besoins des consommateurs: 79 % des détenteurs de smartphones affirment en effet qu'ils aimeraient télécharger des coupons de réduction directement sur leur téléphone, et 73 % recevoir des bons de réduction en temps réel sur le lieu d'achat, en passant leur mobile devant un produit
Après un an de test du Pixiwallet, système de porte-coupons, les trois Franprix de Nice ont constaté que les consommateurs préféraient acquérir les coupons en magasin plutôt que sur le site portail de l'application. « Cela démontre la force de la mécanique promotionnelle en rayon, souligne Elodie Shaw, directrice du HighCo Lab, la cellule innovation du groupe de communication, qui a mis en place le Pixiwallet. La mise en avant du produit intervient au travers d'une PLV interactive. »
Le NFC intéresse également les 40 000 points de vente qui traitent 380 millions de coupons de réduction papier par an
QUEL EST L'INTERET DU «SANS CONTACT»?
Compte tenu du faible taux d'équipement des Français en mobiles NFC, les enseignes utilisent des QR Code et/ou des tags NFC. Mais, le code-barres 2D oblige à ouvrir une appli mobile pour scanner le QR code. Plus rapide et plus pratique, le NFC nécessite seulement d'approcher son mobile du tag. Autre avantage: il est possible d'écrire et de réécrire sur un tag NFC, alors qu'un QR code n'est pas modifiable. Dérivé de la RFID
En mode carte, le NFC sur mobile permet de s'identifier et/ ou de payer. Il remplace les cartes: bancaire, de transport, d'abonnement, d'accès aux bureaux et, demain, aux chambres d'hôtel, logements, voitures... En mode lecteur, le NFC sur mobile lit un tag (étiquette) apposé à proximité d'un produit, d'un lieu, etc. Il permet d'accéder à des informations et des services. Cette interaction existe en mode direct ou en mode direct managé. Dans le premier cas, l'ensemble du contenu se trouve sur le tag. Dans le second, le tag contient une adresse URL, qui ouvre directement une page web via un serveur et peut être mis à jour en changeant l'action directement sur le serveur de redirection.
Jérémie Leroyer (Airtag): Le client s'attend au même niveau d'information et de service que sur Internet.
Parmi les services offerts par le NFC: le remplacement des titres de transport.
ILS ONT IMAGINE LE SUPERMARCHE DE DEMAIN
Toujours dans cette idée de faciliter la vie des clients et des commerçants, Think & Go NFC et Casino ont imaginé le supermarché de demain. Dans ce magasin, pas de chariot, pas de caisse et donc pas d'attente pour régler ses achats. Le consommateur scanne les produits avec son mobile NFC, paie via le Web, grâce à son compte PayPal par exemple (en attendant le paiement «sans contact») , et se fait livrer à domicile. Ici, pas de stock, pas de grande surface, et la possibilité de présenter une vaste gamme de références.
Phoceis teste aussi le «self-scanning» en mobilité: le passant peut réserver et acheter des places pour un spectacle ou un match en taguant des affiches placées, par exemple, à un arrêt de bus. Dans le même esprit, Phoceis a réalisé un prototype de mur de produits virtuels à l'image de celui du supermarché Tesco dans le métro de Séoul, un premier essai qui avait fait grimper ses ventes en ligne.
Le NFC permet également aux distributeurs d'interagir avec leurs clients via l'aide au shopping et l'animation commerciale.
Les outils d'aide à la décision d'achat figurent sur les étiquettes (tags). En passant son mobile à proximité, le consommateur peut accéder à toutes les infos dont il a besoin avant d'acheter: prix, promotion éventuelle, composition ou caractéristiques du produit, comparaison avec les prix des autres articles en rayon, notes et avis des consommateurs, dépôt d'un commentaire, idées de recettes et de vins à associer, empreinte écologique... L'assistant shopping peut également remplir une fonction d'alerte. Par exemple, le mobinaute entre dans son mobile ses intolérances alimentaires et vérifie la composition d'un produit en passant son téléphone NFC près du tag du produit. En cas de risque, une alerte se déclenche aussitôt sur l'écran de son mobile ou sous forme audio.
Le Leclerc de Nice Saint-Isidore expérimente ce service avec Think & Go NFC. « Le client s'attend au même niveau d'information et de service que sur Internet. Tout l'enjeu consiste à l 'accompagner dans le magasin », explique Jérémie Leroyer, fondateur et dirigeant d' Airtag. Derrière cette idée, celle d'influencer son comportement d'achat. C'est précisément ce que proposera le Club Mamans de Danone via le bureau de Singapour de Think & Go NFC: la cliente se verra proposer des produits spécifiques en fonction de l'âge de son enfant.
Franprix s'offre un porte-coupons mobile NFC
Le self-scanning existe aussi en mobilité.
L'ARDOISE QUE L'ON VA AIMER
Les enseignes pourront aussi interagir avec les clients qui sont à domicile pour mieux les fidéliser. Le consommateur affichera, par exemple, sur la porte de son réfrigérateur, une «ardoise» qui liste les produits achetés de manière récurrente. Il lui suffira de passer son mobile sur ces produits pour que la commande lui soit livrée. Dans le même esprit, les enseignes et marques pourront également distribuer des tags à leurs clients, qui les utiliseront comme des pense-bêtes à coller comme un magnet. Le consommateur sera ainsi informé des promos en cours dans son magasin favori, simplement en passant son mobile sur le tag. Seconde fonctionnalité, l'animation commerciale. A Nice, les commerçants équipés en lecteurs NFC ont accès à un programme complet de gestion et d'animation du programme de fidélité. «Celui qui souhaite écouler un stock peut instantanément mettre en place une promo flash et éditer des coupons de réduction. Les clients du magasin reçoivent alors une alerte par SMS, mail ou via un post sur Facebook», explique Cécile Morel, responsable marketing d'Adelya, éditeur de la plateforme CRM, Adelya Operator. En parallèle, 200 points de vente à Nice proposent l'appli mobile NFC Loyalty Avenue et la carte NFC multiboutique, qui servent de carte de fidélité et de porte-coupons.
L'animation commerciale passe également par l'exploitation des réseaux sociaux. Sur son site Ciblespro, Connecthings permet aux commerçants de créer des tags NFC à apposer sur leur vitrine ou à l'entrée de leur magasin. Le client peut «liker» la page Facebook de l'enseigne et la promouvoir auprès de ses amis. Idem pour les tags Foursquare: le client peut faire un «check-in» d'un seul geste pour signaler sa présence dans le point de vente, et même laisser un commentaire.
Surtout, le «sans contact» promet une meilleure connaissance client. Quand le consommateur effectue un «check-in» à l'entrée du magasin ou approche son mobile d'un tag, il est identifié et tracé. A l'avenir, l'enseigne pourra recueillir des informations sur le comportement d'achat en magasin et la géolocalisation du client lui faire des propositions commerciales ciblées en temps réel. La relation client n'aura alors jamais été aussi proche.
Cécile Morel (Adelya): Celui qui souhaite écouler un stock peut instantanément mettre en place une promo flash.
LE JAPON MISE SUR LES INTERACTIONS EN TEMPS REEL
Six Japonais sur dix possèdent un mobile FeliCa, l'équivalent du NFC. A l'origine de ce succès: la coordination du chantier par une seule entreprise, NTT Docomo. Le premier opérateur mobile nippon transpose, dès 2004, les services de la carte plastique FeliCa - titre de transport, micropaiement et carte de fidélité - sur mobile sous le nom Osaïfu Keitai. Parallèlement, l'opérateur subventionne, à hauteur de 74 millions d'euros, l'achat de lecteurs FeliCa par points de vente.
En 2005, NTT Docomo crée Toruca, un service de distribution de fl yer sur mobile: lorsque le client paie à la caisse avec son téléphone NFC, il reçoit instantanément un message signalant les promotions en cours ou la date du prochain événement dans le magasin. La même année, NTT Docomo, propriétaire de la troisième banque du pays, émet ses propres cartes de crédit sur mobile. Trois ans plus tard, l'opérateur innove avec i-Concier, un service de conciergerie sur mesure, facturé 210 yens (1,60 euro) par mois. En 2009, NTT Docomo et le distributeur Aeon créent un programme de fidélité disponible uniquement sur mobile. Les membres reçoivent des offres correspondant à leur profil, leurs goûts, via e-mail ou via le site mobile. Ces données - auxquelles s'ajoutent celles issues de la monnaie électronique du groupe Aeon, et de la carte de crédit - sont croisées avec l'historique des achats sur la caisse enregistreuse. Dans cet esprit de conquête et de fidélisation des consommateurs, les abonnés au i-Concier de NTT Docomo reçoivent aussi des informations sur le programme.
AUX ETATS-UNIS, LA GUERRE DE LA EJONNEE CLIENT EST DECLAREE
Après des tests réalisés, en mai 2011, à New York et à San Francisco, Google a étendu son porte-monnaie électronique à plusieurs villes des Etats-Unis, en septembre. L'entreprise songerait à s'implanter en Europe au premier semestre 2012. L'application Google Wallet, disponible gratuitement sur Android NFC, peut contenir à la fois des cartes bancaires, des cartes de fidélité et des «offers»: promotions venues des commerçants partenaires équipés de terminaux de paiement NFC. «A travers son Wallet, Google offre un vrai service intégrant paiement, fidélité et couponing, aussi bien pour les commerçants que pour les consommateurs. Mais la société est plus intéressée par les données personnelles des clients obtenues via le paiement et la géolocalisation, pour répliquer dans la vie de tous les jours le modèle qui a permis son développement sur Internet à travers la vente de liens sponsorisés, explique Pierre Métivier, auteur du blog «Avec ou sans contact» et associé de l'entreprise Net-7 Innovation. Autrement dit, le modèle créé avec succès dans le monde virtuel par Google, le géant de Mountain View le développe dans le monde réel, sur nos mobiles, à toute heure et en tout lieu: magasins, restaurants, transports... »
Le porte-monnaie électronique est un système ouvert à toutes les banques. Pour les attirer, Google ne leur fait pas payer de commissions sur les coûts de transaction.
De plus, l'entreprise a subventionné le financement des terminaux de paiement NFC afin de généraliser le paiement «sans contact». A ce jour, un seul opérateur mobile, Sprint, et une seule banque, Citi, sont associés au projet. En riposte, les opérateurs mobiles américains Verizon Wireless, AT&T Inc. et T-Mobile USA - ont créé la jointventure Isis, qui propose leur propre porte-monnaie électronique. Quant à PayPal, il expérimente, lui aussi, plusieurs solutions pour devenir un agent de CRM...
Pour Guillaume Rio, responsable des partenariats technologiques de L'Echangeur by LaSer, «nous sommes entrés dans une véritable guerre du porte-monnaie électronique, car toutes ces sociétés visent à gagner de l'argent sur la donnée client»...