L'union réussie du Web et du téléphone
Depuis la fin de la bulle internet, les sites marchands se sont aperçus que le Web n'était pas autosuffisant. Et, comme le e-commerce devient un vrai média de masse, il faut bien rassurer les consommateurs qui ne sont pas tous familiers avec l'outil informatique. L'instrument adéquat est, plus que jamais, le téléphone. En effet, tous les sites de e-commerce possèdent un centre d'appels qui leur permet de délivrer de l'information, mais aussi de prendre les commandes.
« Depuis six mois à un an, nous assistons à une vraie gestion multicanal, à
une meilleure mise à disposition de l'information entre les différents canaux,
y compris le centre d'appels », estime Philippe Nieuwbourg, consultant chez
Marcom Generation. Le temps où chaque canal de vente (magasin, service client,
site web) possédait sa propre application semble révolu. Ainsi, Philippe
Nieuwbourg cite la société de vente à distance Cyrillus, filiale de La Redoute,
qui possède un catalogue papier, un centre d'appels et des magasins, tous
reliés en quasi-temps réel (moins d'une journée pour relayer les informations).
Cette évolution a eu lieu en raison de la prise de conscience des entreprises,
mais aussi des consommateurs. Ceux-ci, plus au fait des dernières techniques,
se sont plaint de ne pouvoir être servis correctement dès lors qu'ils
changeaient de canal de vente. «Toutes ces sociétés qui parlent de CRM sans
être capables de délivrer la bonne information... Cela devenait ridicule »,
insiste le consultant. Si l'idée du multicanal s'est imposée, celle du
progiciel de CRM magique, capable de réaliser toutes les fonctions en même
temps, a pris du plomb dans l'aile. Avec la mauvaise publicité autour de
certains projets pharaoniques, les entreprises commencent à se tourner vers le
développement de petites applications spécifiques, dont les coûts n'ont rien à
voir avec ceux d'un gros chantier. « Il y a un vrai retour du développement
spécifique dans le domaine du marketing/ventes », affirme ainsi Philippe
Nieuwbourg. Illustrations chez Mistergooddeal qui développe en interne tous ses
logiciels de CRM, de même que W Store (voir plus loin). Côté outil, l'e-mail
continue de bien fonctionner, mais le chat perd du terrain, même s'il se
maintient mieux que le call back, pour des raisons de coût. En effet, ce bouton
de rappel induit des frais téléphoniques que les sites ne veulent pas toujours
infliger à leurs clients et prospects. De plus, le call back est perçu comme
une intrusion, contrairement au chat. Quant au co-browsing, le nombre
d'applications de cette navigation partagée est proche du néant.
Réassurer le e-client
Pour Olivier Savouret,
responsable du centre d'expertise centres de contact chez Valoris, le téléphone
dans le e-commerce a trois types d'usage. D'abord en tant qu'aide à la vente.
Puis, pour réassurer le client au moment du paiement. « Dans une étude de 2001,
PriceWaterhouse-Coopers a montré que 80 % des transactions n'aboutissaient pas.
Sur ce chiffre, 70 % ne sont pas rattrapables, mais 10 % le sont grâce à une
présence humaine », estime-t-il. Or, vu les chiffres actuels du e-commerce
(voir encadré), ces 10 % représentent un enjeu conséquent pour les cyber
marchands. Troisième usage du call center : le service après vente. Produit
défectueux, jamais reçu, non commandé, paiement débité deux fois : la liste est
longue. Un contact humain est nécessaire pour résoudre ces ratés, et ainsi
conserver le client. Reste que la mise en place d'un centre d'appels a un coût.
C'est pourquoi certains sites marchands ne font figurer aucun numéro de
téléphone jusqu'à la page réservée au paiement. « La stratégie est celle du Web
en frontal, afin de privilégier au maximum le self-service avec des formulaires
en ligne, et ainsi économiser sur les coûts », explique Olivier Savouret.
Autrement dit, le contact humain est réservé aux actions qui rapportent le
plus, vente et service client. C'est le cas chez Aquarelle.com, site de vente
de fleurs en ligne, qui annonce un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros
pour 2003. La société a installé un centre d'appels interne, de huit personnes,
qui remplit deux fonctions : la prise de commandes et l'information et le
traitement des réclamations. Il est ouvert de 9 à 19 heures, du lundi au
vendredi et de 10 à 12, puis de 14 à 18 heures le samedi. Pour le contacter,
les clients composent un Numéro Indigo taxé à 0,12 euro la minute. Ce call
center traite environ 10 % des commandes quotidiennes. « Souvent, les clients
ont vu un bouquet sur le Net au bureau et appellent lorsqu'ils sont rentrés
chez eux. Il s'agit aussi de consommateurs réticents vis-à-vis du paiement en
ligne », analyse Guillemette Bourdon, directrice marketing et communication.
Pour contrer cette peur de la fraude en ligne, Aquarelle cherche à rassurer ses
clients en leur envoyant un mail avec un identifiant. Le client rappelle
ensuite le centre d'appels et l'opérateur valide l'achat. Le vendeur de fleurs
en ligne a développé son propre outil de CRM. Celui-ci lui permet, par exemple,
d'informer le client sur le processus de livraison du bouquet. Il effectue
aussi un récapitulatif du nombre de commandes, de litiges et des livraisons.
Répondre rapidement aux e-mails
Une boîte à idées
récupère commentaires et critiques, qui sont ensuite listés. Néanmoins,
l'utilisation de ce logiciel reste artisanale. « Chaque opérateur enregistre
lui-même les données », précise Guillemette Bourdon. L'objectif premier du
centre d'appels est de délivrer une information de qualité aux appelants,
rendue possible par la proximité des téléopérateurs avec les employés qui
confectionnent les bouquets. Quant au web call center, le e-commerçant a
renoncé au chat, « qui a pas mal marché au début, puis n'a plus du tout été
utilisé ». Explications de ce désintérêt pour une aide en ligne : la maturité
des clients vis-à-vis du Web et la simplicité de l'ergonomie du site. Les mails
sont traités par deux téléopérateurs qui se répartissent les tâches, mais tous
les téléconseillers peuvent répondre à ces messages. Par exemple, lors des pics
d'activité en fin d'année, tout le monde s'y met. Avec toujours le même
impératif : répondre rapidement aux e-mails. « Le client doit se trouver en
confiance, surtout si c'est son premier achat sur le Net », rappelle
Guillemette Bourdon. Environ 150 mails quotidiens sont traités par le centre.
Des chèques cadeaux peuvent être envoyés sous forme électronique en cas de
remboursement. Pour l'avenir, Aquarelle étudie la mise en place d'un SVI pour
traiter les requêtes récurrentes. Autre acteur du e-commerce, Mistergooddeal a
été fondée en 2000 par Pierre de Roüalle, ancien patron d'agence de marketing
opérationnel. Le site s'est positionné sur le discount et les bonnes affaires,
en proposant à l'internaute des produits neufs mais pas de la toute dernière
génération. « Nous avons réussi à persuader les sociétés de nous confier leurs
invendus, fin de série, matériel d'exposition, etc.», explique le P-dg de
Mistergooddeal. Pour les fabricants d'appareils ménagers, ces ventes sont du
bonus, et leur permettent d'éviter de fragiliser leurs réseaux de distribution
classiques. Très vite, Pierre de Roüalle se rend compte que le Net est un
vecteur idéal pour ce type de vente. Il travaille aujourd'hui avec plus de 200
entreprises, dont 85 % de fabricants, et a réussi à développer avec eux une
politique à long terme.
Le e-commerce décolle enfin
Le e-commerce en France a connu une forte croissance lors des derniers mois. Avec une augmentation de 21 % du nombre de transactions entre le premier et le deuxième trimestre 2003, mais surtout en enregistrant un bond de 90 % en un an, selon l'Acsel (Association pour le commerce et les services en ligne). L'association s'appuie sur son panel de 17 sites marchands pour appuyer ses dires. Côté chiffre d'affaires, la croissance est de 29 % pour onze acteurs du marché entre les premier et deuxième trimestres de 2003. Entre les deuxièmes trimestres 2002 et 2003, cette augmentation est de 90 % (calculée sur 14 sites). Ces 14 e-marchands ont réalisé un chiffre d'affaires de 253,7 Me, contre 225 l'année dernière. Ce bond en avant vient d'une plus grande confiance des acheteurs, qui sont par ailleurs plus nombreux (+ 54 % en un an). Selon la Fevad (Fédération des entreprises de vente à distance), le e-commerce représentait en 2002 19 % du total des ventes à distance de produits et de services aux particuliers (1,7 MdE sur 8,9 MdE), en croissance de 61 % par rapport à 2001. Le 1er semestre 2003 enregistrant une progression de 55 % par rapport au 1er semestre 2002.Aux Etats-Unis, berceau du commerce électronique, la croissance serait encore plus forte si l'on en croit les instituts Forrester Research et la National Retail Federation, pour qui le chiffre du e-commerce devrait croître de 26 % par rapport à l'année 2002 pour atteindre près de 100 milliards de dollars. En 2008, toujours selon Forrester, ce chiffre devrait être de 230 milliards, soit + 140 %.