L'off-shore en quête de transparence
Après avoir touché les secteurs industriels et textile, les délocalisations s'étendent aujourd'hui aux services et par extension aux centres de contacts. Une évolution dictée par la logique économique qui se réalise dans l'opacité la plus totale pour le consommateur. Enquête sur ce phénomène grandissant.
Pour vivre heureuses vivons cachées. Telle pourrait être en France la
devise de nombreuses entreprises pour qualifier leur politique à l'off-shore.
Interrogés dans le cadre de cette enquête, la plupart des grands donneurs
d'ordres de l'univers des centres de contacts (France Télécom, Groupama, SFR,
le monde bancaire…) ont pointé aux abonnés absents. Car le sujet semble délicat
à aborder, touchant à des points aussi stratégiques que la relation client et
l'image de marque véhiculée par l'entreprise auprès de ses consommateurs. Dès
lors, les quelque entreprises jouant le jeu de la transparence, sont souvent
citées en exemple. Taxis Bleus rapatriant son service de réservations par
téléphone après seulement cinq mois d'exploitation au Maroc est devenu un
classique du genre. « S'il n'y a qu'un échec médiatisé de la sorte, cela prouve
que les prestations sont largement à la hauteur », ironise un prestataire de
l'off-shore. Récemment ébranlés par l'affaire Timing, une filiale de
l'outsourceur b2s, les grands comptes craignent que l'Etat ne légifère. Et font
le dos rond même si, ici et là, des initiatives vers plus de transparence
voient le jour. De leur côté, les acteurs de l'off-shore de langue française,
implantés principalement au Maroc, en Tunisie, à l'île Maurice, au Sénégal et
dans les pays de l'Est, ne perdent pas une occasion de mettre en avant leurs
avantages compétitifs…
Des chiffres en pleine croissance
En France, seuls 2 % des centres sont implantés à
l'off-shore, selon une étude menée par le cabinet Cesmo Consulting. Néanmoins,
le marché des centres de contacts croît de 5 % par an avec 206 000 salariés en
2004 et n'a de cesse de rationaliser ses coûts. D'où un engouement toujours
plus marqué pour la régionalisation et l'off-shore. Si la volumétrie des flux
traités à l'off-shore est encore largement minoritaire, une accélération
devrait se produire d'ici 2007, compte tenu des effets d'expériences et de la
maturité grandissante des structures. « L'enjeu principal du marché de
l'off-shore est la qualité ; le but étant de fournir la même qualité qu'en
France pour 30 % moins cher », lance Frédéric Jousset, fondateur de Webhelp,
un acteur de l'off-shore de la première heure. Au sein des entreprises, la
relation client est souvent perçue comme un enjeu critique et la satisfaction
des consommateurs fait l'objet de toutes les attentions. « Le débat du pour ou
contre l'off-shore me semble erroné. La délocalisation est non seulement une
réalité, mais elle procède aussi d'une répartition plus juste des richesses
dans le monde », estime Gilles Guerre, directeur de Prophony, un centre de
contacts localisé à l'île Maurice, qui place le débat avant tout sur sa
dimension économique. De fait, la principale motivation pour les entreprises
qui vont à l'off-shore est de réaliser des économies sur leurs frais de
structures (70 % du total des coûts d'un centre de contacts). « Tous les types
de flux sont délocalisables à l'off-shore, mais le jour où les salaires à
Maurice monteront, les centres délocaliseront au Burkina Fasso. Et en France,
les entreprises inventeront de nouvelles activités de pays riches », prédit
Gilles Guerre. Vases communicants géographiques… Les métiers de la relation au
téléphone, peu côtés en France, sont considérés au Maroc, en Tunisie, ou à
Maurice comme des emplois offrant des rémunérations correctes, souvent
largement au-dessus du revenu moyen, d'où un débouché pour des jeunes parfois
très qualifiés qui voient dans cette activité une alternative au chômage. « A
terme, il ne restera en France que des campagnes délicates à gérer et
nécessitant une forte culture du pays », estime Frédéric Salinie, directeur de
One Call Center, un centre off-shore localisé au Maroc. Bémol à ce scénario,
les efforts réalisés dans l'Hexagone par les collectivités locales qui voient
dans les métiers des call centers, un renouveau d'activité, rempart à la
désindustrialisation de certaines régions. Des actions menées en faveur de
l'emploi et qui permettent de dynamiser les régions. Un dispositif d'autant
plus important que l'Etat, récemment impliqué de manière forte sur le secteur
des centres d'appels, entend également aider à la revalorisation de ces métiers
et freiner le phénomène des délocalisations...
Minimum 30% moins cher
Réduire les frais de structure, la préoccupation majeure des
centres, trouve un écho particulier à l'off-shore. « Actuellement la
problématique n'est pas tant entre l'off-shore et la France, mais entre les
sites off-shore eux-mêmes », remarque Dominique Berthelot, vice-président de
PCCI, un outsouceur off-shore situé au Sénégal. Si personne ne peut contester
le fait que l'off-shore génère d'importantes économies sur les ressources
humaines, les chiffres avancés par les prestataires sont néanmoins à prendre
avec précaution, tant la surenchère au “toujours moins cher”et “toujours plus
de positions” est tentante. Les destinations phares de l'off-shore sont toutes
extrêmement compétitives en termes de prix (voir en page 8 le graphique sur la
cartographie des coûts). Au Maroc, par exemple, le salaire d'un téléacteur est
de l'ordre de 400 euros net mensuel alors que le salaire moyen du pays se situe
autour de 180 à 200 euros. Des chiffres qui parlent d'eux-même. Autre point
fort de ces centres, leur capacité à recruter puis à former des francophones.
Les techniques de recrutement qui portent le mieux leur fruit sont les
portails internet dans les cyber cafés, les annonces presse et le parrainage. «
Au Maroc, dans le Matin du Sahara, toutes les sociétés françaises annoncent des
recrutements de 50 à 100 téléacteurs. C'est à celui qui aura l'annonce la plus
grosse ! », remarque Olivier Mercuriot, directeur général de Sitel Maroc,
prestataire implanté au Maroc et en France (en Ile-de-France et dans les
Charentes Maritimes). Avec 350 positions dont 200 occupées pour le moment, le
centre marocain, équipé d'une nouvelle technologie de voix sur IP, prévoit une
montée en puissance et regarde vers de futurs développements. Et les
candidatures arriveraient en masse, de quoi faire des envieux parmi les acteurs
de l'Hexagone en proie aux pires difficultés pour recruter et fidéliser leurs
équipes.
Valorisation des métiers
Là où la France
peine à valoriser les métiers du téléphone, l'échelle de valeur dans les pays
de l'off-shore semble différente. Bien sûr, cela ne va pas sans référents aux
situations et aux niveaux de vie des populations. « Les salariés ont une
approche différente des call centers au Maroc. Il s'agit pour ces derniers d'un
véritable métier. De plus, cette activité professionnelle a ouvert le marché
aux jeunes femmes y compris pour des postes à responsabilités », souligne
Frédéric Salinie. Là où les pays de destination peuvent parfois se satisfaire
d'un “mieux que rien” lorsque les personnes répondant au téléphone sont
diplômés d'un bac + 5 ou encore ingénieurs, d'autres dénoncent le “moins bien
que tout”, des horaires plus importants, des cadences accélérées, des
conditions de travail plus dures… Points de vue divergents liés aux intérêts de
chacun. « Imaginez qu'en France, on paye les télévendeurs 3 000 euros
mensuellement. La stabilité serait au rendez-vous », résume Gilles Guerre.
Ainsi, lorsqu'un jeune Mauricien de niveau bac peut prétendre à un salaire
d'environ 120 euros par mois sur l'île, il percevra dans un centre d'appels
mauricien un salaire de l'ordre de 300 euros mensuels. Actuellement, l'île
Maurice compte neuf centres d'appels couvrant environ 1 000 positions et un
emplacement, dédié aux nouvelles technologies, rutilant appelé la Cyber cité
(ou Cyber tour). « Nous comptons sur l'activité des technologies de
l'information et de la communication pour valoriser notre pays », souligne
Bisoon Surnam, représentant du Board of investment, une structure étatique au
service du développement économique mauricien. Eloignée de 11 000 km de
l'Europe, l'île entend ne pas faire rêver que pour ses plages de sable fin… Et
s'en donne les moyens notamment, comme le fait le Maroc, en subventionnant les
actions de formation, l'un des facteurs les plus importants et coûteux d'un
projet off-shore.
La formation, le coût caché principal
A l'off-shore, la formation est bien l'un des facteurs clés, plus
encore qu'en France. « Le niveau de formation et les compétences que nous
attendions au Maroc sont au rendez-vous », se satisfait Olivier Mercuriot. De
l'avis de tous, donneurs d'ordres comme prestataires, il est impératif
d'investir en actions de formation. Formation à la culture française, dictions,
cours de langue, formations aux produits et services… Le coup de pouce que
donnent les Etats accueillant à bras ouverts des centres off-shore n'est en
rien anodin. « Le gouvernement rembourse jusqu'à 50 % des frais de formation
engagés pour former les Mauriciens », se félicite Bisoon Surnam. Au Maroc
également, un organisme d'Etat subventionne, après une année d'activité,
jusqu'à 70 % des frais de formation engagés par les centres. « L'erreur commise
par certains est de répéter strictement au Maroc ce qu'ils font en France. Pour
réussir à l'off-shore, il faut investir dans des actions de formation et de
contrôle », souligne Frédéric Salinie. Une méthode qui fait des émules parmi
tous les centres émergeants à l'off-shore.
Une forte réactivité dans les centres d'appels
Outre leur capacité à investir sur la
formation, les pays de l'off-shore se distinguent également par leur capacité à
monter des positions et à créer de nouveaux centres en un laps de temps record.
Même si l'information côtoie fréquemment “l'intox”, la réactivité des
structures est bien réelle. « Tous les pays de l'off-shore ont une capacité
impressionnante à répondre à une demande massive », confirme Jean-Luc Koch,
P-dg de Cesmo Consulting. Quant à l'adaptation, elle n'en est pas moins rapide.
« Au bout de trois mois d'off-shore, on aboutit à une courbe d'expérience qui
permet d'arriver au même niveau de qualité qu'en France », estime Frédéric
Jousset dont l'entreprise Webhelp affiche 600 positions localisées sur deux
centres à Rabat. Au sein de ces centres, l'entreprise a misé sur la qualité et
a obtenu une labellisation ISO garante d'un niveau de fiabilité normalisé. Un
moyen supplémentaire de rassurer les clients souvent inquiets lors du montage
d'une opération à distance. « La qualité de notre service est évaluée en
permanence sous la forme de grilles de performance établies lors de contrôles à
chaud, pendant le travail du téléacteur », ajoute Frédéric Jousset. Pour suivre
le niveau de qualité de sa relation au téléphone à l'off-shore, Wanadoo
organise en plus des reportings fournis par son prestataire, des vagues de 300
appels mystères, réalisés tous les deux mois par TNS Sofres. Un suivi extérieur
et impartial qui permet de s'assurer du bon déroulement des opérations.
Satellite ou fibre optique ?
Parler de l'off-shore
suppose aussi de se poser la question des technologies et de la qualité des
conversations établies… parfois à des milliers de kilomètres. De ce point de
vue, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Si les débuts
de la “dorsale” ont pu générer quelques couacs, les câbles sous-marins, sauf
accidents techniques très rares, apportent pleine satisfaction à leurs
utilisateurs. « La dorsale dite “safe” est un énorme câble en fibre optique qui
offre une très grosse capacité et permet d'avoir des communications parfaites
sur l'île Maurice, ce qui n'est pas le cas avec le satellite », explique Gérald
Bouillaud, directeur d'Infinity. Par mer ou par satellite (où des risques
d'écho demeureraient), les technologies actuelles permettent de converser avec
un interlocuteur très éloigné avec un sentiment de proximité déconcertant. « A
mon arrivée au Maroc, il y a quelques années, il y avait encore des
imperfections dans le réseau des télécommunications. Aujourd'hui, la qualité a
atteint un niveau tout à fait satisfaisant », estime Frédéric Salinie. Des
évolutions techniques qui permettent aux échanges d'être réalisés dans de très
bonnes conditions. « Le PABX situé à Dakar communique avec le PABX qui se
trouve à Paris, via des câbles sous marins », résume Dominique Berthelot, qui
vient d'équiper, par l'intermédiaire de Genesys, son centre des technologies de
voix sur IP. Des choix stratégiques qui préparent la montée en puissance de ces
structures.
Manager son image à distance
Outre les
choix technologiques de transport de voix, les centres off-shore misent
également massivement sur les outils de pilotage et de télésurveillance à
distance, gage de transparence dans leur relation avec leurs clients. « C'est
un plus indéniable de l'off-shore, car par ce biais, les outsourceurs disposent
d'un outil permettant de rassurer les clients et de leur apporter de la
sérénité. A n'importe quel moment, ils peuvent entrer en relation avec leur
centre, d'où des relations transparentes », explique Myriam Ghedas,
responsable de la communication de Vocalcom, fournisseur de solutions dédiées
aux centres d'appels. Le client peut se connecter au plateau à partir de son
poste téléphonique, en entrant simplement un code d'accès. Dès lors, il se
trouve dans la posture d'un superviseur, à même d'entendre l'ensemble des
conversations en cours. « A l'off-shore, on se sent parfois plus proche de nos
opérations qu'avec des centres localisés à la Courneuve », ironise un donneur
d'ordres. De fait, l'éloignement favorisant la crainte de déperdition d'image,
les opérations hors Hexagone sont suivies et contrôlées, réactivité oblige.
Concernant les limites, le point critique reste les systèmes d'information. «
Les grands comptes ont parfois des systèmes d'information hétéroclites.
Certains nécessitent beaucoup de bande passante et sont assez lourds »,
remarque Gérald Bouillaud. Des solutions, telles qu'Atoms off-shore, proposée
par Noble Systems, fournisseur de solutions logicielles packagées, permettent
de limiter cette consommation en transférant uniquement les communications
utiles. « Notre architecture réduit de 30 à 40 % la consommation de bande
passante », souligne Caroline Plaignaud, responsable de la communication de
Noble Systems France.
Vers une règlementation de l'off-shore…
Ce n'est un secret pour personne, l'actualité des
délocalisations est désormais chaude dans notre pays. Un climat d'autant plus
tendu que, pour stopper l'hémorragie des emplois délocalisés, le gouvernement
préparerait des mesures cœrcitives. Si, de longue date, l'industrie a fait les
frais de son manque de compétitivité sur les coûts, le phénomène est plus
récent dans les services. Même si le volume des flux délocalisés dans les
centres de contacts reste minoritaire, les prévisions augurent d'une
progression de cette part de marché. Au détriment de l'activité en France, qui
ne peut tout simplement pas s'aligner sur les prix pratiqués à l'off-shore.
Ainsi, la crise tend à favoriser un certain repli protectionniste. «
D'importants appels d'offres de donneurs d'ordres français stipulent qu'en cas
de modification de la législation en France, nous (les centres off-shore, ndlr)
devons être capables de faire un retour en arrière immédiat. Certains ont peur
», souligne Olivier Mercuriot. D'ores et déjà, sous l'impulsion de Nicolas
Sarkozy, des projets sont en cours dont un arrêté relatif à l'information des
consommateurs sur la localisation géographique des centres d'appels
téléphoniques. Le projet d'arrêté a fait l'objet d'une demande d'avis du
Conseil national de la consommation au motif “qu'il apparaît déloyal de laisser
croire au consommateur qu'il bénéficie d'une relation de proximité avec une
entreprise connue alors qu'il est en relation avec un sous-traitant implanté
éventuellement dans un autre pays”. Parmi les mesures envisagées, le projet
d'arrêté prévoit dans son article premier que les fournisseurs de biens et
services ayant recours à un centre d'appels seront tenus d'informer les
correspondants de la localisation géographique du centre. Ces projets de
mesures, accueillies de manière “positive” par l'AFRC (Association Française
des Centres de relation clientèle), provoquent une levée de bouclier parmi les
acteurs de l'off- shore et de certains acteurs français. Selon la Direction
générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF), pour passer de la phase projet à la phase concrétisation, le texte
doit encore être avalisé et publié au Journal officiel. S'il arrive à cette
étape, le texte précisera une date d'application. Quant aux sanctions
éventuelles, elles devraient vraisemblablement relever de la contravention et
non du délit. A l'heure où nous bouclons, aucune date, ni arrêté n'ont été
publiés. Quant aux acteurs français, ils continuent de faire valoir le poids
économique du secteur qui crée des milliers d'emplois en France. Reçus le 6
octobre dernier par le ministère des Affaires sociales, les outsourceurs ont pu
exposer les problèmes d'image et de flexibilité auxquels ils étaient
confrontés… Un état des lieux amené à se répéter et qui pourrait à terme
déboucher sur des actions concrètes.
… et un peu de transparence
Légiférer pour informer le consommateur. Aux Etats-Unis comme sur
le Vieux Continent, les regards se portent sur les deux géants émergents que
sont la Chine et l'Inde et qui devraient, dans le futur, bouleverser les parts
de marché du commerce international. Le cabinet d'études Datamonitor prévoit,
dans une récente étude sur les centres de contacts, la perte de 130 000
positions aux Etats-Unis d'ici 2008. Des lois sont en train de se voter,
outre-Atlantique, pour interdire au service public de faire appel à des
prestataires délocalisés. Parallèlement, des tests seraient en cours dans des
entreprises pour donner le choix aux consommateurs entre la mise en relation
avec un centre américain ou un centre off-shore. A l'arrivée, une surtaxe sur
la communication sera le prix à payer par le consommateur pour la préférence
nationale… « On s'est aperçu, aux vues de ce qui se passe aux Etats-Unis,
notamment à destination de l'Inde, que tous les types de prestations y compris
les plus stratégiques sont délocalisées », remarque Gérald Bouillaud. Et à
l'off-shore comme en plongée, les investisseurs sont toujours à l'affût des
“spots”, les plus rentables. « Des zones telles que Madagascar, l'Europe de
l'Est ou encore l'Algérie vont émerger », ajoute-t-il. Quant au rapport entre
donneurs d'ordres et outsourceurs, l'heure est encore et toujours à la langue
de bois. De manière contractuelle dans leur contrat de service, les outsouceurs
sont muselés par une obligation de confidentialité sur les opérations qu'ils
mènent. La discrétion sur le nom des clients est de rigueur. Neuf Télécom,
Cegetel, SFR, Wanadoo, Noos, Tiscali, France Télécom, AOL … tous sont présents
à l'off- shore sans pour autant que les consommateurs s'en soient encore rendu
compte. Si la prise de conscience s'opère brutalement, le mouvement ne semble
pas prêt de s'infléchir.
Tactis veut mesurer la qualité de la relation client à l'off-shore
Empêcheur de tourner en rond, l'entreprise Tactis, un cabinet d'études qui réalise notamment des études ad-hoc pour orienter les candidats à l'off-shore dans leur choix. Lors de la dernière édition du Salon européen des centres d'appels (SeCa), en mai 2004, Séphane Lelux, son président, avait présenté en avant-première un projet d'observatoire de la compétitivité de la relation client, mettant face-à-face la France et l'off-shore. « Une bouteille à la mer a été lancée. Pour le moment, l'observatoire est privatisé, mais nous essayons de comprendre si une mutualisation intéresserait les pouvoirs publics et les opérateurs privés », explique-t-il. Le but ? Gagner en transparence et permettre aux acteurs de l'off-shore de suivre, au travers d'un tamis d'indicateurs, la qualité de la prestation outsourcée. Fort de son expérience dans le domaine des télécoms, avec la mise en place de l'observatoire Ortel, Stéphane Lelux est tout à fait conscient du temps et des difficultés que peuvent engendrer une telle démarche. « L'intérêt est d'avoir un référencement sur lequel tous les acteurs vont pouvoir s'appuyer », ajoute-t-il. En attendant de nouvelles adhésions, une édition annuelle de l'observatoire est prévue au printemps…
« Pour l'off-shore, il faut privilégier une vision à long terme »
Pourquoi entreprendre une démarche à l'off-shore ? La problématique des centres de contacts est pour une large part une problématique de ressources humaines. De nombreuses fonctions peuvent être externalisées comme la prospection, le télémarketing, la télévente, la prise de rendez-vous… Souvent, ces fonctions sont couplées les unes avec les autres, l'important étant de cerner où se situe la relation client dans le métier de l'entreprise, ainsi que les flux qui peuvent être éventuellement déportés. Globalement, quand une entreprise délocalise à l'off-shore, les centres gagnent en termes de coûts et parfois même en performance. Actuellement, toutes les entreprises sont dans une logique de compromis économique pour éviter des coûts inflationnistes sur les centres de contacts. Quelle est l'importance du phénomène ? Dans notre précédente étude, 9 % des centres d'appels interrogés déclaraient avoir un projet off-shore. Les points à valider, dans ce type de projet, sont la logistique, la zone géographique ou l'on souhaite s'implanter, ainsi que le niveau de formation. Les aspects fonciers sont également à prendre en compte lorsque les entreprises investissent dans des locaux et dans des équipements. Le contexte politique de l'off-shore compte évidemment. Le Maroc et la Tunisie sont considérés comme des pays à faible risque politique tout comme l'île Maurice et, de manière générale, toutes les zones très off-shore où les entreprises s'installent. Quels types de flux peut-on délocaliser ? Un projet off-shore ne se fait pas en six mois, mais en plusieurs années, car il faut organiser l'entreprise avec une problématique off-shore et gérer des équipes délocalisées. Les quelques échecs concernent essentiellement des entreprises qui ont raisonné uniquement à l'économique. Pour maintenir son niveau de qualité, il faut mettre des équipes, des moyens et des formations en place. Ainsi, on peut arriver à mener des missions très sophistiquées réalisées, par exemple, par des ingénieurs qui vont s'intéresser à des problèmes pointus… En termes de productivité, on estime en France que 20 % du temps des téléconseillers est consacré à la formation sur les produits ou les techniques. A distance, cette formation doit être encore plus structurée et accompagnée.
Advancia ouvre le bal de l'off-shore à Jérusalem
«Jérusalem est une grande ville où se croisent de nombreuses nationalités, diverses langues, et qui compte 35 % d'habitants francophones, d'où un vivier de compétences important », explique Jean Marc Ganem, P-dg d'Advancia, un outsourceur basé à Jérusalem depuis deux ans, dont le centre compte une centaine de positions. De prime abord de nature à étonner, aux vues des difficultés politiques de la région, Jérusalem n'en est pas moins un lieu en essor en matière de délocalisation des centres de contacts. « Ces cinq derniers mois, vingt centres d'appels en langue française se sont montés en Israël. L'activité est nouvelle sur le marché français, alors que le marché américain est déjà bien implanté avec, notamment, la présence des centres de contacts d'entreprises telles qu'IBM, Microsoft ou CNN », explique Jean Marc Ganem. Privilégiant le recrutement de profils natifs de France, ayant une expérience commerciale, et désirant vivre en Israël, Advancia s'est équipée d'un système d'écoute des plus sophistiqués. Par ce biais, les clients peuvent procéder à des écoutes à des milliers de kilomètres sans difficulté et avec un sentiment de proximité déconcertant. « Tout est supervisable et manageable à distance », remarque Jean Marc Ganem. Du côté des coûts, les candidats à l'off-shore font également de substantielles économies. «Les gains réalisés sur les coûts de communication sont négligeables par rapport aux coûts salariaux. Nous sommes compétitifs du fait de charges sociales faibles et des horaires qui sont ici de 43 heures hebdomadaires », souligne Jean Marc Ganem. Avec des niveaux de salaires oscillant entre 1 000 et 3 000 euros, l'entreprise vise essentiellement des missions de télévente apportant de la valeur ajoutée.
Atento : 61% de téléopérateurs ont un niveau bac + 4
• Ils sont ingénieurs, diplômés en sciences économiques ou en littérature. Ils sortent d'écoles de commerce et cherchent à entrer dans la vie active. Voici dressé le tableau du téléopérateur marocain, majoritaire dans les centres de contacts qui font florès dans le royaume de Mohammed VI. Au sein d'Atento Maroc, filiale du groupe Atento, créé en 2000 et disposant de deux centres à Casablanca et à Tanger (plus de 1 000 positions sur les 6 000 que compte le royaume), pas moins de 61 % des effectifs sont diplômés d'un niveau équivalent à la maîtrise. Avec des salaires oscillant entre 300 et 550 euros mensuels, cette population travaille actuellement 44 heures par semaine. Le centre dispose de plusieurs étages et de différents plateaux et, à l'heure de la prière, avec l'accord de leur superviseur, les téléacteurs peuvent se rendre par roulement à la mosquée, installée au rez-de-chaussée de l'immeuble. Le centre, ouvert 24 h sur 24 emploie 53 % de femmes, certaines travaillant voilées. Affichées sur les plateaux du centre, les règles de l'entreprise sont clairement édictées. Deux retards équivalent à un avertissement, quatre à une mise à pied d'une journée et six à un licenciement. Un règlement strict auquel se plient les téléopérateurs puisque le taux de turn-over affiché par le centre ne dépasse pas 3%.