L'automatisation,une solution miracle ?
Que peut-on automatiser dans un centre de contacts ? Le champ est vaste, du simple accueil jusqu'à la recherche des informations noyées dans le flux des entretiens, en passant par la consultation du solde et des opérations courantes, ou encore le traitement des mails. Mais, quels que soient les moyens engagés, et qui ne se limitent pas qu'aux serveurs vocaux, pour un grand nombre de tâches la validation humaine des réponses reste encore incontournable.
L'automatisation est-elle la solution miracle aux problèmes des centres
d'appels ? L'idée est séduisante. Le ratio des coûts de réponse produite par la
machine et par l'homme est de un contre dix. Et le retour sur investissement
serait rapide. Principal moyen d'automatisation aujourd'hui, les serveurs
vocaux interactifs cons-tituent une couche ergonomique intéressante, permettant
de faciliter le travail des opérateurs dans les centres d'appels. C'est
typiquement une mesure de premier niveau d'accueil. L'agent reçoit un appel
déjà qualifié par le SVI, cela réduit la durée de l'appel de 30 à 50 % environ.
Et, de manière sous-jacente, promet d'augmenter la satisfaction du client. «
Beaucoup de SVI proposent une segmentation simple : “tapez 1, 2, 3… si vous
voulez connaître le solde de votre compte, effectuer une opération, contacter
un agent”. C'est l'organisation adoptée pour la majorité des serveurs, une
sorte de self-service vocal typique pour des interactions à faible valeur
ajoutée », remarque Nicolas Kaploun, vice-président de Genesys
Télécommunications. Dans les banques et les assurances, le SVI sera utilisé
pour la consultation des comptes, le suivi de l'évolution du dossier de
sinistre… et, en général, le routage automatisé des appels. Cette organisation
obéit au désir de séparer les activités vente et service, et plus précisément
de dégager les commerciaux de tout ce qui n'est pas vente. Dans la téléphonie,
les domaines d'énergie et de consommation (eau, gaz), l'automatisation sert à
diffuser l'information en libre-service ou encore à router l'appel vers le bon
interlocuteur, pour améliorer la productivité. Aujourd'hui, on s'intéresse
davantage à l'ergonomie du fonctionnement des automatismes. C'est un nouveau
défi, celui de formaliser la demande de l'appelant avec un maximum d'ergonomie.
Le nouveau langage de programmation “Voice-XML” permet de construire les
scripts des SVI suivant les règles de construction des sites internet. « Et
nous rencontrons aujourd'hui la même problématique pour le vocal que pour
Internet, remarque Nicolas Kaploun. Il faut limiter les choix à l'entrée du
serveur vocal, et garder très cohérent le “couloir” que le client va suivre
dans l'arborescence. Ce qui nécessite une bonne connaissance du métier de
l'entreprise. » Le traitement des mails dans les centres des contacts est aussi
“automatisable”. Chez les opérateurs de téléphonie, on constate qu'entre 10 et
20 % des mails abordent les mêmes questions. Préparer des formats prédéfinis
des réponses à l'usage des télé-opérateurs, c'est aussi un moyen d'augmenter la
productivité. L'analyse des mails se fait sur deux niveaux. Au premier,
l'ordinateur recherche des mots-clés et cherche à établir le contexte. Par
exemple, les mails contenant les mots “panne” ou “problème” seront dirigés vers
le service technique plutôt que vers le service commercial. L'automatisation du
traitement des mails s'applique plus facilement dans des services de support
technique, des entreprises de high-tech, des éditeurs de logiciels. Comme il y
a moins de choix dans les réponses, et donc moins d'erreurs à corriger par
l'opérateur, la hausse de la productivité peut facilement atteindre 40 %. Au
deuxième niveau, le logiciel proposera à l'agent une réponse préformatée.
Celui-ci va la valider, parfois la compléter ou bien en rechercher une autre
plus appropriée. D'ailleurs, pour faciliter la tâche, on peut aider
l'utilisateur à “formater” sa question au départ. Cela permet d'accélérer le
traitement sans pour autant supprimer la validation humaine. Chez les
opérateurs de téléphonie mobile, la question récurrente est “Est-ce que ma
région, ma ville, mon village sont bien couverts ?” Et la réponse type est…
d'envoyer par e-mail la carte de couverture. Rien de bien compliqué. Mais un
seul message contient souvent plusieurs questions. Une intervention de
l'opérateur devient alors obligatoire. « Dans une relation téléphonique, on
peut distinguer plusieurs niveaux d'automatisation avec un serveur vocal
interactif », remarque Michel Verel, P-dg de Vecsys, spécialiste du traitement
automatique de la parole. Selon son analyse, le premier niveau, le plus simple,
est celui d'un aiguillage rapide à l'aide de deux ou trois questions. Les
réponses sont données avec les touches du combiné en utilisant la technologie
DMTS. Au second niveau d'automatisation, on réalise le même aiguillage avec de
la reconnaissance vocale. “Voulez-vous avoir des informations sur le produit X,
des informations sur le produit Y ou bien parler à une opératrice ?” Idem pour
le choix de la langue par l'appelant. C'est une manière conviviale de remplacer
la “navigation” avec les touches du téléphone. Mais les réponses attendues
doivent être simples et bien distinctes pour que la reconnaissance fonctionne.
A un troisième niveau de sophistication des SVI, après un aiguillage initial,
la machine va essayer de cerner l'objet de la requête par un jeu de
questions-réponses et ensuite essayera elle-même de trouver la réponse adaptée.
Quelle proportion des appels peut-on espérer confier au traitement automatique
? « La part des appels traités automatiquement va dépendre de l'architecture
retenue. Le serveur vocal peut être placé en système frontal d'aiguillage des
appels, ou bien servir en gestion des débordements, répond Michel Verel. Pour
l'accueil téléphonique d'une mutuelle, les deux tiers des appels
“automatisables” sont effectivement traités de cette façon. Mais le tiers
restant demandera quand même l'intervention d'une opératrice. » Encore plus
loin dans l'utilisation des moyens informatiques, c'est l'ordinateur qui
retranscrit les conversations au centre d'appels pour essayer d'en retirer des
informations pertinentes autres que celles enregistrées par les télé-agents.
De manière invisible
L'ordinateur ne remplace pas
l'opérateur mais travaille en parallèle et de manière invisible, cela s'appelle
aussi “recherche d'informations diffuses”. Par exemple, chez un opérateur de
téléphonie mobile, l'ordinateur peut noter un nombre supérieur d'appels en
provenance d'une région géographique et avec comme objet “mes communications
passent mal”. C'est peut-être un signe avant-coureur d'une défaillance
technique. L'intérêt d'une telle recherche de termes redondants n'est pas
diminué par des erreurs possibles dans la “compréhension” par l'ordinateur. Les
erreurs pouvant se produire dans un sens comme dans l'autre, les résultats de
l'analyse statistique ne sont pas faussés. Par quoi débuter l'automatisation ?
« On peut commencer par automatiser le process basique et simplissime, celui
qui précède le décroché humain. C'est la machine qui répond, “bonjour”, avec le
message derrière - “je prends en compte votre demande, je m'occupe de vous” »,
répond Laurent Marcelis, directeur marketing adjoint chez Prosodie. Selon lui,
la deuxième étape automatisable, c'est l'établissement du contact : « Dites-moi
qui vous êtes et je vous donnerai accès à un contenu personnalisé, à votre
compte bancaire, etc. ». Là, il faut aussi établir un lien avec le système
d'information de l'entreprise, avec une base de données distante. Cette
automatisation peut être mise en œuvre partout où il existe une notion de
dossier personnel avec des informations privées, accessibles avec un code
secret. Dans les banques bien sûr, mais aussi à l'Unedic, la Sécurité sociale…
Autre secteur à automatiser, celui des services accessibles au grand public :
la météo, les horaires, les programmes… L'automatisation est naturellement
associée à des tâches à faible valeur ajoutée. Elle permet de revaloriser la
tâche des conseillers, les faisant intervenir uniquement sur des questions
nécessitant une vraie recherche, avec de l'intelligence et de la perspicacité.
En revan-che, il ne faut pas chercher à automatiser des processus avec une
démarche complexe. Par exemple, formuler une réclamation avec un outil de
synthèse vocale en face. Les résultats sont proprement dramatiques… « La
problématique de l'entreprise, c'est de savoir où mettre le curseur. A quel
moment doit-on arrêter de solliciter l'individu, à quel endroit lui proposer
une assistance par opérateur ? », s'interroge Laurent Marcelis.
A quoi va servir l'automatisation ?
Le deuxième volet de
l'automatisation concerne la distribution des appels selon la disponibilité et
la compétence des opérateurs. Ici, l'automate doit passer l'appel à l'homme ou
bien répondre sur occupation : “laissez vos coordonnées, on vous rappelle”.
«Demander les coordonnées du client et s'engager sur l'heure à laquelle on va
le rappeler, c'est merveilleux et cela produit un impact fort, s'exclame
Laurent Marcelis. Mais ça coûte aussi plus cher, car on doit réaliser des
appels sortants. Et que se passe-t-il si le client n'est plus disponible pour
répondre ? » On peut aussi envisager une automatisation de la démarche
commerciale du conseiller. Pendant l'appel, on peut afficher, sur son écran et
de manière automatique, les informations sur le contexte du client, sur le type
de marché, sur les offres disponibles pour ce marché, sur les promotions du
moment… C'est une vente assistée par ordinateur, avec une recherche sur le
contexte de l'appel. Une des conditions de la réussite de l'automatisation :
disposer d'un historique solide. La démarche participe à l'optimisation des
ressources en permettant d'avancer plus loin dans les ajustements. Ce qui
impose d'analyser des années et des années d'historique, et aussi des mois de
travail. Mais, cette condition n'est pas la seule qui doit être examinée dans
le projet. Les professionnels s'accordent pour dire que la question importante
est “à quoi va servir l'automatisation ?”. A réduire le nombre d'agents ? «
Non, plutôt à traiter plus d'appels quand on est déjà débordé ou quand on
prévoit de l'être rapidement par la croissance des activités », répond Emmanuel
Prouveze, directeur commercial d'Idylic. Une vision raisonnable de la chose.
Dans les faits, nombre d'entrepreneurs envisagent l'automatisation comme un
moyen de réduire les coûts salariaux. Oui, c'est une possibilité. Mais elle est
assortie de contraintes moins visibles. Comme la baisse de la qualité de
l'accueil téléphonique, ou encore l'insatisfaction croissante de la clientèle.
Il est facile de glisser au-delà d'une limite où le public ne perçoit plus les
serveurs vocaux comme un outil d'assistance, mais comme un moyen pour
l'entreprise de ne plus répondre en direct. Conséquence prévisible :
l'aliénation et la perte d'une partie de sa clientèle. Autant de raisons pour
dire : automatisation, oui. Mais déshumanisation, danger !
Vocal à la Maaf : pas si vite !
La Maaf s'intéresse aux technologies vocales. Après un test dans le département Vie du serveur vocal interactif développé en Voice XML par la société Idylic, l'entreprise réfléchit à des extensions possibles à l'ensemble du groupe Maaf Assurances.Sans s'engager sur une direction précise pour ce projet. « Nous avons effectué un petit test de serveur vocal sur Maaf Vie. Depuis nous sommes au stade de la définition des besoins, en amont des choix de solutions, témoigne Jean-Michel Courtiau, responsable des centres d'appels chez Maaf Assurances. Contrairement à ce qui pu être écrit dans la presse, aucune décision n'a été prise et, à vrai dire, nous n'en sommes pas encore à ce stade.A la prochaine étape nous allons chiffrer nos attentes financières, choisir les axes et la typologie des réponses. Ensuite seulement il sera question du choix des fournisseurs. »
La reconnaissance vocale… limitée
La reconnaissance vocale n'affiche pas encore de résultats satisfaisants. On est très loin des promesses des constructeurs. Quel impact pour les centres d'appels qui cherchent à s'automatiser ? « Jusqu'à présent,la reconnaissance vocale ne marche pas de façon probante, pas à l'échelle désirée, confirme Emmanuel Prouvèze, directeur commercial d'Idylic, éditeur de solutions en langage V-XML. A qui la faute ? Pour comprendre les succès et les échecs de l'automatisation, il faut surtout ne pas mélanger le langage V-XML et les technologies de reconnaissance vocale. » Selon lui, bien souvent l'échec d'un projet est dû à sa trop grande sophistication. Or, en la matière, tout n'est pas faisable. « Par exemple, la reconnaissance en langage naturel ne marche pas. Mais la reconnaissance d'un mot clé parmi vingt ou cinquante mots prédéfinis, ça peut marcher, observe Emmanuel Prouvèze. 95 % de nos clients n'utilisent pas et ne demandent pas à utiliser aujourd'hui la reconnaissance vocale. »Parmi les usages exceptionnels, il cite la reconnaissance du nom de la ville d'appelant, plus rapide que de saisir son code postal avec les touches du combiné. Aujourd'hui, on ne peut pas entièrement confier une opération à une machine à reconnaissance vocale et sans contrôle humain. Pas encore. Pour cela, il faut attendre que les ordinateurs soient beaucoup plus puissants et les logiciels un peu plus perfectionnés. ça viendra.