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"L'affaire" Euro-CRM : « On vient émarger, on joue aux cartes, on boit des cafés »

Début septembre, les quelque 200 salariés du site d'Euro-CRM au Kremlin-Bicêtre étaient toujours incertains quant à leur avenir.

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Le 26 juin dernier, les salariés d'Euro-CRM se rendant, comme tous les jours, sur le centre d'appels de l'outsourcer au Kremlin-Bicêtre, constatent que les portes sont non seulement fermées, mais confiées à la vigilance de cerbères en uniforme. La veille même, on avait informé les quelque 200 salariés de la cessation de leur travail au sein d'Euro-CRM, leur annonçant qu'ils devaient se présenter, la semaine suivante, aux bons services de leurs nouveaux employeurs, en l'occurrence Multilignes Conseil à Paris et Intracall Center à Amiens. Virés, du jour au lendemain. Comment en arrive-t-on à des pratiques à ce point indignes ? Sur le site du Kremlin, Euro-CRM gérait jusqu'à l'été dernier, des opérations de télémarketing pour le compte de Noos, opérateur câble et internet du groupe Suez. Or, au mois de mars, Noos a manifesté l'intention de lancer un appel d'offres auprès des outsourcers. Appel d'offres autour de trois lots : gestion des rendez-vous d'installation et de services après vente, gestion des appels entrants sur le Numéro Vert, émission d'appels. Neuf sociétés auraient répondu à cette procédure. A laquelle Euro-CRM n'a pas souhaité souscrire (les relations entre le donneur d'ordres et le prestataire n'étaient pas, semble-t-il, des plus sereines).

Le tribunal de Créteil donne raison aux syndicats


Le 1er juillet, l'activité était effectivement prise en charge par les deux gagnants de l'appel d'offres, ICC et Multilignes. La gestion des rendez-vous et des appels entrants étant déportée sur Amiens et l'émission d'appels traitée dans le XVe arrondissement de Paris. Seulement voilà, entre temps, pas d'avertissement officiel auprès du comité d'entreprise, pas plus de discussion en vue de définir les modalités d'un quelconque plan social, la direction d'Euro-CRM évoquant simplement, fin juin, la suppression d'un peu plus de 80 emplois. Après deux manifestations devant les sièges sociaux de Noos et d'Euro-CRM, le tribunal de grande instance de Créteil, saisi par la CFDT et la CGT, a condamné le 18 juillet la direction d'Euro-CRM à respecter la législation du travail. Exigeant de fait de l'outsourcer de "convoquer son comité d'entreprise à une réunion d'information et de consultation sur la perte de sous-traitance de Noos" et rappelant que la direction d'Euro-CRM ne peut en aucun cas modifier ou rompre les contrats de travail liés à la perte du contrat Noos avant que la procédure d'information et de consultation ait été respectée, sous astreinte de 10 000 E par infraction constatée. La menace semble efficace. Le 31 juillet, lors d'une rencontre entre le CE et la direction - la première depuis le début de l'affaire -, il est décidé de faire revenir le personnel au sein de l'entreprise, pour pointer. « Depuis, on vient émarger, on joue aux cartes, on boit des cafés », commentait fin août Juliette Alves, secrétaire adjointe au comité d'entreprise. Selon cette dernière, sur les presque 200 personnes réellement concernées par cette cessation d'activité (quelques téléconseillers travaillaient en délégation), on ne comptait pas encore, fin août, de transferts effectifs vers ICC ou Multilignes. Ce que confirme, pour sa partie, le P-dg d'Intracall Center. « Nous avons ouvert un bureau, ainsi qu'un numéro d'appel et un numéro de fax. Nous avons également rencontré en juillet, à Paris, des salariés d'Euro-CRM. Nous sommes disposés à en accueillir », souligne Eric Dadian, qui explique toutefois que l'évolution de cette affaire, en ce qui concerne sa société, reste soumise à l'application ou non de l'article L 122-12 du code du travail. Article prévoyant qu'en cas de transfert d'activité, les effectifs soient repris par l'entreprise en héritant. « Quand il y a changement de prestataire, et a fortiori lorsque ce changement fait suite à un appel d'offres, il n'y a pas obligation d'appliquer les dispositions de l'article L 122-12 », précise David Jonin, avocat à la cour spécialisé en droit social (cabinet Gide Loyrette Nouel). A fortiori si l'activité externalisée n'est pas absolument la même que la précédente. Ce qui, semble-t-il, n'est pas évident ici. Quoi qu'il en soit, chez Intracall Center, l'activité de réception pour le compte de Noos a bien démarré. Contactée, la direction de Multilignes Conseil n'a pas répondu à nos sollicitations. Concernant l'avenir des salariés d'Euro-CRM, rien de bien sûr. D'autant moins que, selon le comité d'entreprise, "la direction a parlé de l'éventualité d'un recasement sur de nouvelles opérations ". Egalement contactée, la direction d'Euro-CRM n'a pas répondu à nos demandes d'information. Toujours est-il que, le 5 septembre dernier, les salariés n'avaient pas reçu leur salaire et que la tension était à son comble, avec dépéchage de forces de l'ordre devant les portes de l'outsourcer. Selon la CFDT et la CGT, la direction aurait indiqué que les liquidités de la société étaient insuffisantes...

Muriel Jaouën

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