L'E-CRM tente une percée en France
Le cabinet Arthur Andersen vient de réaliser une étude sur la perception du CRM et de la Nouvelle Economie au sein des entreprises. Si l'intérêt est bien là, peu de sociétés ont déjà implanté de véritables solutions de customer relationship management. Pourtant, personne ne peut faire l'impasse sur la relation client.
Aux Etats-Unis, le modèle de la Nouvelle Economie, matérialisée par les
procédures de e-business, est déjà une réalité. D'après une étude de Forrester
Research, réalisée auprès de grandes entreprises américaines, 48 % d'entre
elles estiment que l'e-business aura une importance vitale pour leur activité
dès cette année, 23 % pensent que ce sera le cas l'an prochain. « Là-bas, nous
ne sommes plus dans une situation de réflexion sur l'e-business », affirme
Pierre Carron, associé gestion capital client chez Arthur Andersen Business
Consulting (1). Dans le domaine du B to B, Extranet, workflow et e-procurement
(2) sont opérationnels. Côté B to C, banques en ligne, ventes de voitures sans
intermédiaire et sites de ventes aux enchères fleurissent. « Dans les anciens
modèles, le client n'était pas au centre de l'intérêt des entreprises.
Aujourd'hui, le contexte a changé. Le marketing de masse est moins efficace »,
ajoute Pierre Carron. En revanche, les nouveaux canaux de communication que
sont les centres d'appels et l'Internet permettent à Arthur Andersen d'annoncer
l'avènement du e-CRM. « 20 à 30 % des relations clients se feront sur le Web
d'ici deux ou trois ans », prédit Bruno Tabourin, manager gestion du capital
client. Mais on peut aussi objecter que le CRM, qu'il soit électronique ou pas,
n'est qu'un nouveau concept un peu fumeux. Le cabinet de consulting estime,
pour sa part, que « derrière la formulation à la mode, se cache un véritable
tremblement de terre ».
Le prix détrôné
D'où cette
étude qui cherche à alerter les responsables d'entreprise sur le virage actuel
qu'il va falloir négocier en souplesse. Visiblement, les critères de décision
du client ont changé. D'après Arthur Andersen, le prix ne vient plus qu'en
dernier en termes de choix (10 %), alors que le service et les caractéristiques
du produit emportent 35 % des suffrages de cette étude menée sur un panel de 8
000 consommateurs. Suivent la rapidité (25 %), l'accès et la praticité (15 %),
le relationnel (15 %). Rapidité et faible coût, ce sont justement les deux
avantages majeurs de l'Internet. Selon Forrester Research, le coût moyen par
contact client d'une visite de commercial coûterait aux Etats-Unis plus de 500
dollars (3 500 francs), contre 65 dollars pour un centre d'appels (450 francs)
et seulement moins de 5 dollars (35 francs) pour un site Web. Bien sûr, ces
chiffres concernent l'économie américaine, et il n'est pas évident qu'ils
soient transposables tels quels sur le marché européen. Néanmoins, c'est une
vraie tendance qui oblige les sociétés à réfléchir à leur structure de
distribution. En France, IDC a interrogé, en avril dernier, une cinquantaine
de grandes entreprises. Et là, on mesure la différence. Seuls 23 % de ces
sociétés ont engagé une réflexion ou un chantier concernant les procédures CRM,
45 % ne se sentent pas concernées et, parmi celles-ci, la moitié ne "cernent
pas bien le concept même de CRM". Le cabinet conseil tempère ces chiffres en
précisant que beaucoup d'entreprises interrogées n'ont pas désiré communiquer
sur ce sujet stratégique. Reste qu'une grande entreprise française sur cinq ne
voit pas la relation client comme un concept prometteur, ni comme un concept du
tout. Et, selon les deux consultants de la division business consulting,
l'avenir de ces 20 % là ne s'annonce pas radieux. De plus, les entreprises qui
ont jugé bon de s'équiper d'outils de CRM, centres d'appels ou outils logiciels
de front office, sous-utilisent leurs équipements. « On choisit des solutions
parce qu'elles sont complètes mais on ne les utilise pas », explique Bruno
Tabourin. Un constat qui ne suffit pas à expliquer cette réticence vis-à-vis du
modèle de la Nouvelle Economie. Le facteur humain intervient fortement. Si la
décision de lancer un projet CRM est prise pour moitié par des directions
générales, le département informatique pèse encore lourd dans ce choix, alors
qu'il ne représente que 11 % de réponses dans l'étude IDC. Arthur Andersen
estime que l'orientation trop technologique donnée aux projets de gestion de la
relation client vient des directions informatiques. Et cette coloration déplaît
fortement aux forces de vente, peu habituées à suivre des procédures
automatisées, et encore moins à partager les informations. « Aux Etats-Unis, il
est normal pour un commercial d'envoyer des rapports au siège en suivant un
process automatique », avance l'étude. En France, la méthode passe mal. Les
entreprises qui ont sauté le pas du e-CRM ont à 65 % une stratégie de
fidélisation et de conquête. Par contre, 9 % seulement estiment que les
procédures CRM vont créer directement de la valeur. Autrement dit, le fameux
capital client n'est pas encore le bon moyen pour réaliser des profits. La
Nouvelle Economie a un long chemin à parcourir avant de détrôner les magasins
et les équipes de vente. Ainsi, toujours selon l'étude IDC, 98 % des sociétés
équipées ou ayant un projet CRM possèdent une force de vente directe et 73 % un
réseau points de vente. Les call centers font une percée significative dans les
autres canaux de commercialisation. Mais ils sont encore peu utilisés pour
améliorer le service client. Ceux qui ont acquis une solution de front office
l'ont fait majoritairement auprès d'éditeurs français, prouvant que les acteurs
locaux ont leur place sur ce marché, malgré les annonces répétées de fusions et
de rachats parmi les acteurs anglo-saxons. Néanmoins, l'intégration des outils
informatiques, comme les ERP et les logiciels de front office, n'est une
réalité que pour 2 % des entreprises interrogées ! Enfin, le e-commerce dont
on parle tant n'est pas encore réellement assimilé par les sociétés françaises.
Arthur Andersen a établi une grille d'évaluation des critères indispensables à
la satisfaction du client. La "génération e-CRM", quatrième et dernière étape à
atteindre, n'est composée que de cinq entreprises parmi une cinquantaine de
candidats au prix de la satisfaction client décerné depuis cinq ans par le
cabinet.
Virgin, Vivendi et PPR
Ces exemples de la
génération e-CRM présentent quatre caractéristiques communes. Primo, ces
entreprises sont devenues des sociétés de service. Service et qualité de la
relation sont les deux leviers de principaux de différenciation. Deuzio, elles
créent un capital de sympathie très fort autour de leur marque. Exemple :
Virgin qui a commencé en vendant des disques et commercialise maintenant des
voyages, du cola et, demain, de l'Internet. Tertio, elles tissent des
partenariats avec d'autres entreprises mieux à même de rendre le service
attendu. Illustration en France avec Vivendi et le groupe PPR dans les portails
Web. Quatro, ces entreprises ont développé une stratégie 100 % orientée client,
articulée en trois points. : j'identifie une attente client, j'annonce que le
service correspondant sera disponible rapidement, je fais en sorte de tenir ma
promesse car, si je déçois, tout s'effondre. Autant dire que ce comportement
"natif" chez les start-up actuelles est encore bien loin des préoccupations des
entreprises dites "traditionnelles", par opposition aux supporters du
e-business. Mais la conclusion du cabinet reste optimiste. Les consultants
citent France Télécom comme la réussite du e-CRM. Son président, Michel Bon,
formé à la dure école de la grande distribution chez Carrefour, veut faire de
l'ancien monopole "l'entreprise de service de référence des Français". Verdict
d'Arthur Andersen : cet objectif ambitieux sera un succès car France Télécom
"fait de la démarche d'e-CRM un projet d'entreprise piloté par le top
management". (1) Arthur Andersen (70 000 consultants, 100 000 clients) vient
de se scinder en sept départements, parmi lesquels la division Business
Consulting. En France, celle-ci emploie 300 collaborateurs, dont une équipe CRM
composée de 15 associés et directeurs. (2) Les Extranet sont des réseaux
sécurisés qui relient les entreprises avec leurs fournisseurs et partenaires.
Le workflow est une assistance au travail partagé. Le e-procurement consiste à
réaliser ses achats internes ou externes via l'Internet.
Les quatre leçons pour l'avenir
Arthur Andersen a listé quatre points essentiels pour réussir sa démarche e-CRM : - Dépasser la technologie. Les outils ne sont que des outils et doivent être considérés comme tels. - Aller au fond des choses. L'e-CRM est une démarche globale qui engendre des choix, implique une nouvelle manière de réaliser des affaires et oblige à gérer le facteur humain. - "Think big, start small" ou "pensez grand, commencez petit". Il faut lancer des projets permettant d'atteindre des résultats positifs rapidement. - "Raisonner start-up". Accepter les remises en question permanentes pourvu qu'elles ne remettent pas en cause l'objectif. Soit créer de la valeur en gérant le capital client.