L'E-BUSINESS comme vocation première
Comment définiriez-vous le centre d'appels d'IBM ?
Antoine Dumas. - Il s'agit d'un centre de services à la
disposition de l'ensemble des clients, des prospects et des partenaires d'IBM.
Nous fonctionnons comme une société de service interne à l'entreprise, en
relation permanente avec les différentes directions, avec lesquelles nous
travaillons sur la base de contrats.
Quelle est la vocation du centre ?
Elle peut se résumer sous le terme d'e-business.
C'est-à-dire un ensemble de moyens techniques et humains destinés à faciliter
les relations et les affaires. Nous avons trois objectifs essentiels : la
satisfaction des clients, la génération de revenus et l'optimisation des coûts.
L'activité de relation à distance remonte en fait à 1982. Mais sa déclinaison
sous cette forme a été décidée en 1994. La direction générale d'IBM nous a
demandé de nous organiser autour de deux axes stratégiques : la qualité de
l'accueil et de la prise en charge, et la contribution aux résultats de
l'entreprise. Le télécentre IBM Direct a mis en œuvre cette stratégie dès
1995.
Comment s'organise le traitement des appels ?
Les 350 téléconseillers sont affectés à 60 % à l'information et à 40 % à des
fonctions commerciales. Dans son fonctionnement, le centre doit répondre à
quatre grandes familles de missions : l'accueil, la prise en charge, la
qualification et la fidélisation.
Avez-vous institué une échelle de valeur entre ces quatre impératifs ?
La mission de base est
clairement l'accueil. La gestion des flux se fait vingt-quatre heures sur
vingt-quatre et sept jours sur sept. Ce qui ne signifie pas que le personnel
est nécessairement présent pour tous les types de flux sur cette plage horaire.
Si c'est le cas pour l'après-vente, pour d'autres types de demandes nous
utilisons un serveur vocal interactif en dehors des plages horaires de présence
du personnel. Outre le respect de nos critères d'accueil, nos collaborateurs
doivent intégrer, sur un même plan d'exigence, les trois autres missions du
télécentre. Ce qui induit une dimension de multi-compétence... Effectivement :
nous nous devons de traiter 70 % des demandes lors du premier contact. La
diversité des interrogations qui nous sont soumises, des plus simples aux plus
complexes, implique une politique volontariste en termes de formation
permanente et d'adaptation continuelle aux nombreuses campagnes de marketing
direct. En 1997 par exemple, IBM a mené en France quelque 600 actions de
marketing direct. Chacune des actions doit être déclinée de façon spécifique au
niveau de notre centre. Quant aux trois demandes sur dix qui ne sont pas
traitées dès le premier niveau, il s'agit généralement de demandes techniques
relevant de spécialistes d'autres organisations.
En quoi consistent la qualification et la fidélisation ?
Pour chaque demande, nos
téléconseillers doivent d'abord assurer la qualification du contact, puis du
besoin qui sous-tend la demande, afin de détecter les opportunités commerciales
qui seront traitées par nos partenaires. Nous jouons ainsi le rôle du service
consommateurs d'IBM France et prenons en charge les réclamations de nos
clients. Les données que nous recueillons sont exploitées par nos services
d'analyse statistique qui, grâce aux techniques de datamining, nous permettent
de mieux appréhender les données du marché.
Les objectifs commerciaux du centre d'appels induisent forcément l'établissement de critères en termes de productivité. Quels sont-ils ?
Il existe bien sûr des
normes. Mais ces normes sont construites avec nos équipes et non imposées. Je
m'explique. En aucun cas nous n'avons établi de règles a priori sur le volume
d'appels que les délégués commerciaux devraient traiter sur un laps de temps
donné. Notre manière de procéder est inverse : la norme est constatée par la
pratique opérationnelle. Elle évolue en fonction des plans que nous bâtissons
avec chaque équipe en vue d'améliorer les performances globales du centre.
Lorsqu'un collaborateur intègre le centre d'appels, il utilise un outil
d'éducation associée par ordinateur qui lui permet de disposer d'une
cartographie neutre et personnelle à partir de laquelle on pourra fonder son
plan de formation initiale. Celui-ci s'élabore à partir de l'attribution de
huit notes. Cette formation initiale dure en moyenne un mois et demi. Mais nous
considérons qu'un téléconseiller n'est véritablement autonome qu'au bout d'un
an et demi.
A raison de combien d'heures de formation continue ?
Dix jours par an au minimum ; cela peut être beaucoup plus
important. Et je n'inclus pas les séances de lecture, d'une demi-heure à trois
quarts d'heure par semaine (c'est à la discrétion de chacun) que nous avons
mises en place pour permettre au personnel de prendre connaissance du marché à
partir d'une pige des médias. En fait, la formation continue n'est que
l'expression de notre politique générale de ressources humaines qui repose sur
la notion d'engagements individuels pris par les collaborateurs. Nous avons
développé un système de coaching dans le cadre duquel chaque collaborateur fait
l'objet d'un suivi personnalisé. L'idée est de permettre à chacun de bien
connaître ses points forts et ses points faibles. A partir de quoi il ou elle
pourra prendre des engagements précis dans tel ou tel domaine. Le rythme de ces
séances de coaching est adapté à chacun : toutes les trois semaines ou tous les
trimestres selon les cas. Si un engagement n'a pas été tenu, une nouvelle
réflexion s'engage entre le superviseur et le collaborateur pour permettre une
progression dans le cadre d'un engagement plus adapté.
Sur quelle base s'établit le système de mesure ?
Il s'agit d'un système
dual. Il englobe la mesure du service rendu, à savoir la dimension objective,
mais aussi la mesure du service perçu, c'est-à-dire la valeur subjective. Il
s'agit de donner à chaque collaborateur l'image la plus complète de la
prestation qu'il sert aux personnes avec lesquelles il est en relation.
Comment recrutez-vous vos collaborateurs ?
Selon trois
canaux. Le recours aux forces en interne, qui représente 80 % de notre
recrutement, le recours au marché du travail, le recours à des prestataires
extérieurs, à qui nous confions tel ou tel aspect de notre activité. Si nous
accordons au recrutement interne une telle place, c'est d'abord que nous
considérons la connaissance de l'entreprise et de ses offres comme une
dimension essentielle de ces métiers. Par ailleurs, le mixage des équipes (en
termes de connaissances et parcours préalables) permet des échanges culturels
qui favorisent nos activités.
Pourquoi avoir choisi la région orléanaise ?
Nous sommes à Saint-Jean de Braye pour des raisons
historiques. IBM est implanté dans la région et le département de ventes
directes s'y était installé en 1982. Nous sommes d'ailleurs l'un des premiers
employeurs de la région.
Cette implantation en province ne génère-t-elle pas quelques difficultés dans le recrutement ?
La
culture du mouvement fait partie intégrante de la culture d'entreprise. Par
ailleurs le développement de l'e-business favorise ce mouvement. Nos ingénieurs
commerciaux sont d'ailleurs eux-mêmes des « nomades ». De plus, les personnels
d'IBM ont l'habitude de changer d'activité, voire de métier. Aujourd'hui, nous
évoluons dans le cadre mondial d'un des processus majeurs d'IBM : « Customer
relationship management ». Cette stratégie se décline de façon adaptée à chaque
situation locale. Ainsi, aux Etats-Unis, l'ensemble des ressources télécentre a
été concentré sur trois sites. En Europe, nous disposons actuellement de treize
centres qui devraient se regrouper en trois ou quatre. De toutes les manières,
la place de la technologie dans ce type d'activité est tellement centrale que
les questions relatives à la masse critique ne peuvent que se poser de façon
plus importante. On peut d'ailleurs s'interroger sur la viabilité des petits
centres.
C'est cette dimension technologique qui vous semble caractériser au premier chef l'évolution des centres d'appels ?
Les centres d'appels ont entamé un mouvement vers une approche multimédia de la
relation clientèle. Chez nous, Internet représente déjà 20 % des demandes
entrantes. La personnalisation de la relation suppose une intégration de
l'ensemble des vecteurs de communication : voix, données, image. Nous
développons aujourd'hui un service de visio-conférence personnelle permettant
aux interlocuteurs de se voir, de s'entendre, d'échanger des fichiers et de
modifier en temps réel des documents. L'accueil fait à ce service montre qu'il
correspond à un réel besoin. La technologie constitue donc l'élément pivot de
la relation à distance. A condition toutefois de ne jamais négliger la
dimension humaine.
Biographie
Antoine Dumas, 46 ans, a fait toute sa carrière chez IBM France. Il entre dans l'entreprise en intégrant les services informatiques, prend ensuite la charge des questions d'organisation au sein des services de gestion commerciale. Il rejoint en 1995 la direction du marketing direct au sein de laquelle il monte le centre de relations clients d'IBM en France, dont il est le responsable.
Le télécentre d'IBM en quelques chiffres
Le centre d'appels d'IBM emploie 350 personnes. L'âge moyen y est d'à peine 35 ans. En 1995, 428 000 demandes ont abouti sur la structure (66 % via le téléphone, le reste via le courrier, le fax et l'e-mail). Le trafic est passé à 1 365 000 demandes en 1996 (dont 70 % par le téléphone et 17 % par Internet) et à 2 700 000 en 1997 (70 % par le téléphone et 20 % par Internet). L'objectif, à terme, pour IBM, est d'enregistrer 4,5 millions de demandes par an. Et d'assurer un trafic global (réception et émission) de 8,1 millions d'appels. La durée moyenne d'attente avant décroché est de 6 secondes, le taux d'abandon de 2 %. Le temps moyen des communications est de 4 minutes. Mais les appels peuvent durer de 50 secondes à plus de 10 minutes.