Jean-Noël Grandval (InStranet) « Mettre la connaissance au service de l'interaction client »
Fournisseur de solutions de gestion de la connaissance, InStranet a développé en 2003 une application dédiée aux centres d'appels. Objectif : améliorer le processus de diffusion d'informations opérationnelles, ainsi que l'explique son directeur de la zone Europe et Asie.
Quel est l'enjeu de la gestion de la connaissance en entreprise ?
Jean-Noël Grandval : Aujourd'hui, les entreprises qui ont déjà
mis en place différents réservoirs de connaissances peuvent rencontrer des
difficultés pour mettre en phase les personnes qui sont à la source de la
connaissance et les utilisateurs. Cette rupture, que les Américains appellent
une “douleur”, illustre le besoin d'avoir un référentiel unique de
connaissance.
Comment procéder au sein d'un centre de contacts ?
J-N G : Notre approche consiste à fournir une base de
connaissances pour le centre d'appels, adaptée au contexte de chaque appel,
c'est-à-dire selon différents critères, tels que le profil du client, son motif
d'appel, et selon la compétence de la personne qui reçoit l'appel. En
simplifiant - car on peut aussi croiser ces données avec une approche métier -,
il s'agit de critères liés à l'appelant d'une part et au répondant de l'autre.
S'agit-il du concept de pilotage “pas à pas” des appels ? J-N G : Oui. L'idée
est en effet de profiter de l'opportunité de parler avec un client pour
récupérer une partie de la connaissance et pour lui fournir, dès le premier
contact, une réponse complexe. Dans cette approche, on analyse ce que l'agent
du centre de contacts répond pour passer à chaque étape suivante. Via ces
solutions, l'objectif est d'augmenter ce que les Anglais appellent le “first
call resolution”. Les Français parlent, pour leur part, d'une réduction du taux
de réappels.
Pourquoi faut-il réduire le taux de réappels ?
J-N G : Dans l'industrie des télécommunications, par exemple, les
statistiques montrent qu'un client, qui n'a pas de réponse lors de son premier
appel, génère 3,8 appels supplémentaires. Compte tenu des enjeux de
satisfaction des clients et de productivité des centres d'appels, l'intérêt est
manifeste. L'agent productif pourra passer d'un mode de résolution et de
réponse aux questions à un mode de propositions prédéfinies pour un type de
client donné.
Parler de proactivité des centres, n'est-ce pas une vue de l'esprit ?
J-N G : Il y a un an, nous n'avions pas
d'exemples concrets. Tout le monde parlait des processus de ventes croisées,
dites “up sales” et “cross sales”. Certains clients avaient fixé des objectifs
à leurs conseillers, mais c'était du domaine de l'empirique. Actuellement, et
en particulier dans notre clientèle d'institutions financières, et ce plus aux
Etats-Unis qu'en France, des clients élaborent leur processus de base de
connaissances avec des objectifs de vente fixés au centre d'appels, en
utilisant des indicateurs, tels que le nombre de produits détenus par
l'appelant.
Des différences existent-elles entre les pays latins et anglo-saxons ?
J-N G : Dans les pays anglo-saxons, il existe
une démarche très proactive avec des sociétés qui sont parfois assez agressives
d'un point de vue publicitaire. Dans le métro londonien, par exemple, les
clients sont attirés par un numéro de téléphone sur des offres de crédits. En
France, on va davantage se situer dans une démarche de gestion de clientèle.
Avec cependant un objectif commun : fidéliser le client et lui vendre des
produits additionnels.
Quel rôle jouent les solutions de base de connaissances ?
J-N G : Les bases de connaissances se justifient
si l'entreprise doit faire face à des processus compliqués. Sans complexité,
l'entreprise n'a pas besoin de telles solutions. En revanche, quand
l'information sur les offres de produits ou de services évolue régulièrement,
quand l'entreprise dispose de nombreuses procédures et est soumise à des
réglementations… alors, ces solutions jouent un rôle important. Il faut en
effet, dans ces cas, faire en sorte que le conseiller dans le centre d'appels
puisse répondre à des réponses très volatiles, mais avec des processus
systématisés et gérés de manière efficace.
Ont-elles évolué ces dernières années ?
J-N G : Oui. Au départ, les bases de
connaissances étaient en quelque sorte des bases documentaires dans lesquelles
on stockait de l'information et sur lesquelles on appliquait des moteurs de
recherche. On a commencé à stocker la connaissance pour les agents dans les
centres d'appels il y a environ sept ans. Néanmoins, ces réservoirs de
connaissances n'étaient pas organisés et sécurisés de manière à être utilisés
simplement. C'est seulement depuis deux ans que l'on constate ce besoin de
gérer la connaissance, de la même manière que l'on va gérer d'autres processus,
tels que les achats ou la logistique.
A quel degré le centre d'appels est-il impliqué ?
J-N G : L'approche de la gestion des
connaissances peut être très vaste et est en train de devenir, au niveau des
directions générales, un sujet à part entière. Cette préoccupation provient
essentiellement de la réussite d'entités très opérationnelles. Ainsi, dans
l'entreprise, les centres d'appels qui ont des besoins importants
d'informations provenant de différents services sont, au niveau de leurs
équipes opérationnelles, en demande de solutions de gestion de connaissances.
Le centre d'appels joue le rôle d'un centre de gravité. Il fédère la
mutualisation et l'utilisation de la connaissance avec d'autres canaux
d'interaction clients, tels que les points de vente, par exemple.
Que garantit ce type d'applications ?
J-N G :
L'objectif est de garantir à la personne qui appelle le centre de contacts une
réponse uniforme et qu'il en sera de même dans le point de vente du coin de la
rue ou sur le site web ! Souvent, c'est un audit qui déclenche la prise de
conscience de ce besoin d'uniformisation des réponses. Les entreprises
identifient une baisse de leurs résultats dans leurs enquêtes de satisfaction
et constatent que leurs compétiteurs sont plus performants.
Sans base de connaissances, un centre de contacts est-il limité ?
J-N
G : Dans les centres d'appels, avant qu'ils ne mettent en place ces outils, on
rencontre quasi systématiquement une difficulté qui est celle du maintien de
l'information à jour. L'autre limite, c'est que ces centres ne profitent pas du
tout de la connaissance que peut collecter l'agent. En étant toute la journée -
70 à 80 appels par jour - au contact du client, le conseiller est à même
d'alimenter les bases et d'apporter un retour sur ce qui peut être amélioré.
L'information collectée par le téléacteur est-elle prise en compte ?
J-N G : Tout un système de traitement des feedback permet
d'associer chaque commentaire à un type de connaissance. Plutôt que de
favoriser la remontée d'information par e-mail, par exemple, l'agent est
incité, pas à pas, à donner son avis sur l'intérêt de l'information qui lui est
fournie pour répondre à la demande du client. Il est également interrogé sur
les moyens d'améliorer cette information.
Cette remontée est-elle suscitée par sondage ?
J-N G : Non, le téléacteur est
systématiquement amené par le système de navigation à aller sur la touche
“commentaire” en dehors de son temps d'appels. Le feed-back est organisé de
manière à ce que le téléacteur soit aidé et que, s'il envoie des commentaires,
il obtienne des réponses qui vont l'aider.
Quelles sont les implications sur les téléacteurs ?
J-N G : Les téléacteurs
contribuent eux-mêmes à améliorer la connaissance. Le travail est donc enrichi.
Lorsque l'on fait des enquêtes auprès des agents, on voit des taux de
satisfaction qui augmentent. On débute par des phases pilotes et les effets
positifs se font sentir rapidement. L'agent devient contributeur et va rentrer
dans un système où il va se former lui-même en “interagissant” avec la
connaissance.
Quelles conséquences organisationnelles engendrent les bases de connaissances ?
J-N G : L'organisation doit pouvoir
évoluer de manière très flexible. Le processus est itératif. Ainsi, dans la
première étape, l'organisation n'est que très peu modifiée. En revanche, dès le
départ, la connaissance est restructurée au sein de l'entreprise. Elle est
organisée pour être utilisée dans un contexte d'appels et d'interaction client.
Le but est d'intégrer l'expérience client dans la connaissance utilisée, plutôt
que de faire du “copier coller” d'informations qui existent au format
électronique sur différents intranets. La phase d'initialisation constitue
l'opportunité de réfléchir et de définir des structures de documents adaptées à
l'interaction client.
Vous partez donc ex nihilo ?
J-N G : Oui, pour bâtir la structure de l'information. Il s'agit en effet de
réaliser une solution qui est développée sur-mesure. Sous forme d'atelier, des
groupes de travail retracent les informations dont ont besoin les opérateurs et
ils programment les applications en conséquence. Au bout de quatre semaines,
l'information est structurée et, ensuite, la base de connaissances est mise en
ligne et testée.
Quels gains peut-on attendre d'une base de connaissances ?
J-N G : Nous faisons avec nos clients une analyse
des coûts et des bénéfices. Les axes principaux de création de valeur sont
essentiellement induits, aujourd'hui, par la réduction des dépenses. C'est
essentiellement le gain de temps au niveau de la recherche de l'information qui
va augmenter l'efficacité du centre de contacts. Par ailleurs, l'utilisation de
bases de connaissances génère des processus de ventes additionnelles. Les
bénéfices liés à la qualité de l'information sont également importants pour le
centre d'appels.
En moyenne, à combien s'élève l'investissement ?
J-N G : L'ordre de grandeur à retenir, en termes
d'investissement, est de 500 euros par position. Les coûts sont néanmoins
variables en fonction de la complexité des projets.
Ces solutions sont souvent critiquées pour leur complexité. Qu'en pensez-vous ?
J-N G : Ce reproche est adressé aux solutions de première génération, la
complexité venant du trop-plein de connaissance disponible. Trop d'information
tue l'information et le moteur de recherche ne peut pas tout résoudre.
L'objectif est que l'application de base de connaissances intègre tout le
processus, de la création de la connaissance à son utilisation par le centre.
Nous sommes un fédérateur entre les propriétaires de l'information et les
utilisateurs de cette information.
Qui doit être responsable de l'information dans un centre d'appels ?
J-N G : Nous constatons
que c'est le responsable de la qualité et des processus qui est, en général, le
responsable de la base de connaissances. Bien sûr, le responsable du service
client a un rôle déterminant à jouer pour mettre ces processus en place et pour
améliorer la fluidité des informations.
Les centres d'appels vont-ils massivement s'équiper ?
J-N G : Le marché évolue de
manière forte et le nombre de projets en cours croît. En France, nous avons
équipé environ 20 000 téléconseillers avec ce type d'applications, et il y a
matière à équiper au moins la moitié des 180 000 téléconseillers que compte la
France. Parallèlement, le taux d'utilisation par les téléconseillers d'une
base, toujours plus complète, devrait également augmenter.
Biographie
DJean-Noël Grandval 48 ans. Ingénieur des Travaux Publics. Master Administration des Entreprises à l'IAE d'Aix-en-Provence. • 1987-1993 : Oracle. Création de la région Sud-Ouest, puis responsable au comité de direction d'Oracle France de la division banque assurance. • 1993-1999 : Business Objects, éditeur de logiciels de Business Intelligence. Directeur général France, puis France et Europe du Sud. • Mai 1999 : InStranet. Cofondateur avec Alexandre Dayon. Directeur de la zone Europe et Asie..
InStranet
• Société américaine, dont le siège est à Chicago. • La R&D est traitée en France. • 50 salariés. • Chiffre d'affaires réalisé à 50 % en Europe et à 50 % aux Etats-Unis. • Références clients sur l'application de base de connaissances pour centre d'appels : Orange, SFR, Cegetel, Wanadoo, TPS…