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Internet bouleverse les chaînes de valeur

Depuis deux ans, l'AFRC et Orange Business Services commandent au cabinet Nexstage une étude, baptisée «Vision dirigeants». Cette année, l'enquête se penche sur les perspectives d'évolution de la relation client liées à Internet et au mobile.

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- Quelle est la vision stratégique des entreprises sur la relation client via Internet? Pour répondre à cette question posée par l'AFRC et Orange Business Services, Nexstage a réalisé une étude qualitative baptisée «Vision dirigeants». Laurent Deslandres, directeur associé du cabinet, observe tout d'abord une rupture en termes de comportements et d'attentes des clients avec l'usage généralisé du Web dans les foyers (57% sont équipés de l'ADSL, source: Eurostat 2008). «Ces derniers éprouvent davantage le besoin de communiquer, de partager des données et des informations. Par conséquent, les chaînes de valeur sont bouleversées», commente-t-il. Les entreprises sont conscientes de cette évolution et prévoient d'ailleurs une place de plus en plus importante d'Internet dans leurs ventes et leur relation client. Selon Nexstage, la part des ventes initiées par Internet devrait doubler d'ici 2012 et atteindre 30%, alors qu'aujourd'hui, elle ne s'élève qu'à 14%.

Pour autant, toutes les entreprises ne perçoivent pas le développement d'Internet comme un moteur de croissance. A l'issue de l'enquête, Nexstage a dressé une typologie des entreprises, en trois catégories. La première correspond aux entreprises «Web transparentes». Celles-ci accusent un retard dans l'utilisation et l'appropriation d'Internet, canal à travers lequel elles réalisent moins de 5% de leur chiffre d'affaires. Presque invisibles sur la Toile, elles estiment, d'un point de vue stratégique, ne pas avoir besoin d'Internet. Au milieu, les entreprises «Web compatibles» réalisent entre 5 et 40% de leur chiffre d'affaires sur la Toile. Troisième type, représentant moins de 20% de l'échantillon, les entreprises «Web Centric» se servent d'Internet comme principal canal de vente et moteur de chiffre d'affaires (plus de 40% du CA).

Plus de 30% d'entreprises «Web centric» en 2012

Dans le cadre de leur stratégie multicanal, le Web intervient en priorité et joue un rôle prépondérant dans la différenciation compétitive. Les autres canaux, comme le téléphone, viennent simplement soutenir leur activité. L'enquête prévoit une montée en puissance des entreprises «Web Centric». Sur la base de l'échantillon global, elles devraient doubler en nombre et représenter plus de 30% en 2012. Cette montée se fait au détriment des entreprises «Web transparentes» qui représenteraient alors moins de 25%, contre près de 50% aujourd'hui.

Au-delà du développement des ventes, les entreprises soulignent que le service clients et l'automatisation constituent les enjeux majeurs du déploiement d'Internet. A ce sujet, Nexstage propose six axes de réfexion. L'étude note tout d'abord l'importance d'augmenter la valeur d'usage d'Internet. Le premier enjeu repose en effet sur l'approfondissement du parcours client, pour qu'il puisse s'effectuer du début à la fin sur le site: informations, achat, paiement, suivi des demandes et des livraisons, etc. Le deuxième axe concerne la fuidifcation des canaux. Pour Laurent Deslandres, «la dimension multicanal classique est dépassée». Internet doit être un média ouvert, pouvant être relayé par le téléphone, par exemple, lorsque le client rencontre des difficultés ou des hésitations. Troisième axe, la personnalisation qui, indique Laurent Deslandres «représente le plus gros chantier». A terme, l'objectif est de proposer des offres et des informations les plus pertinentes en fonction de chaque utilisateur. Conscientes de cet aspect, les entreprises s'interrogent néanmoins: comment bien personnaliser ? Laurent Deslandres précise: «Nous nous orientons vers la contextualisation. Les clients se verront proposer une personnalisation de leurs sites en fonction de la situation (à domicile, au travail, en vacances, etc.).» Autre élément marquant du développement d'Internet d'Internet: la gestion de communautés. Les entreprises la qualifient davantage comme un problème de communication que comme un générateur de chiffre d'affaires.

L'internet mobile outil incontournable de la relation client

Malgré un impact modéré sur les ventes, «il y a besoin d'être réactif face au Web 2.0, surtout en cas de difficultés», avertit Laurent Deslandres qui s'interroge sur la solvabilité de la gestion de communautés. Par ailleurs, dans les années à venir, l'Internet mobile devrait apparaître comme l'outil incontournable de la relation client. Actuellement, 31 % des utilisateurs de mobiles sont des mobinautes. Selon l'étude, l'Internet mobile s'annonce comme le prochain virage de la relation client, en s'appuyant sur de nombreuses applications embarquées. Pour l'instant, cette évolution n'est pas pleinement anticipée par les entreprises, mais Nexstage prévoit, à l'avenir, un changement radical dans les modes de consommation et les manières de communiquer. Dernier axe de réflexion : l'extension de la notion d'identité client. Il s'agit ici de distinguer les différents rôles dans la cellule familiale: l'utilisateur du service, le payeur, l'expert. Mais aussi de bien réaliser la gestion collective des identités, ou du moins des identifications clients.

Méthodologie

L'étude qualitative du cabinet de conseil Nexstage, réalisée en 2008, est basée sur les interviews en face-à-face et les réponses à un questionnaire de 40 dirigeants de grandes entreprises françaises (dont Air France, Carrefour, Ikea France, RATP). Elle a été complétée par des entretiens d'experts.

ERIC BUHAGIAR, directeur marketing France d'Avaya

ERIC BUHAGIAR, directeur marketing France d'Avaya

CHRISTINE CHARLES, directrice satisfaction clients et partenaires de Microsoft

CHRISTINE CHARLES, directrice satisfaction clients et partenaires de Microsoft

Réactions

«La typologie des entreprises «Web transparentes», «Web compatibles» et «Web Centric», présentée lors de l'étude, pourrait être remise en cause. Le sujet a d'ailleurs fait l'objet d'un débat lors de la présentation, car la situation est plus compliquée que cela aujourd'hui. Prenons le cas d'Avaya. Notre communication vers nos partenaires, nos revendeurs et nos prospects, se fait principalement via le Web. E-mailing, mini-sites, communication internet tout est diffusé sur Internet. Néanmoins, si nous regardons quel chiffre d'affaires est réalisé grâce au Web, il est négligeable, car ce sont nos revendeurs qui distribuent nos solutions. Dans ce classement, nous serions donc «Web Transparents». Or, pour favoriser l'aspect «vert», nous ne communiquons presque plus en print et de plus en plus à travers le numérique. Nous ne sommes pas si «Web transparents» que ça. Mais si, pour être une entreprise «Web centric», il faut se couper de notre réseau de distributeurs et vendre directement sur un site web, ça devient litigieux.


«La relation client via Internet est très en phase avec nos préoccupations actuelles chez Microsoft. L'axe sur le développement des échanges à partir du téléphone mobile est intéressant. Au-delà du processus d'achat, nous nous intéressons de près à la compréhension des chaînes de valeur. Savoir à quoi pense un dirigeant et quelles sont ses préoccupations en termes de produits et d'approches nous intéresse également. D'autant plus que l'essor d'Internet dans la relation client sera très important dans les trois prochaines années. Mais, au-delà du simple clic de l'internaute, nous devons nous interroger sur la façon dont nous pouvons rendre cette relation client plus humaine. L'entreprise doit tout d'abord faciliter le parcours du client et conserver une proximité avec lui à travers Internet. Pour les utilisateurs avertis, la relation sur le Web reste assez simple. Mais, pour ceux qui rencontrent des difficultés, une question se pose: comment reprendre en charge la relation avec le client et comment assurer un dialogue avec lui en mode direct?

CLAIRE MOREL

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