IMA en pleine révolution technologique
A Niort, fief de l'assurance mutuelle, IMA fait figure de jeunesse
aventurière. D'abord parce que l'assisteur n'a que 18 ans d'existence (et déjà
plus d'un milliard de francs de CA !). Ensuite parce que son métier lui
confère, dans cette paisible préfecture des Deux-Sèvres, une image de Saint
Bernard baroudeur aux quatre coins du globe. A elle seule l'entreprise est la
plus grosse agence de voyages de l'Ouest : 41 000 billets de train, 22 000
trajets en avion pour rapatrier des assistés en 1998 ! Au point de sauter le
pas et d'intégrer prochainement une agence dans ses murs. Spectaculaires, ces
chiffres ne sont pourtant que la partie émergée de l'iceberg. Ses unités de
stockage informatique ont enregistré plus de 700 000 dossiers d'assistance
l'année dernière, soit plus d'1 million de personnes tirées d'affaire, qu'il
s'agisse d'une simple panne automobile ou d'un rapatriement sanitaire
lourdement médicalisé. Son premier outil ? Le téléphone. Ses techniciens
d'assistance, qui se relaient 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, ont pris et
passé en 1998 6,5 millions de communications dans 22 langues différentes !
Montant de la facture des Numéro Vert : 6,8 MF. Pour remplir sa mission, IMA
dispose d'une organisation logistique fondée sur des outils télécom et
informatiques d'aide à la décision en pleine évolution. Deux autocommutateurs
Nortel Meridian gèrent une capacité de 900 lignes routées vers un serveur vocal
interactif qui absorbe 60 % du trafic en provenance d'une dizaine de numéros.
Les 40 % restants passent par le standard. Diffusé auprès des sociétaires des
mutuelles, le numéro vert 0 800 75 75 75, représente à lui seul 60 % des
appels. Le SVI oriente les appels vers les cinq activités du centre (général,
médical, à domicile, habitation, informatique), en fonction de scénarios
programmés à l'aide d'une solution Districom qui gère également les files
d'attente. " En cas de nécessité, nous pouvons orienter des appels en attente
vers une structure de débordement ou prioriser certains numéros d'appel",
ajoute Gérard Macke, responsable informatique et télécom. " Nous surveillons
de très près notre trafic, plateau par plateau, équipe par équipe ", poursuit
le responsable technique. Chaque mois, un récapitulatif statistique est
produit. Ainsi en février 1999, 147 195 appels reçus, d'une durée moyenne de
4,02 minutes, et 93 996 sortants d'une durée moyenne de 2,12 minutes, ont été
enregistrés pour les cinq activités. La DMR (durée moyenne de réponse) est de
23 secondes hors SVI. " Si l'on inclut le SVI, il faut ajouter de 9 à 15
secondes ", précise Armand Savajols, chef du département assistance générale. "
Outre le suivi qu'elles nous permettent de faire, ces informations sont très
utiles pour répondre aux appels d'offres ", poursuit Gérard Macke qui pilote le
projet IMA Technologies, une filiale à vocation commerciale (voir encadré).
AUTOMATISATION DU TRAITEMENT DES APPELS
Cet existant va
évoluer vers une attribution plus fine des appels en fonction des compétences.
Grâce notamment à un projet pilote de SVI à reconnaissance vocale " capable de
reconnaître des mots " testé en juillet. Un outil qui s'intègre au sein de la
mise en place du CTI dans le cadre d'une nouvelle architecture client-serveur 3
niveaux : postes clients sous Windows NT Workstation, serveurs applicatifs sous
Windows NT, et serveurs AS400, doublés pour raisons de sécurité. Sécurité qui
sera aussi renforcée dans la nouvelle version de l'application maison,
Multicom. Et pour cause : les 700 000 dossiers clients sont sur
informatiqu...Le zéro papier absolu ! Montant de l'investissement sur 1999 : 15
MF. " Opérationnel à 100 % à partir de juillet-août à Niort, le système
permettra d'automatiser le traitement des appels ", explique le responsable
informatique. Exemple : une demande de dépannage auto sera traitée plus
rapidement grâce à un système de cartographie intégré qui localisera le
malheureux automobiliste. L'application identifiera alors le
garagiste-dépanneur le plus proche (un critère vital pour le coût et la
rapidité d'intervention) ; il suffira alors au technicien de cliquer sur le
numéro du prestataire pour le joindre. A l'écran apparaîtront également les
moyens dont celui-ci dispose et les types de prestations pour lesquels IMA a
négocié des tarifs.
GAINS DE PRODUCTIVITÉ
Autre point
fort de la logistique IMA, la gestion des ressources humaines qui colle, jours
par jour, aux prévisions de flux d'appels. Une performance quand on sait que le
nombre de dossiers traités mensuellement peut varier du simple au double au
cours de l'année : dans le seul département assistance générale (plus de 50 %
du trafic), il passe de moins de 28 OOO à 30 000 en février pour atteindre 68
000 début août (Voir schéma). " C'est toujours le premier jour ouvré après le
15 août qui affiche le plus fort taux d'activité : 40 231 communications le 17
août dernier ", commente Michel Prioux, directeur général adjoint. Soit plus de
un appel sortant ou entrant par seconde ! La planification des ressources
humaines repose sur les prévisions de flux d'appels. Le but est de répondre
dans les meilleures conditions de productivité et de qualité aux flux d'appels.
Ni perte d'appels ou attentes démesurées, ni techniciens inoccupés face à leur
écran ! " Nous disposons de 18 ans de statistiques que nous pondérons par des
indicateurs de croissance sur l'année à venir", explique Armand Savajols, chef
du département assistance générale. En pratique, la méthode se décompose en
plusieurs paliers. Le premier consiste à attribuer un coefficient d'étalonnage
par nature de dossier (assistance de base, renseignement, médical lourd à
l'étrange...). Cet indicateur dépend de plusieurs critères dont le temps moyen
de traitement au téléphone et les moyens mis en oeuvre sur le terrain. Exemple
: un dossier médical lourd sera étalonné 5, tandis qu'un simple dépannage sera
" noté " 1.
PRÉVOIR LES PROLONGATIONS...
Seconde
étape : l'évaluation des volumes de dossiers par mutuelle. " Elles nous
communiquent leurs taux de croissance que nous pondérons par un taux de
fréquence ", poursuit-il. Un assureur qui communique beaucoup sur l'assistance
a de fortes chances d'avoir un taux plus élevé qu'un confrère discre... " Mais
notre activité subit aussi les contre-coups des campagnes d'Europ Assistance,
un aléa difficile à évaluer", plaisante le responsable. Enfin, sont intégrés
des éléments de climatologie sur toute l'Europe. De mauvaises conditions météo
lors des périodes d'affluence sur les routes peuvent susciter des pics
d'activité. " Nous sommes concernés par 40 à 50 % des accidents sur autoroute
", estime Armand Savajols. Les grands événements nationaux sont eux aussi pris
en compte. Une Exposition Universelle, une messe du Pape à Longchamp (+ 30 %
sur une journée), le Tour de France ou la Coupe du Monde de football suscitent
des déplacements de population, eux même à l'origine de pointes d'activité.
Pendant les matchs, le trafic se ralentit considérablement pour ensuite
reprendre progressivemen....L'allure générale de la courbe est bien connue mais
le timing n'est pas toujours facile à prévoi.... " Nous n'avions pas anticipé
les prolongations. Résultat, nos techniciens se sont tournés les pouces pendant
leur déroulement ", illustre Armand Savajols, un ancien de Péchiney qui aime
comparer l'imprévisibilité des volumes d'appels aux flux d'entrée matière dans
les hauts fourneaux ! En 1998, la croissance avait été estimée à 8 ....elle a
finalement atteint 9,9 %. Un différentiel qui peut être plus important à
échelle d'une journée (plus ou moins 5 %) et encore davantage sur une heure.
En face des prévisions mensuelles et journalières de trafic sont affectées les
ressources (470 techniciens et 26 cadres dont 7 responsables d'équipes) à
horaires variables sur une base moyenne de 7H20 par jour (36 heures 40
hebdomadaires). Au trois cadres du service planification d'agencer des
"briques" de tailles différentes, sur un total de 70 000 journées de travail.
Les techniciens qui travaillent à 40 % d'un temps plein sont présents la nuit
et le week-end ; ceux qui sont employés à mi-temps interviennent sur des
demi-journées. Les emplois du temps des salariés à 60 % d'un temps plein
(l'essentiel des effectifs) sont souvent à cheval sur la semaine et le
week-end, en journées pleines et demi-vacations. Enfin la quarantaine de
personnes à temps complet – " une espèce en voie de disparition " - sont soumis
à des horaires alternés (soit le matin, soir le soir) du lundi au vendredi.
Originalité du système de management : les sept responsables d'équipes sous la
houlette d'Armand Savajols (assistance générale) ne sont pas affectés à des
équipes une fois pour toutes. Ils tournent en permanence, encadrant des groupes
de techniciens à dimension variable. Un remède à la routine !
S'ADAPTER AUX À COUPS
Comme ses managers,
l'organisation joue la carte de l'adaptation permanente. En cas de surchauffe,
IMA a la possibilité de rappeler des personnes habitant à proximité, d'intégrer
les techniciens du centre de gestion et surtout, de réaffecter des ressources
entre les plateaux (jusqu'à onze l'été). La polyvalence des techniciens (budget
formation : 4,7 MF en 1998, soit 5 % de la masse salariale) et un système
d'identification de la nature de l'appel, ont permis de procéder à plus de 2
000 réarrangements de files téléphoniques l'été dernier. Enfin, pour limiter
le recours aux saisonniers (300 CDD de deux mois l'été dernie...), IMA a mis en
place un plan d'épargne congé. Négociée dans le cadre d'un accord
d'annualisation du temps de travail en 1989, cette mécanique complexe a pour
objectif d'inciter les 740 salariés permanents de l'entreprise à prendre leurs
vacances en dehors de la période d'affluence, lors des mois de juillet et août
qui représentent 40 % de l'activité annuelle. " Le système accorde une semaine
de congés supplémentaires pour 9 semaines de présence consécutives ou une prime
de 3 200 francs par salarié au prorata du temps planifié sur la période",
explique Chantal Surget, DRH d'IMA. Depuis son ouverture, 600 salariés ont en
moyenne épargné 2 à 3 semaines de congés, avec une amplitude qui va d'une
demi-journée à 82 jours ! " Ce sont les salariés à temps complet et en
particulier les cadres qui sont les adeptes les plus fidèles de la formule ",
précise-t-elle. Les salariés de plus de cinquante ans, qui ne sont soumis à
aucun plafond en termes de nombre de jours épargnés, l'utilisent pour avancer
leur départ à la retraite ! D'autres partent traverser les Pyrénées ou
sillonner l'Amérique du Sud pendant trois mois. A l'inverse, les salariés à
temps partiels (plus de 60 % du total) préfèrent la prime et les parents
d'enfants en âge scolaire continuent de céder aux sirènes de l'ét...
IMA, carte d'identité
Implantée à Niort, IMA (Inter Mutuelles Assistance) a été créée en 1981 par trois poids lourds de l'assurance mutualiste (Macif, Maaf et Maif), pour gérer " à moindre coût et sans exclusion " les garanties d'assistance de leurs sociétaires. Elle s'est progressivement ouverte à l'ensemble des membres de la famille mutualiste. Au point de devenir le leader du marché de l'assistance en France, avec un CA consolidé de 1,1 MdF en 1998. Et plus de 1 100 salariés en période de pointe en relation avec un réseau de quelque 20 000 prestataires ! " Plus de 60 % des automobilistes français sont couverts par des garanties IMA ", illustre Michel Prioux, directeur général adjoint. Société anonyme d'assurance au capital de 150 MF, IMA fonctionne comme un GIE. L'ensemble des coûts est répercuté au prorata de l'utilisation des services de l'assisteur par les sociétaires de chaque mutuelle. Côté sociétaire, il suffit d'avoir souscrit un contrat multi-risques habitation ou auto pour bénéficier de l'assistance. En pratique, l'entreprise de Niort est organisée par nature d'assistance : générale (suite à un accident ou panne de véhicule), médicale, à domicile (en cas de maladie soudaine ou d'accident), habitation (en cas d'incident domestique ou de sinistre) et informatique (Hewlett-Packard). En particulier, ces deux dernières activités ont connu les plus forts taux de croissance depuis deux ans. " Pour l'habitation, une garantie liée aux multirisques, il s'agit d'apporter du service – mettre une bâche sur un toit sinistré, réparation d'une fuit...- à la place d'une indemnisation ", explique Michel Prioux. Une tendance lourde dans l'assurance qui devrait - entre autres - alimenter la croissance d'IMA dans les années à venir. Outre les 15 millions de familles sociétaires des mutuelles (au total 35 millions de bénéficiaires), IMA répond également aux clients de PSA (assistance auto) et d'Hewlett-Packard (hot line, help-desk), qui lui ont confié la gestion de leurs garanties. Depuis 1988, l'entreprise niortaise a pris une dimension européenne avec la création de filiales à Madrid, Milan et Munich, qui servent de relais locaux et génèrent des contrats localement.
Naissance d'IMA Technologies
IMA est dans les starting-blocks pour le lancement de sa filiale nantaise IMA Technologies, dont l'activité démarrera en mai 1999. Ses 1 700 m2 de locaux situés au " Petit-Port " accueilleront d'abord les 50 positions de la hot-line (pannes de matériel et de logiciels) de Hewlett-Packard, dont l'activité – jusqu'à présent gérée à Niort - est en forte croissance (+ 70 % depuis deux ans, à raison de 35 000 appels par mois). Ce développement accéléré ne pouvait se poursuivre dans le bassin d'emplois de la capitale du mutualisme, dépourvue d'université et de desserte internationale. C'est la raison pour laquelle le premier assisteur français a opté pour Nantes, dont la métropole est en mesure de fournir une main d'oeuvre qualifiée (techniciens micro-informatique niveau bac+2 à bac+3, multilingues). Le projet, qui a bénéficié d'une mise de départ d'une dizaine de millions de francs, devrait employer plus de 150 personnes à l'horizon 2001-2002. Dont 90 pour les plateaux du constructeur informatique dès fin 99. Deux autres pôles d'activité viendront progressivement rejoindre le pôle informatique. La télésurveillance, d'abord, ouvrira le bal en janvier 2000. " Les mutuelles proposeront prochainement une formule commune de télésurveillance en complément des multirisques habitation", annonce Gérard Macke, responsable informatique et telecom. Un potentiel énorme de 15 millions de sociétaires pour ces plates-formes, qui devraient représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires d'IMA technologies d'ici 3 à 5 ans ! Sans compter la possibilité de gérer ce service pour le compte d'entreprises du secteu...Enfin, le troisième pôle proposera aux membres d'IMA (dans un premier temps) des missions de télémarketing, comme la qualification de fichiers ou la relance de prospects.
Urgences
Que se passe-t-il quand un assuré parti en Inde se retrouve atteint de paraplégie ? L'appel est immédiatement acheminé vers l'assistance médicale de Niort, une cellule composée d'une trentaine (jusqu'à 60, l'été) de médecins spécialistes de l'urgence. Un "régulateur-trieur" (un poste "lourd" assumé par roulement de 4 heures évalue la demande. Pour un cas simple, une décision est prise en direct. Une demande plus complexe (75 % des dossiers) est orientée vers l'un de ses collègues, qui met en place une solution qui soit satisfaisante médicalement et acceptable financièrement. Une ambulance coûte environ 10 francs du kilomètre mais ramener un grand brûlé de Chine, 860 KF ! Lors d'un rapatriement lourdement médicalisé (un malade sur civière plus un médecin et/ou une infirmière), l'équipe et son patient ont besoin de 9 places d'avion de ligne ! L'année dernière, le département a traité 38 663 dossiers (jusqu'à 309 le 17 août), dont 75 % sur le territoire français. "Nous avons de plus en plus de demandes notamment parce que même les assurés atteints de maladies chroniques n'hésitent plus à partir", observe Jean Marland, responsable du département. Autre cause d'activité : le téléphone portabl....En cas de pic d'appels (jusqu'à plus 50 %, comparé aux prévisions journalières), le rôle du Docteur Marland est de "faire réaliser à son équipe que la salle d'attente est pleine". Toute la hiérarchie se met alors au téléphone : ses adjoints prennent des appels en régulation et le responsable du département les remplace dans leurs fonctions d'encadrement des techniciens.