Gestitres / Euro-titres : Le challenge sans la concurrence
Un centre d'appels n'a pas forcément vocation, avant toute autre finalité,
à contrecarrer les menaces générées par une situation hyperconcurrentielle. Sa
raison d'être ne fait pas nécessairement écho à des éléments conjoncturels.
Gestitres / Euro-Titres commercialise à une quarantaine d'établissements une
prestation de sous-traitance de back-office sur valeurs mobilières définie à
l'origine pour les Caisses d'Epargne et la Caisse des Dépôts. Les liens
d'actionnariat avec ces deux établissements lui confèrent une clientèle de base
significative et relativement protégée. Lorsque Gestitres / Euro-Titres décide,
il y a tout juste un an et un mois, de mettre en place son call center, ses
motivations ne sont donc pas directement liées à la pression de la concurrence.
Son objectif est avant tout la rationalisation des processus de traitement de
la relation commerciale avec ses clients, des établissements bancaires teneurs
de comptes titres. « L'entreprise était submergée d'appels, à tous les niveaux
et dans tous les sens, explique Marc Bengué, responsable du Service Clientèle
de Gestitres / Euro-Titres. Ceci empêchait une vision globale du client et
complexifiait la gestion de sa relation : selon que le contact se faisait
auprès de la direction informatique, du back-office ou de la direction
commerciale, ou encore des trois à la fois, la perception de la demande du
client pouvait être sensiblement différente et divergente. » Mauvaise prise sur
le client, et, partant, une qualité de service globalement minorée.
Mise en oeuvre du centre en moins de quatre mois
L'entreprise opte donc pour une structure centralisée : le Service Clientèle,
un point d'entrée et de sortie unique des demandes de la clientèle, qui doit
permettre de placer la préoccupation client au cœur de son activité
industrielle. Un petit exploit en termes d'organisation puisque l'exercice
imposait une mise en œuvre du centre en moins de quatre mois, de l'installation
du nouvel autocom au recrutement et à la formation du personnel en passant par
la configuration des locaux et la définition du poste de travail des
téléconseillers. « Nous avions comme objectif d'être pleinement opérationnels
pour le passage à l'euro, et pour cela, il fallait que tout soit prêt et que
nous démarrions effectivement dès le 19 octobre 1998 », précise Marc Bengué.
Pari gagné. Le premier jour, le call center reçoit une centaine d'appels.
Aujourd'hui, il en reçoit environ 250 quotidiennement. 250 appels pour une
équipe de 10 personnes : autant dire que Gestitres n'a pas joué la productivité
à tout crin. « Le nombre d'appels est un indicateur moins significatif pour une
activité de business to business, note le responsable du Service Clientèle.
Nous orientons nos efforts sur le traitement des demandes et non sur le volume
d'appels pris. Le service est l'élément majeur de différentiation sur un marché
gagné par la banalisation de l'offre. »
Schéma pyramidal en trois strates
Le centre d'appels de Gestitres, installé au siège social
de Gestitres / Euro-Titres à Arcueil (94), s'architecture de manière
"classique" selon un schéma pyramidal composé de trois strates. La première,
point d'entrée unique de la clientèle dans la société, va traiter 80 % des
demandes directement, la deuxième, animée par des experts, prendra en charge
les dossiers les plus pointus et la dernière, qui n'est autre que la direction
de l'entreprise, sera activée par le niveau deux si nécessaire. Parallèlement à
la mise en place matérielle du plateau, la sélection des personnes,
conditionnée à leur acceptation de règles spécifiques de travail, devait
surtout répondre à une question centrale : comment faire fonctionner et
accepter une nouvelle relation client radicalement différente des habitudes
prises par la maison ? Le recrutement se solde par l'intégration de quatre
profils spécialistes des valeurs mobilières, et de quatre technico-commerciaux
familiarisés avec les dialogues clients et ayant des profils plus généralistes.
Une sélection faite presque exclusivement en interne. « Compte tenu des
échéances, nous n'avions pas le temps de recruter à l'extérieur, souligne Marc
Bengué. Il nous fallait une équipe immédiatement opérationnelle. Néanmoins, la
supervision du plateau a été confiée à la seule personne recrutée à
l'extérieur, et qui nous apportait son savoir-faire en technique ACD et en
management de proximité. »
30-40 Ans de moyenne d'âge
Fait passablement iconoclaste dans le discours couru parmi les professionnels
des centres d'appels : l'équipe du plateau de Gestitres / Euro-Titres est
exclusivement composée de professionnels très qualifiés et ayant une moyenne
d'âge entre 30 et 40 ans. Le personnel a en effet été sélectionné parmi une
population pouvant se prévaloir d'une quinzaine d'années d'expérience.
Toutefois, à l'heure où Gestitres / Euro-Titres se prépare à étoffer l'équipe
du centre, Marc Bengué insiste sur les vertus du mélange : « Les jeunes, aussi,
c'est bien. Ils créent les conditions d'un renouvellement réussi et progressif
des compétences face au phénomène d'usure inhérent aux structures de front
commercial. En outre, la jeunesse manifeste sans doute moins de complexe à ne
pas savoir et donc à apprendre. Idéalement, il faut rechercher des jeunes ayant
suivi des études, et donc aptes à un apprentissage, pour qu'ils soient ensuite
confrontés à des professionnels confirmés. » Le management du centre d'appels
de Gestitres / Euro-Titres répond à des partis pris clairement affichés sur la
pérennisation de l'exercice du métier de téléconseiller. Partis pris qui se
traduiront par un renouvellement régulier des équipes puisque, selon Marc
Bengué, on ne peut difficilement rester plus de deux ou trois ans en poste sur
un plateau, sauf à être promu à des tâches d'encadrement : « C'est avant tout
le mouvement, synonyme bien souvent de progression et de motivation, qu'il faut
privilégier dans cette expérience valorisante. Un passage donc, et une
opportunité. »
Recours au recrutement externe
En
matière de recrutement externe, puisque c'est l'option désormais retenue,
l'entreprise cible une population dont la moyenne d'âge tourne autour de 28
ans, avec une expérience des call centers et des valeurs mobilières. Quant aux
personnes qui, dans deux ou trois ans, souhaiteront évoluer au sein de
l'entreprise, elles bénéficieront, selon le responsable du Service Clientèle,
d'un atout de taille : « On enrichit sensiblement l'employabilité des personnes
en les faisant travailler sur un centre d'appels. Un lieu stratégique pour
appréhender toutes les prestations rendues et tous les clients. » Le
dimensionnement à la hausse du plateau répond à deux facteurs majeurs.
Premièrement, un accroissement de la volumétrie d'appels, directement lié à
l'actualité économique et ses conséquences sur les marchés des capitaux, ainsi
qu'au développement commercial de la société. Croissance donc du trafic qui se
double d'une augmentation de tâches complémentaires à valeur ajoutée :
reportings ciblés internes et externes, analyses et formalisation de
proposition d'amélioration. « Lorsqu'un téléconseiller est absorbé à 90 % de
son temps par la gestion du contact téléphonique, il ne peut absolument pas
faire l'indispensable travail d'analyse pour devenir une force de proposition
», souligne Marc Bengué. Deuxième explication au redimensionnement : la RTT
(réduction du temps de travail). Les 35 heures appliquées sur une activité à
plage horaire étendue vont nécessairement conduire à adapter le dimensionnement
des équipes. Dans le contexte d'un démarrage rapide, Gestitres / Euro-Titres
n'a pas d'emblée opté pour la mise en place de lien CTI entre la téléphonie et
l'informatique. Pour monter son centre d'appels, l'entreprise aura investi en
formation et en équipement, hors Autocom, près de 20 000 francs par poste de
travail ouvert.
Gestitres / Euro-Titres
Filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations et des Caisses d'Epargne, Gestitres / Euro-Titres assure la sous-traitance administrative, comptable et informatique des compte-titres d'établissements bancaires et financiers qui sont ses clients. Cette prestation est réalisée en "private labelling", les documents produits respectant les logos et les chartes graphiques de chaque établissement, et le nom de Gestitres / Euro-Titres ne figurant jamais. Elle traite de manière industrielle près de 2 millions de compte-titres de particuliers pour 300 milliards de francs de conservation, et figure parmi les leaders de son secteur d'activité.