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Gestion de crise: le service clients en première ligne

En pleine situation de crise et malgré toutes les difficultés auxquelles une entreprise doit faire face, celle-ci ne doit pas pour autant oublier ses clients. Il est d'ailleurs essentiel que ces derniers soient informés, rassurés et pris en charge si nécessaire. Pour ce faire, l'entreprise doit mettre en place une stratégie de gestion de crise.

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@ fotolia/ Pixel & Création

24 décembre 2010. En raison des violentes chutes de neige qui paralysent le trafic aérien, 2 000 personnes sont contraintes de passer la veille de Noël dans les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy Charles-de-Gaulle et 3 000 autres sont redirigées vers des hôtels de la région. Pour ces voyageurs malchanceux, les fêtes de Noël sont totalement bouleversées. Face à cette crise, Air France a mis en place une mobilisation sans précédent pour ses clients. En tout, 350 000 messages (e-mails et SMS) ont été envoyés pour les informer sur les perturbations tout au long de la crise. L'agence parisienne des Invalides est restée ouverte les 24 et 25 décembre pour informer les voyageurs étrangers. Par ailleurs, le personnel d'Air France est resté sur place, dans les aéroports, pour s'occuper des clients. « La mobilisation est allée bien au-delà des équipes habituées à s'occuper des clients», déclare Diane Laurent-Jubin, directeur de la vente directe du commercial France d'Air France, frère de l'engagement de ses collaborateurs, d'autant plus en cette période de fêtes. Cet exemple montre à quel point la relation client reste primordiale, en période de crise, pour les entreprises. Elle se révèle même centrale, car il suffit de quelques faux pas pour que le lien qu'elle a mis si longtemps à construire avec les clients soit réduit à néant. Des clients qui se montrent d'ailleurs de plus en plus exigeants. « Ils attendent que les entreprises fassent preuve de responsabilité », souligne Stéphanie Bastide, directrice associée de l'agence conseil en communication Wellcom. En résumé, elles doivent prendre en charge le problème tout en continuant à informer et à rassurer. Une gestion de crise qui se prépare avant, se construit avec intelligence et cohérence pendant, et se consolide après.

Diane Laurent-Jubin (Air France)

Chaque crise nous incite à revoir nos procédures et à élargir les situations

3 question à PATRICE MAZOYER président de l'agence conseil en relation client Colorado. Répondre aux clients de façon pertinente et rapide.

Quel est le rôle des centres d'appels en cas de crise?
Malgré la montée en puissance d'Internet, les centres de contacts sont en première ligne en cas de crise. L'entreprise doit donc être préparée aux pics d'appels. La solution peut résider dans l'externalisation, permettant de compléter les effectifs, ou de prévoir un message d'attente enregistré, qui diffuse les premiers éléments de réponse sur la crise.
Comment préparer les agents des centres de contacts?
Ils doivent être en mesure de répondre aux clients de façon pertinente et rapide. Au préalable, il faut donc bien préparer le discours qu'on leur transmet. C'est pourquoi il est indispensable de leur fournir des informations sur la situation, mais surtout des éléments de réponse au fl de l'eau. Il n'y a rien de pire que de laisser un client sans réponse. A l'inverse, si les agents tiennent un discours bien rodé, ils seront plus à l'aise. Par ailleurs, il faut prendre en compte les interactions entre le site Internet et les centres d'appels: les agents doivent être conscients de ce qui se passe sur le Web pour pouvoir répondre aux questions des clients sur ces sujets.
Comment leur transmet-on ces informations?
Il est primordial de mettre en place les bons canaux de communication. Ce peut être, par exemple, des messageries instantanées qui diffusent des alarmes. Il faut surtout une présence très suivie des superviseurs pour s'assurer que chaque message est bien transmis et bien assimilé. C'est nécessaire pour instaurer une communication claire et homogène.

Bien se préparer pour ne pas improviser

Même si la crise comporte, par essence, des inconnues, il n'est pas impossible d'en anticiper les différents scénarios. Au coeur de la tourmente, Air France a dû réajuster son plan de communication au fil des événements. Lorsque la neige a empêché les collaborateurs de la compagnie de se rendre dans les aéroports auprès des clients, Air France a notamment été contraint d'imaginer d'autres moyens de communication. L'entreprise a mis en place des affichages de taille importante, visibles, mobiles et dans différentes langues pour communiquer dans des lieux engorgés. Mais une telle initiative n'aurait pas pu émerger si l'entreprise ne s'était pas préparée à vivre une situation difficile.

La gestion de crise nécessite de la préparation, mais aussi de l'improvisation: « Les crises ne se produisent jamais telles qu'on les avait imaginées. Il faut donc faire preuve d'intelligence pour que l'organisation puisse s'adapter à n'importe quelle crise et travailler l'organisation de façon très précise », conseille Didier Heiderich, président de l'Observatoire international des crises et auteur du livre Plan de gestion de crise (éd. Dunod). L'objectif principal de la préparation consiste à être opérationnel rapidement et surtout à éviter l'effet de panique. Patrick Lamarque, consultant au sein du cabinet de management et de prévention des risques psycho-sociaux Eléas, utilise la métaphore du boxeur qui s'entraîne sans pour autant savoir quelle tournure va prendre son combat. « La préparation est importante, souligne-t- il. Il faut savoir qu'au coeur d'une crise, nous perdons de 40 à 60 % de nos moyens. » A noter qu'en période de crise, faire appel à un consultant peut être une bonne idée. Extérieur à l'entreprise et détaché des émotions auxquelles les collaborateurs sont confrontés, il peut apporter des réponses plus rationnelles.

L'IMPORTANCE DES MOYENS D'ALERTE

La réactivité et la rapidité des réponses données sont des éléments cruciaux dans la gestion de crise. Ce qui exige de mettre en place un système d'alertes performant pour réagir dès qu'une crise s'annonce. Quels sont les moyens d'en détecter les «signaux faibles»? il faut, d'abord, surveiller les messages qui transitent au service client, le plus à même de remonter les problèmes rencontrés par les clients. il est donc primordial de s'assurer que les process de remontées d'information sont efficaces. « Le service de relation client demeure une source d'information terrain importante, affirme Antoine Boulay, directeur associé du cabinet conseil en stratégie de communication et gestion de crise Vae Solis. D'autant plus que les clients peuvent avoir une opinion totalement différente de ce qui est diffusé dans les médias. »
En revanche, les crises peuvent s'installer plus pernicieusement. De plus en plus de clients boudent le service client et font part de leur mécontentement sur les médias sociaux. C'est pourquoi des technologies ont vu le jour, capables d'analyser tous les commentaires publiés sur les réseaux et forums. Grâce à ces outils, la marque peut détecter la montée d'un mouvement de grogne. « il peut s'agir par exemple de consommateurs qui parlent d'un prix injustifié, ou qui menacent d'une action en justice », décrit Thierry Desforges, président et fondateur de Viavoo, l'un des éditeurs spécialisés.

S'imprégner d'une culture de crise

La préparation nécessite avant tout de s'imprégner d'une certaine culture de la crise, pour diminuer l'effet de surprise. Cela passe notamment par la mise en place de scénarios types en fonction des risques identifiés. « Il faut imaginer quelles différentes crises peuvent toucher l'entreprise. Mais comme il n'est jamais évident de tout envisager, la meilleure solution est de les regrouper par thèmes: défaillances produit, risques sociaux, défaillances techniques, crises de réputation, crises économiques... », décrit Stéphanie Bastide (Wellcom). Pour chaque thème identifié, l'entreprise doit établir un scénario permettant de piloter calmement les premières heures. Elle doit également constituer une cellule de crise, à géométrie variable en fonction de la forme que prendra la crise, dans laquelle une personne en charge de la relation client sera présente pour rappeler qu'il faut continuer à communiquer auprès des clients, quelle que soit la situation. S'imprégner de la culture de crise, c'est aussi former ses équipes. Les personnes constituant la cellule devront participer à une simulation pour acquérir de bons réflexes. Quant aux personnes en contact direct avec les clients - les téléconseillers, notamment - , il est important de s'assurer que leur formation est suffisamment solide pour qu'elles puissent tenir un discours naturel et pas trop dicté. En effet, le script ne suffit pas et les téléconseillers doivent pouvoir répondre rapidement à de nombreuses questions, grâce à leur formation de départ. « Les collaborateurs qui répondent aux clients ne doivent pas être des perroquets mais ne doivent pas non plus improviser », insiste Patrick Lamarque (Eléas) . Bien se préparer exige également une organisation soignée dans les moindres détails. En termes de communication, il peut être judicieux de commencer par rédiger différents types de messages (communiqués de presse, messages de répondeurs téléphoniques, etc.) , pour les crises les plus courantes, tels que des rappels de produits dans l'industrie agroalimentaire. D'un point de vue technique, il faut s'assurer que le système d'information tient la route pour faire face à une hausse de la volumétrie, que ce soit dans les centres d'appels, sur le site Internet ou dans la boîte mails du service client. Cela évite une «crise dans la crise» . Lors du mouvement social de novembre 2010 contre la réforme des retraites, qui a perturbé les transports ferroviaires, la SNCF a reçu 50 000 appels par jour, dont parfois 800 en simultané, soit le double de la normale... La gestion des moyens humains est également très importante. Chez Orange, certains téléconseillers sont formés pour renforcer les centres de relation client en cas de difficulté ou d'engorgement. « Mais il faut s'assurer de la bonne formation des équipes qui viendront en renfort, en les faisant travailler régulièrement sur les plateaux et en faisant tourner les équipes. Le but est de faire appel non pas à des intérimaires, mais aux mêmes équipes formées, à qui l'on peut faire appel lorsque l'on a des besoins supplémentaires », précise François Martel, directeur associé du cabinet de conseil en relation client multicanal Acemis. Faire appel à des outsourceurs est une autre solution. Toutefois, il faut s'assurer qu'ils pourront intervenir à l'instant même où ils seront sollicités. Ils doivent être en mesure, dès lors qu'on les appelle, de mettre en place une équipe de téléconseillers en soutien. Ce type de prestation se prévoit, dès le départ, dans les termes du contrat avec l'outsourceur, faute de quoi celui-ci risque d'intervenir trop tard.

LA SNCF MISE SUR L'INFORMATION

Après les chutes de neige qui ont bloqué de nombreux trains, en mars 2010, la SNCF a décidé d'organiser un mois plus tard une réunion avec certains clients. « ils nous ont dit que nous ne les prévenions pas suffisamment des perturbations du trafic », rapporte Vincent Teton, responsable de la gestion de crise pour la présidence de la SNCF. Qu'à cela ne tienne: depuis avril 2010, la SNCF a renforcé l'information client. Suite à cette rencontre, l'entreprise a mis en place le programme SNCF assistance. Les voyageurs ayant réservé sur le site voyages-sncf.com ont reçu des mails ou des SMS pour les informer des éventuels retards et suppressions de trains. Depuis la mise en place de ce programme, la SNCF a envoyé 1,4 million de mails aux voyageurs TGV. « Les clients sont agréablement surpris d'être prévenus et beaucoup nous font part de leur satisfaction en nous remerciant », indique Vincent Teton. L'information voyageurs est également diffusée en direct sur le site voyagessncf.com. Bien qu'ils soient minutieusement observés, les réseaux sociaux ne sont pas encore utilisés pour communiquer. « Etant donné que nous devons vérifier les informations que nous diffusons, nous ne nous situons pas sur la même échelle de temps que les clients », explique Vincent Teton.


Cheminots volontaires
L'information circule également dans les gares, grâce aux équipes de cheminots volontaires, vêtus de leurs gilets rouges SNCF assistance. « ils sont présents lors des crises et des grands départs pour orienter et rassurer les clients », ajoute Vincent Teton. Ces personnes, qui peuvent occuper n'importe quel poste au sein du groupe, parfois même très éloigné de la relation client, bénéficient d'une demi-journée de sensibilisation au fonctionnement d'une gare, à la desserte et au service client. « Ce système fonctionne bien: aujourd'hui, 400 à 500 personnes viennent assister les agents d'escale », indique Vincent Teton. Bien sûr, une crise ne peut pas reposer sur une équipe de volontaires dont ce n'est pas le métier. C'est pour cela qu'une centaine de personnes dédiées à l'assistance rapide, de vrais pros (métiers de l'escale et de la surveillance générale/sûreté), se déplacent dans Paris et sa grande couronne pour traiter les moments difficiles et mettre en place les solutions adaptées: hébergement, acheminement, transferts, distribution de plateaux-repas... ils gèrent le flux de clients et, surtout, apaisent les tensions. « C'est une équipe rompue à ce genre de situations, dont le métier consiste à veiller aux escales et à la sûreté », souligne Vincent Teton.
Parallèlement, près de 1 000 salariés de la SNCF, qui prennent régulièrement le train en tant que clients lambda pour se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle, apportent volontairement leur aide aux chefs de bord pour gérer les correspondances, les plateaux-repas, et surtout rassurer les clients. Tous ces volontaires sont recrutés en interne sur la base du code de déontologie qui stipule que chaque salarié doit être à la disposition de la société lorsque celle-ci rencontre un problème. Une fois la crise passée, les clients réguliers sont informés dès le lendemain via des fyers qui expliquent les raisons du dysfonctionnement. « C'est en revanche plus difficile d'informer les clients occasionnels », reconnaît Vincent Teton.
Si la SNCF a accompli beaucoup de progrès en termes d'information client en amont et pendant le voyage, Vincent Teton admet que de nombreux efforts restent à fournir. « Nous souhaitons notamment faire preuve d'une plus grande pédagogie sur notre mode de fonctionnement et sur le système ferroviaire », précise-t-il. A l'avenir, la SNCF envisage de faire découvrir les coulisses du groupe, notamment à travers les médias.

Apaiser les émotions en rassurant

Rassurer est l'une des premières fonctions de la communication auprès des clients en période de crise. « Il faut rapidement communiquer pour ne pas avoir à se justifier ensuite, insiste Muriel Jouas, fondatrice de l'agence conseil en communication de crise Com2Crise. Si vous ne dites pas qui vous êtes et ce que vous faites, quelqu'un le fera à votre place. » Or, une «inattention» pourrait alors devenir une «faute» dans la bouche d'un détracteur... Il est donc prépondérant de prendre la parole fréquemment, y compris si l'on n'a que peu de choses à annoncer. « Cela contribue à rassurer les clients, de leur faire comprendre que l'on est près d'eux », rapporte Diane Laurent-Jubin (Air France) .

Pour ce faire, il est bien sûr possible de créer un Numéro Vert ou un espace ad hoc sur son site Web. Mais rassurer, c'est surtout humaniser la communication, faire preuve d'empathie envers les clients. Et cela commence par reconnaître la crise et l'accepter.

Quick, qui a souhaité rouvrir son restaurant le plus rapidement possible après la mort du jeune Benjamin, a-t-il envoyé le bon message aux consommateurs? Quant à Toyota, qui a préféré taire la défaillance de sa pédale d'accélérateur jusqu'à être contraint par les pouvoirs publics américains d'effectuer un rappel produit, a sans aucun doute mis à mal son image de perfection. La transparence est primordiale en temps de crise, d'autant qu'à l'heure d'Internet, tout se sait à vitesse grand V.

Rassurer, c'est également utiliser des mots simples. Air France a, par exemple, fait l'effort d'éliminer tout jargon commercial et technique de son site Internet. Par ailleurs, utiliser des mots simples permet d'expliquer clairement et concrètement ce qu'il se passe. « La réaction de l'entreprise doit être nourrie d'exemples concrets de ce qu'elle s 'efforce de faire pour améliorer la situation », souligne Antoine Boulay directeur associé du cabinet conseil en stratégie de communication et gestion de crise Vae Solis. Cela consiste à répondre à l'émotion par des faits auxquels personne ne peut s'opposer. Pour ce qui est du discours à proprement parler, il doit être homogène d'un bout à l'autre de la crise. Dans son ouvrage Plan de gestion de crise, Didier Heiderich recommande de définir trois idées fortes et de s'y tenir. Cela passe notamment par une bonne communication auprès de tous les collaborateurs en relation avec les clients, pour partager avec eux toute l'information dont on dispose et leur transmettre des fiches comprenant le discours à tenir aux clients (voir encadré p. 22).

Muriel Jouas (Com2Crise)

Mailings, affichage, journées portes ouvertes... Tout est bon pour restaurer la confiance.

Hiérarchiser les clients auprès desquels communiquer

La communication ne se résume pas aux annonces diffusées dans les médias. Aujourd'hui, on parle beaucoup de porte-parole, de media-training, etc. Mais en temps de crise, les clients attendent un traitement plus personnalisé. Des messages non verbaux - comme la présence des employés dans les aéroports aux côtés des clients, dans le cas d'Air France -, sont souvent plus impactants que n'importe quel discours. Bien évidemment les personnes en relation avec les clients doivent être entièrement dévouées à eux, en se montrant disponibles et attentives. Envoyer des e-mails et des SMS aux clients permet également de les tenir informés de manière personnalisée, ce qu'ils apprécient. De plus, cette proactivité évite d'engorger les centres d'appels pris d'assaut. Lors de la crise liée à la hausse de la TVA, fin 2010, Orange a même proposé à ses clients un service de rappel par un expert. Non seulement le client se sent sérieusement pris en charge, mais il ne perd pas non plus son temps à attendre qu'un conseiller lui réponde au téléphone. En pleine crise, la situation se dégrade: moins opérationnel qu'en temps normal, ce type de fonctionnement ne permet pas toujours de répondre à toutes les attentes et à tous les publics. « Il est possible de répondre à certaines interrogations mais pas forcément à toutes. Il faut se demander quels choix effectuer sur les actions à mener et les communications à lancer en priorité, et quel type de clientèle privilégier », note François Martel (Acemis) . Bien sûr, la priorité concerne avant tout la sécurité des personnes et des biens, puis les enjeux économiques.

François Martel (Acemis)

Il faut s'assurer de la bonne formation des équipes qui viendront en renfort.

L'aide précieuse du Web

Aujourd'hui, les nouvelles technologies représentent de précieux outils en période de crise. En effet, elles permettent d'offrir aux clients un traitement personnalisé et de proximité. Si l'envoi d'e-mails et de SMS apparaît comme une bonne idée, le site Internet des entreprises peut aussi être d'un grand secours lors de périodes difficiles. « Internet est un outil-clé car il permet d'informer rapidement les publics les plus concernés », précise Stéphanie Bastide (Wellcom). La plupart des sociétés en crise diffusent des communiqués sur leur site Internet. D'autres, comme Orange, mettent à disposition des internautes des FAQ visibles directement sur leur page d'accueil.

Patrick Lamarque (Eléas) conseille également d'intervenir sur les forums et les médias sociaux, voire de préparer des blogs dormants à activer au moment où la crise surgit. « Il convient d'injecter des informations au fil du temps, afin qu'elles soient reprises par les blogueurs, les sites communautaires, les réseaux sociaux, etc. Utiliser des photos et des vidéos peut également se révéler utile », indique-t-il. Le blog de Michel-Edouard Leclerc est un bel exemple de ce qui peut être réalisé. «De quoi je me M.E.L.» permet au directeur général des chaînes de supermarché de répondre en direct à toutes les critiques qui lui sont faites. Air France, de son côté, intervient sur les médias sociaux, dont Twitter et Facebook. « Le but est de faire passer le plus largement l'information », explique Diane Laurent-Jubin. Chez Orange, la page Facebook, opérationnelle depuis quelques mois, n'a pas encore été utilisée dans le traitement des crises. « Pour l'instant, les clients l'utilisent pour s' entraider, précise Fabrice André, directeur de la relation client d'Orange. Ils s'apportent mutuellement des réponses, validées par les community managers. » Un bon réflexe si l'on en croit Didier Heiderich (Observatoire international des crises), qui se désespère de voir toutes les entreprises jouer aux apprentis sorciers en se précipitant sur les médias sociaux pour communiquer, sans savoir les utiliser correctement: « Les nouveaux médias peuvent être utilisés en situation de crise si, et seulement si, l'organisation les maîtrisait auparavant », écrit-il dans son livre Plan de gestion de crise. Il rapporte l'exemple récent de Quick, qui a décidé de ne communiquer que sur Facebook au sujet de la crise d'intoxication alimentaire. La communication s'est mise en place sans réel contrôle. Bilan: tout et n'importe quoi s'est dit sur le média social, les salariés de Quick se défendant même en écrivant que les clients étaient sales, vu l'état des toilettes... Peut mieux faire en matière de relation client! « De tels propos sont inacceptables. Cela montre l'importance du community management, poste trop souvent confié à de petits jeunes qui débutent », se désole Didier Heiderich.

Autre risque majeur: sur Internet, les informations circulent très vite. Les entreprises doivent donc valider chaque information sortante, malgré le rythme effréné du Web. En communiquant sur les médias sociaux, le risque est grand de perdre rapidement le contrôle de la conversation, notamment auprès des clients. Didier Heiderich appelle également à se méfier des «trolls», ces messages postés par des internautes malveillants qui aiment semer la zizanie sur le Web et ont pour seul but de créer la polémique. Pour sa part, Antoine Boulay (Vae Solis) évoque le symbole de David contre Goliath: les petits (les consommateurs) peuvent s'attaquer aux gros (les grands groupes) , en postant des remarques légitimes ou illégitimes. Remarques auxquelles il faut répondre sans pour autant surréagir... Ce qui risquerait de créer la polémique à partir de rien et de générer une crise. Au Canada, Nespresso a justement créé sa propre polémique il y a quelques mois. Suite au tweet d'un client mécontent, qui attendait son café depuis 30 minutes, le siège lui-même a appelé le café concerné pour lui demander de servir le client en question. Une réaction quelque peu disproportionnée par rapport au geste du client qui s'est exprimé via son compte Twitter. Internet reste néanmoins très utile pour anticiper les crises (voir encadré) . Orange, par exemple, a pu gérer sans trop d'encombre le problème rencontré lors des envois multiples de SMS le jour de l'An 201 1. En effet, l'opérateur a été alerté dès le lendemain par les remarques d'internautes sur les forums, avant même que la presse ne s'empare de l'affaire. Il a donc pu réagir dès le surlendemain, avant que la polémique ne s'enflamme. A double tranchant, Internet représente ainsi, en temps de crise, un outil d'anticipation et de communication réactif, à condition que l'entreprise sache s'en servir.

Bien gérer son après crise

Une fois la crise retombée, il ne faut pas oublier de le dire, faute de quoi vous risquez de la voir s'efflocher dans le temps et de laisser planer le doute sur votre marque. « Toute crise a une fin, qu'il faut symboliser en mettant en place une communication spécifique pour tourner la page. Si la sortie de crise n'est pas officiellement entérinée, les clients continueront à en parler », rappelle Patrick Lamarque (Eléas) . Ainsi, suite aux intempéries de Noël, le directeur général d'Air France / KLM, Pierre-Henri Gourgeon, a adressé un courrier aux clients du programme de fidélisation pour s'excuser de ce qu'ils venaient de vivre. De son côté, Orange a pris l'habitude d'envoyer des e-mails ou des SMS aux clients touchés, voire de les appeler pour les cas les plus critiques. Muriel Jouas (Com2Crise) appelle cette démarche le Parc: Plan d'action de reconquête des cibles. « Il faut chercher à restaurer la confiance. Mailings, journées portes ouvertes, affichage... Peu importe le canal, du moment que les clients sont informés et rassurés », insiste- t-elle. Il peut arriver également que certaines entreprises décident de rompre radicalement avec leur ancienne image. C'est le cas du Crédit Lyonnais devenu LCL, ou de France Télécom, qui a vu son président, Didier Lombard, démissionner. L' après-crise est aussi l'heure du bilan pour analyser ce qui a marché et ce qui a moins bien fonctionné, et ainsi mettre en place une nouvelle stratégie sur certains pans de l'organisation. « Une crise mène forcément à une réorganisation », ajoute Stéphanie Bastide (Wellcom). Débriefer permet à la fois d'éviter que la crise ne se reproduise et d'améliorer sa communication client. « Chaque crise nous incite à revoir nos procédures et à élargir les situations. Lors de la crise du volcan islandais par exemple, nous avons dû mettre en place des processus plus robustes et être plus précis, indique Diane Laurent-Jubin (Air France) . Nous continuons à travailler pour améliorer notre dispositif. Et à la prochaine crise, nous apprendrons encore plus », conclut-elle. Un bilan et une réorganisation qui se révèlent essentiels pour repartir sur de bonnes bases et, ainsi, préparer l'avenir. C'est grâce à l'analyse de la situation et à une certaine remise en question que l'entreprise pourra répondre au mieux au prochain incident.

LA CAF FACE AU PHISHING

En octobre 2009, des milliers de Français ont reçu un e-mail émanant prétendument de la Caisse des allocations familiales (CaF). Dans un message accompagné de son logo, l'organisme demandait aux allocataires de communiquer leur numéro de carte bancaire afin de bénéficier d'une réévaluation pouvant atteindre quelques centaines d'euros. La CaF était victime d'une pratique frauduleuse appelée le phishing. Une véritable crise pour la branche famille de la Sécurité sociale, qui a craint un problème d'image: « Un allocataire qui se fait berner par ce genre d'e-mails frauduleux se retournera forcément vers sa caisse », souligne Guillaume Peyroles, responsable des relations presse de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).


Cap sur l'information des allocataires après s'être assurée que le problème ne venait pas de l'interne, la CaF a mis le cap sur l'information multicanal. Sur la page d'accueil de son site, elle a posté des messages d'alerte pour rappeler aux usagers que leur numéro de carte bancaire ne leur était jamais demandé et qu'ils devaient impérativement supprimer ce genre d'e-mails. Des messages vocaux ont été diffusés sur les accueils téléphoniques des 23 caisses régionales. Parallèlement, la CaF a organisé une campagne d'e-mailing afin d'avertir les allocataires qui ne s'étaient pas manifestés auprès de leur caisse. Pour compléter le dispositif, les conseillers aux guichets et sur la plateforme téléphonique ont reçu une formation ad hoc. « ils conseillaient notamment aux personnes fouées de contacter leur banque, et les aidaient à recréer un compte sur le site de la CaF », précise Guillaume Peyroles. La communication semble être bien passée auprès des usagers. « en général, les allocataires ont fait preuve d'une grande compréhension », rapporte Guillaume Peyroles. La CaF reste cependant vigilante: les services informatique et juridique sont sur le pied de guerre. au jour le jour, ils suivent les risques de nouveaux phishings et de piratage du système d'information.

EVE MENNESSON

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