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Fumer ou téléphoner, il va falloir choisir…

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Au regard de l'organisation du travail et des populations qu'ils emploient, les centres d'appels sont particulièrement concernés par la réglementation sur l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif dont l'origine remonte à la loi Evin du 9 juillet 1976.

Interdiction de fumer

La difficulté en la matière provient de la notion même de “lieux de travail affectés à usage collectif”, telle que précisée par le décret du 29 mai 1992. Cette question a cependant été tranchée dans un arrêt du Conseil d'Etat du 9 juillet 1993 statuant sur la requête de l'association “Collectif pour la défense du droit et des libertés”. Pour le Conseil d'Etat, il ne fait nul doute que “les lieux de travail et les bureaux où sont réunies deux ou plusieurs personnes sont au nombre des lieux affectés à un usage collectif, dans lesquels il est interdit de fumer”, sauf dans les espaces “fumeurs”. En conséquence, les plateaux où travaillent, en open space, des dizaines de téléconseillers constituent des lieux de travail affectés à un usage collectif sur lequel l'employeur doit veiller au respect de l'interdiction de fumer ou décider de réserver des emplacements à la disposition des fumeurs. Quelles sont donc la nature et la portée de l'obligation de l'employeur en matière d'interdiction de fumer ? C'est à cette question que répond la Cour de cassation dans l'arrêt du 29 juin 2005. Une salariée avait demandé à son employeur de prescrire une interdiction générale et absolue de fumer dans le bureau à usage collectif qu'elle occupait. L'employeur avait alors interdit aux autres salariés de fumer en sa présence et apposé des panneaux “Interdiction de fumer” dans le bureau qu'elle occupait. La Cour de cassation, comme la Cour d'appel de Versailles, a alors jugé que l'apposition dans le bureau de panneaux d'interdiction de fumer était insuffisante au regard du respect de la législation antitabac. L'employeur est donc tenu à une véritable obligation de sécurité et de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne la protection contre le tabagisme dans l'entreprise. Quels sont les lieux de travail dans lesquels il y a une interdiction absolue de fumer ? Il s'agit de tous les locaux clos et couverts affectés à l'ensemble des salariés, tels que les locaux d'accueil, de réception, les locaux affectés à la restauration collective, les salles de réunion et de formation, les salles et espaces de repos, les locaux réservés aux loisirs, à la culture et aux sports, les locaux sanitaires et médicaux sanitaires et les bureaux collectifs (CE 9 juillet 1995) (art. R.3511-4 du Code de la santé publique).

Quelles mesures ?

Quelles sont les sanctions en cas de manquement à l'interdiction absolue de fumer ? On le sait, la seule mention de l'interdiction de fumer est insuffisante pour caractériser le respect par l'employeur de son obligation de sécurité et de résultat. L'employeur doit mettre en place un véritable plan d'action en plusieurs étapes, pour se donner le temps et les moyens de parvenir à cet objectif. Le temps, car si l'entreprise n'a rien fait, il est vain de croire que l'interdiction de fumer sera respectée immédiatement par tous. Il convient donc de fixer un délai, qui peut être de six mois, pendant lequel il faut espérer que les salariés non-fumeurs ne prendront pas tous acte de la rupture de leur contrat de travail…

Les moyens

Tout d'abord, il s'agit de respecter les prescripteurs réglementaires, c'est-à-dire, après consultation du médecin du travail, du CHSCT, des délégués du personnel : - dans les locaux visés par l'interdiction de fumer, prévoir un plan d'aménagement des espaces (et du temps) pour les fumeurs. Il convient, à cet égard, de vérifier si les accords d'aménagement du temps de travail ont prévu des temps de pause ou des temps de déconnexion autorisés. Le fumeur non reconverti pourra alors fumer pendant le temps de pause dans un lieu réservé à cet usage. Ajoutons que le plan d'aménagement des espaces fumeurs n'est pas obligatoire ; - dans les autres locaux, prévoir un plan d'organisation ou d'aménagement destiné à assurer la protection des non-fumeurs. Si ces mesures sont insuffisantes, il faudra recourir aux prérogatives disciplinaires de l'employeur pour dissuader les fumeurs. Enfin, ce dispositif ne pourra fonctionner sans un véritable plan de ­communication et d'aide aux fumeurs mis en œuvre avec l'aide du médecin du travail, de la Cram ou des associations de lutte contre le tabagisme.

Cyril Parlant

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