France, ton attractivité fout le camp
Le cabinet conseil Ernst & Young publie l'édition 2002 de son baromètre
"Attractivité du site France", qui fait état de la perception qu'ont les
dirigeants européens et américains de l'Hexagone et des pays voisins en matière
de localisation. Où il apparaît que les décideurs interrogés distinguent
nettement deux zones d'attractivité en Europe, aux caractéristiques opposées,
du moins complémentaires. La première est constituée de la France et de
l'Allemagne : un modèle économique continental avec une réelle qualité
d'infrastructures et d'environnement, mais un coût fiscal et social très élevé.
La deuxième zone recouvre le Royaume-Uni et l'Irlande : un modèle économique
plus libéral reposant sur une flexibilité maximale en matière de droit du
travail et des sociétés, mais sans les facilités naturelles (accessibilité ou
qualité de vie) de la France ou de l'Allemagne. Sur l'ensemble de l'Europe,
alors que le nombre des implantations industrielles s'est quasiment maintenu,
certaines fonctions de services ont souffert de la forte réduction des
implantations américaines, notamment en ce qui concerne les centres d'appels :
l'implantation des call centers américains enregistre une diminution de l'ordre
de 50 % entre 2000 et 2001. Le Royaume-Uni et l'Irlande sont jugés très
attractifs pour les centres d'appels (39 %) et les fonctions de back-office
administratif/comptable (38 %). Des secteurs où la France se classe
respectivement en troisième et deuxième positions (16 % et 19 %). L'Hexagone
arrive en revanche en tête des citations pour son attractivité concernant
l'accueil des centres de recherche et développement et de design, et remporte
les suffrages avec le Benelux concernant l'implantation de plates-formes
logistiques.
Le mauvais ratio implantations/PIB de la France
Deuxième pays d'accueil en Europe en nombre d'implantations
(13 % des sites), la France se place en cinquième position en termes de
montants investis, très largement dépassée par l'Allemagne le Royaume-Uni, la
Belgique et le Luxembourg et en plus léger retrait derrière les Pays-Bas. Avec,
en ce qui concerne l'Hexagone, une certaine prégnance des investissements
industriels (unités de production et centres logistiques). En fait, la France
réalise une performance bien faible au regard de son poids économique. "Face à
elle, plusieurs "petits pays" (Irlande, Suède, Belgique), parce qu'ils ont fait
le choix d'attirer des fonctions tertiaires et stratégiques comme les centres
d'appels ou les centres de services partagés, réalisent un score remarquable
malgré la taille de leur économie domestique ou leur éloignement des marchés
majeurs", commente le rapport d'Ernst & Young. Ainsi, le ratio
implantations/PIB de la France est trois fois inférieur à celui de l'Irlande,
deux fois inférieur à celui de la Belgique et de 50 % inférieur à celui du
Royaume-Uni. Qui plus est, le nombre d'implantations sur le territoire français
enregistré en 2001 accuse une baisse de 24 % par rapport à 2000 (- 12 % pour
l'ensemble de l'Europe). Enfin, de manière plus prospective, un quart de
l'échantillon (20 % des patrons européens, 43 % des américains) envisage dans
le futur de délocaliser tout ou partie de leurs activités implantées en France,
autrement dit de les arrêter ou de les transférer. Les attentes majeures des
dirigeants en matière d'implantation portent sur la proximité du marché cible,
les infrastructures techniques et le social. Quant aux améliorations suggérées
par les dirigeants interrogés pour la France, elles n'étonneront personne :
réduction des charges sociales (59 %), assouplissement de la réglementation du
travail (48 %), réduction de l'impôt sur les bénéfices et sur la taxe
professionnelle (35 %), simplification des procédures administratives (28 %)...
"Les atouts sur lesquels la France est jugée performante sont certes
fondamentaux, mais ils ne lui sont pas spécifiques. En revanche, les handicaps
sur lesquels porte la critique des décideurs n'appartiennent pour l'essentiel
qu'à elle. Au contraire de l'Allemagne qui "assume" ses coûts élevés et met en
avant la force de son marché et les compétences de ses salariés, au contraire
du Royaume-Uni qui affiche une politique fiscale et sociale incitative, la
France paraît vouloir jouer sur tous les tableaux en n'excellant sur aucun",
remarquent les rapporteurs d'Ernst & Young. Parce qu'elle n'a sans doute pas
assez fait de l'exigence de rentabilité des entreprises une priorité
stratégique dans la définition de ses conditions et de ses infrastructures
d'accueil, la France pourrait prendre le risque d'hypothéquer sérieusement son
pouvoir d'attraction et de geler le mouvement des implantations dans ses
régions. D'ailleurs, pour 41 % des dirigeants interrogés, l'attractivité de la
France s'est d'ores et déjà dégradée et deux entreprises internationales sur
trois considèrent que leur avenir ne passe pas par la France.
Méthodologie
Du 13 au 27 mars 2002, la société d'études Scan Research, mandatée par Ernst & Young, a interrogé par téléphone 200 dirigeants d'entreprises françaises et internationales de toutes tailles. L'échantillon compte 45 % d'entreprises européennes (hors France), 27,5 % de françaises et 25 % d'américaines.