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Fabrice André Directeur de la relation client France d'Orange et de France Télécom

En 2008, Orange se classe numéro un au TMCC et est «Elu Service Client de l'Année» pour la téléphonie mobile. Le fruit d'une démarche rigoureuse, comme l'explique Fabrice André, lui-même Meilleur Directeur de la relation client dans le cadre des Palmes de l'AFRC.

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Après avoir occupé des fonctions commerciales, de R&D, de management... comment devient-on directeur de la relation client?

On le devient si l'on manifeste, d'une façon générale, une certaine appétence pour le client. Si l'on a déjà démontré, dans sa façon de travailler, que l'on a tendance à aborder les questions par le biais du client; ce qui présente souvent l'avantage de simplifier les décisions. Ensuite, c'est un métier de management - nous comptons 17 000 conseillers internes, plus de 4 000 externes. C'est par ailleurs une fonction qui exige d'employer des méthodes industrielles, au sens «Toyota» du terme, c'est-à-dire faire en sorte que toute l'entreprise soit tirée par le client et exiger de supprimer toutes les causes de non-qualité. Enfin, elle demande de toujours avoir le souci de faire mieux à moindre coût. Je crois donc que les trois clés sont le souci du client, la conviction que l'on peut réussir si les conseillers sont performants et la prise en compte des spécificités de l'industrie des services.

Quelle est la mission de la direction de la relation client France?

Elle prend en charge le service clients grand public en France des produits mobiles, fixes et Internet, des marques Orange et France Télécom, à l'exception de l'assistance technique internet, qui possède certaines spécificités en termes de métier et de coûts. L'activité recouvre toute la relation client par téléphone, les processus d'accueil, de montée en valeur ou de vente par téléphone, de réclamations, de recouvrement, de fidélisation, l'assistance technique et le service après-vente du mobile.

Comment est positionnée votre direction au sein de l'organigramme?

Elle dépend de la direction commerciale France, tout comme l'Internet, la distribution et la relation client on line, avec laquelle la relation client à distance est très liée. Je n'atteins mes objectifs que si ma collègue du on line réalise les siens. Et, même si je ne le pilote pas, le on line est l'un de mes leviers pour réduire les coûts ou améliorer l'expérience client; ma collègue s'assurant, de son côté, que la performance on line est bonne.

«L'expérience client doit être la plus homogène possible»

Avez-vous une organisation multicanal?

Je n'aime pas le terme «multicanal» parce qu'il signifie souvent que les clients ont en face d'eux plusieurs canaux et que l'on essaie d'effectuer des transferts de clients entre ces canaux. Ce qui n'est pas la bonne façon de procéder. En effet, il est nécessaire de construire des parcours clients; un client pouvant, dans un même acte, faire appel à plusieurs canaux interagissant entre eux. Normalement, les outils CRM doivent permettre de mettre en place ce type de fonctionnement. Honnêtement, nous n'avons pas encore abouti à des outils complètement multicanal, multiproduits. Mais nous nous y attelons. Même si nous avons une organisation avec une personne à la tête de chaque canal, la finalité est bien que le client considère Orange comme un tout. Il doit connaître une expérience la plus homogène possible. Et s'il existe des différences d'offres, de tarifs... entre les canaux, celles-ci doivent être compréhensibles et expliquées.

«La satisfaction de nos conseillers est aussi un levier de performance.»

De quels moyens dispose votre service?

Nous utilisons un modèle en parcs, autrement dit, nous confions à chaque centre entre 200 000 et un million de clients. Le patron du centre, qui dirige entre 400 et 1 000 conseillers, dispose d'indicateurs-clés: la satisfaction exprimée par le client, la valeur de sa base et son augmentation, et la performance du centre en termes de coûts. Au sein du site, les équipes traitent l'ensemble des processus relationnels. Ce modèle fonctionne pour nos centres internes chargés du mobile et d'Internet ainsi que pour nos centres externes. Nous comptons désormais des centres qui traitent les clients pour l'ensemble de nos offres, fixe, mobile et Internet. Ce point est très important, car notre marque est unifiée et le client a du mal à comprendre qu'il doive changer de numéro ou d'interlocuteur selon que ses questions portent sur son mobile ou Internet. Pour le moment, quelques centaines de milliers de clients sont ainsi traités de manière homogène.

Combien de clients traitez-vous?

Cinquante millions. Sachant que, dans ce chiffre, certains clients sont comptabilisés plusieurs fois. En termes de comptes, nous avons 20 millions d'accès au téléphone fixe, 8 millions à Internet et 22 millions au mobile grand public.

Et de combien de centres clients disposez-vous?

Vingt-deux centres internes, répartis sur toute la France, et une douzaine de centres externes, d'environ 400 collaborateurs, implantés dans des villes de province de taille moyenne. Nous ne faisons plus appel à des sous-traitants en Ile-de-France pour des raisons de turnover. La quasi-totalité de nos activités commerciales s'effectuent dans l'Hexagone. Quelques activités de back-office sont traitées en off-shore, principalement l'assistance technique internet, avec un équilibre entre offshore et France.

Quelle est la tendance en termes de répartition entre France et off-shore?

Cet équilibre est assez stable. Après des allers et retours, nous avons plutôt focalisé l'offshore sur des activités assez scriptées, sur lesquelles l'autonomie d'un conseiller peut être plus faible. De plus, dans certaines villes comme Casablanca, on retrouve les phénomènes de turnover de la région parisienne. Il faut donc tenir compte de ce point et fournir aux téléconseillers un métier dont le temps d'apprentissage n'est pas très long.

Comment ont évolué les objectifs prioritaires de la relation client chez Orange?

A la fin des années quatre-vingt-dix, lors de la création des activités mobiles, le service clients était plutôt considéré comme un mal nécessaire. Avec le téléphone mobile, nous nous sommes rendu compte que le service clients était fortement partie prenante des services fournis. Dès le début des années 2000, nous avons donc effectué un travail de fond pour faire du service clients un élément de l'offre et un atout pour la marque Orange. C'est à cette époque qu'a été construit le modèle industriel en parcs, mis en place en 2002 pour le mobile. Le passage vers ce modèle pour le fixe et Internet a commencé en 2005-2006. Leur service clients était alors orienté sur la vente. Cependant notre métier repose sur trois piliers: la satisfaction client, la valeur de la base clients et la performance opérationnelle. Il faut réussir sur les trois et, si l'on met trop l'accent sur la vente, nous risquons, par exemple, de vendre à un client ce qu'il ne souhaite pas nécessairement. Un tel choix se fait au détriment de la satisfaction et des coûts, car le client va vouloir par la suite se rétracter. Progressivement, nous avons donc cherché à rééquilibrer le service clients internet et fixe sur ces trois piliers. Aujourd'hui, nous nous orientons vers un modèle équivalent sur l'ensemble de nos offres. Mais nous devons gérer un historique difficile, car nous avons des SI différents pour le mobile, le fixe et l'Internet, avec des facturations propres...

Quelle politique a été mise en oeuvre pour progresser sur ces trois piliers?

Avant tout, nous nous assurons que les ressources sont suffisantes et qu'elles savent répondre aux appels et instaurer un bon dialogue. Une fois la qualité de service garantie, nous pouvons créer de la valeur en formant nos conseillers pour placer des offres nouvelles, en leur fournissant des incentives, les outils CRM pour proposer à chaque client l'offre qui lui correspond le mieux grâce à une vision de son historique. Car l'idée est de faire de la valeur ciblée. Ensuite, nous travaillons sur la performance pour que tous les processus - nombre d'appels à l'heure, durée de traitement... - fonctionnent bien. Pour réussir sur ces trois piliers, nous focalisons nos actions sur un quatrième: rendre nos ressources humaines les meilleures possible et donc travailler sur toutes les dimensions - formation, management, animation, rétribution, conditions de travail... - avec des plans d'actions destinés à faire grandir nos conseillers. Leur satisfaction est aussi un levier de performance. Nous exerçons une profession récente où les canons industriels ne sont pas complètement cristallisés, mais il est certain qu'un conseiller a besoin d'être entouré, suivi, managé... Il est dommage que notre métier ait une image aussi caricaturale parce que la vie des conseillers n'est pas celle qu'imagine le grand public. Transformer cette image est l'un de nos enjeux collectifs.

Comment pensez-vous y parvenir?

Des outils tels que le Label de responsabilité sociale - auquel nous postulons pour nos centres internes, avec un audit en janvier 2009 - peuvent nous y aider. Et je ne pense pas qu'il s'agisse d'une cause perdue. Mon homologue de Deutsche Telekom a réussi à faire en sorte que tous les employés cherchent à devenir téléconseillers. C'est le premier métier pour lequel cet opérateur a apporté une vraie promesse multiproduit, multicanal, en adéquation avec la stratégie de l'entreprise. Chez Orange, nous avons l'intention de réussir à rendre ce métier attractif, d'en faire une communication positive via la démonstration, par les conseillers eux-mêmes, que ce métier est un beau métier, où l'on n'est pas lâché dans la nature; ce que redoutent beaucoup de ceux qui en entendent parler.

Comment mesurez-vous la satisfaction client?

Nous effectuons un sondage permanent de satisfaction commerciale, avec les méthodes Scorange pour le mobile et Scorehome pour Internet. Depuis 2007, nous avons mis en place le NPS (Net Pro-moter Score), qui nous fournit des indicateurs différents et complémentaires, parce qu'un client ne juge pas seulement le contact qu'il a eu, mais toute son expérience avec Orange. Tous ces éléments nous aident à progresser, à être meilleurs dans chaque processus, sur chaque canal.

Justement, quelle est votre stratégie en termes d'évolution des canaux?

Une majorité de nos transactions, tous types confondus, passent déjà par des moyens automatisés. Notre souhait est de donner de plus en plus la main à nos clients pour qu'ils fassent tout ce qu'ils veulent par eux-mêmes. Nous cherchons donc à les pousser vers des moyens automatisés, mais dans une optique client, avec une expérience qui soit au moins aussi bonne, sinon meilleure, que par le canal classique. Mais il existe des actes pour lesquels la plus-value d'un être humain est forte, tels que la résiliation d'un contrat; la résiliation d'une simple option pouvant, elle, être automatisée. Nous avons établi des matrices de tous nos actes commerciaux avec lesquelles nous évaluons le degré d'automatisation possible. Par exemple, nous aimerions que, d'ici quelques années, 20% de nos actes marchands soient réalisés on line.

Le service clients est-il considéré comme un centre de coûts ou de profit?

Quand on travaille avec un contrôleur de gestion, on démontre facilement la rentabilité du service. Son effet, ne serait-ce que sur la fidélisation ou la rétention, suffit largement à le payer. Et d'autant plus lorsque l'on y ajoute son effet sur la valeur de la base, par le placement de produits qui augmentent l'ARPU (Average Revenue Per User, NDLR), le fait qu'il permet de conquérir la moitié de nos accès Internet... Son coût est largement couvert par le chiffre d'affaires préservé ou créé chaque année. Mais il est sûr que, dans les comptes d'Orange, c'est un poste de coûts qui se voit.

Orange et vous-même avez cumulé les récompenses en 2008. Quel est votre ressenti?

Je suis arrivé assez récemment à ce poste. Le mérite n'en revient donc pas à moi seul, mais à tous ceux qui se sont engagés dans le projet depuis des années. Orange a réussi à bâtir un outil d'une très grande qualité qui fait référence en termes d'organisation, de fonctionnement, de certains principes... Cela montre que nous avons sans doute pris la bonne voie. Mais il reste beaucoup à faire. Un client doit être ravi à l'issue de chaque contact; ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. J'aimerais que notre NPS soit significativement supérieur à celui de certains de nos concurrents; nous avons reçu peu de prix sur notre service clients internet et fixe... Nous avons donc encore plein de batailles à gagner.

Entreprise

- Orange est la marque phare du groupe France Télécom, qui comptait, au 30 septembre 2008, plus de 177 millions de clients sur les cinq continents, dont les deux tiers sous cette marque.
- Le groupe totalisait 117,6 millions d'abonnés au mobile et plus de 12 millions au haut débit.
- Le groupe a réalisé un CA consolidé de 52,9 MdEuros en 2007, dont 43% en France.
- CA France 2007 pour le mobile: 9,9 MdEuros
- CA France 2007 pour le fixe et Internet: 17,9 MdEuros
- Parts de marché 2007: 72% voix (fixe) et 49% ADSL
- 22 centres internes de relation client et une douzaine de centres externes en France.
- 1,2 million d'appels entrants par semaine.

Parcours

Fabrice André, 48 ans, est diplômé de l'Ecole polytechnique (1983) et de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications Paris (1985) et titulaire d'un International Management Certificate de l'Essec-IMD (1999). Il a commencé sa carrière comme développeur de logiciels en Californie avant de devenir responsable de la Division ingénierie des réseaux à la Direction des réseaux nationaux de la direction générale des télécommunications de 1985 à 1989. Puis, il exerce dix ans au Centre de recherche de France Télécom (Cnet), devenu Orange Labs. Directeur de l'agence Seine-et-Marne de France Télécom en 1999, puis directeur régional de la région Alpes en 2002, il est nommé directeur du marketing de commercialisation en 2004, puis directeur du pilotage commercial France de France Télécom. En septembre 2007, il prend la direction de la relation client France d'Orange et France Télécom.

Français ROUFFLAC

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