Européaniser pour mieux gérer
La relation client de Microsoft France change. Nouveaux prestataires, nouvelle dimension. Elisa Ara-Fontaine, directeur Satisfaction et Services Clients, et Sophie Dominjon, responsable du Département Services Clients, en traçent les nouveaux contours.
Comment le service client s'est-il organisé face au virus Blaster?
Elisa Ara-Fontaine : Une crise débutant un 12 août ne
commence pas au meilleur moment. Nous avons reçu 58 000 appels entre le 12 et
la fin du mois. D'habitude, si nous dépassons 3 000 appels, c'est un maximum.
Mais, sur ce chiffre, il faut préciser qu'il n'y avait que 20 000 incidents.
Dans un certain nombre de cas, nous avons pu faire du préventif. En 48 heures,
nous avons pratiquement doublé les équipes des centres d'appels et lancé un
plan de communication. Notamment pour le grand public. Comme le renforcement
des équipes n'a pas suffi, nous avons mobilisé des compétences en interne. Cela
prouve aussi que notre culture d'entreprise nous pousse à être très solidaires
lorsque ce genre de situation arrive.
Avec le recul, quel bilan faites-vous de votre gestion de crise ?
E. A-F : De par notre
infrastructure mutualisée, nous n'étions pas dimensionnés pour recevoir ce
nombre d'appels. C'est vrai pour la France mais aussi pour l'Allemagne et
l'Angleterre où il y a eu des pics entre 10 000 et 20 000 appels par jour. Nous
avons également constaté le besoin d'allier des modes d'information en ligne
avec des modes de communication comme la radio ou la télé.
Vous parlez “des centres d'appels”, “d'infrastructure mutualisée”.Quel est le dispositif de relation client de Microsoft France ?
E. A-F : Nous
reconnaissons deux principaux métiers à la relation client. Le premier est
généraliste, d'accueil et d'information. C'est celui du service client. Pour ce
métier, nous avons un partenaire européen stratégique, Sitel. Quand je dis
Europe, cela concerne trois pays : l'Allemagne, l'Irlande et la France. Si les
performances du prestataire sont à la hauteur de nos attentes, il est probable
qu'il s'occupe d'autres pays (7 centres à terme, ndlr). Le second métier est
celui du support technique. Là, nous sommes face à des populations plus
techniques sur une technologie donnée. Nous avons trois partenaires : HP,
Help-Line et Sitel. Ils prennent les appels des clients avec un contrat ou les
appels liés à des produits sous garantie. Et puis, il y a un troisième métier.
Celui de la télévente, qui consiste à de la prise de contacts auprès des
clients et partenaires de Microsoft. Notre partenaire est, là aussi, Sitel.
Pourquoi avoir fait le choix d'un service client paneuropéen ?
E. A-F : Il est paneuropéen dans ses modalités, ses process, son
infrastructure. En même temps, il est organisé par langues. Le centre français
(au sud de Paris, ndlr) rend les services aux pays francophones. Dans ces
différents centres européens, l'idée est d'offrir ce que nous appelons une
“expérience client”. C'est-à-dire : “qu'est-ce que je vis quand je suis en
contact avec Microsoft ?”. Cette expérience doit être équivalente dans chaque
pays. Elle doit être enrichie des bonnes pratiques de chacun d'eux.
Cette uniformisation ne nuit-elle pas à la flexibilité ?
E. A-F : C'était notre crainte, dans le sens où nous connaissons
bien les standardisations, les rationalisations, les nivellements par le bas…
Nous avons été favorablement impressionnés. Nous avons pu maintenir les
variations (indicateurs qualité, ndlr) qui étaient déterminantes dans la
relation client de chaque pays avant cette réorganisation.
Comment vous y êtes-vous pris ?
E. A-F : Nous avons identifié les
paramètres nécessaires à cette relation. Ils vont du décroché aux compétences
des agents, en passant par le temps de réponse au mode de clôture de l'appel…
Nous connaissons pour chaque marché la performance attendue par les clients.
Ce modèle nous permet d'adapter l'offre de services à l'attente des clients et
d'être sur des indicateurs identiques dans chaque pays. Pour les identifier,
nous avons demandé aux clients si ce type de critères est important pour eux et
à quel niveau de performance ils les attendent.
Comment en êtes-vous arrivés là ?
Sophie Dominjon : La démarche a commencé en
1999. A l'époque, nous pensions que l'infrastructure était importante et qu'il
nous fallait quelqu'un de compétent. Nous avions choisi France Télécom en
partenariat avec D interactive. Au final, nous avions occulté la partie
ressources humaines qui est essentielle dans un call center. Elle est carrément
fondamentale. Ce sont les hommes qui créent la relation client, qui nous aident
à l'assumer. Nous avons inversé le modèle en prenant un prestataire qui gère
bien les ressources humaines et dont c'est le métier. Même si les deux modèles
fonctionnent.
De combien d'agents disposez-vous en France ?
S. D : Avec notre modèle européen, nous avons le même nombre
d'agents qu'avant. Pour le service d'information et d'accueil, il y a 70
personnes. Pour celui du support technique, entre 50 et 70. Pour la partie
télévente, ce sont environ 70 agents qui passent dans les 6 000 appels par
mois. Pour l'organisation des services, nous essayons d'apporter plus de valeur
ajoutée sur le temps de parole, par exemple.
Combien d'appels traitez-vous ?
S. D : Dans les années 2000, tous services
confondus, nous traitions 5 000 appels par jour. Aujourd'hui, nous sommes
plutôt sur une tendance de 3 000 appels quotidiens. Et ce, malgré un numéro
unique, pensant que cela serait plus simple pour nous contacter. Quand on
analyse pourquoi, il y a plusieurs raisons.
Lesquelles ?
S. D : Tout d'abord, nos partenaires jouent un meilleur relais.
Ensuite, notre site internet est mieux renseigné et plus simple. Nous sommes
donc la troisième source de renseignements. C'est en partie pour ça que nous
avons moins d'appels. Cela dit, ils augmentent quand nous lançons un produit,
une offre ou un programme. E. A-F : La typologie de l'appel a également évolué.
Avant, en moyenne, la durée d'un appel était de 4 minutes. Aujourd'hui, c'est
variable, mais, en moyenne, elle est plus longue : autour de 6 à 7 minutes.
C'est d'ailleurs un objectif que nous nous sommes fixés. Nous ne sommes pas
dans un modèle de production mais dans un modèle de qualité. Nous voulons que
les agents prennent leur temps.
Avec ce “modèle européen”, avez-vous amélioré “l'expérience client” ?
S. D : Nous étions déjà
dans une bonne dynamique de satisfaction client. Ce changement d'organisation a
été transparent. Nous avons tiré de bons enseignements de notre savoir-faire en
matière de centres d'appels. Nous n'avons pas constaté une montée significative
de la satisfaction client. Mais le nouveau centre n'est opérationnel que depuis
juin. Il faut bien attendre six mois pour voir les premiers bénéfices. Il n'y a
pas eu de chute, ce qui est le plus important. Le client a gardé la même
qualité de service. Nous espérons l'augmenter de manière significative dans les
deux ou trois mois qui viennent.
Quels sont vos indicateurs qualité ?
S. D : Un des indicateurs majeurs est la satisfaction client.
Tous les jours, nous avons une société (Ergo & Interview, ndlr) qui interroge,
sur l'ensemble de l'Europe, un panel de clients. Nous avons les résultats
quotidiennement. Notre objectif de satisfaction est de 90 % de clients
satisfaits… E. A-F :… ou très satisfaits. S. D : Le deuxième objectif est le
temps de décroché avec ce que l'on appelle les “services levels”. Ils sont
différents selon les pays. Par exemple, en France, quand nous étions dans
l'ancienne organisation, nous étions à 60 secondes maximum pour le temps de
décroché. Avec le modèle européen, nous sommes passés à trente secondes. Sur le
support technique, nous étions à 12 secondes en France et nous avons gardé ce
niveau. Nous avons aussi comme indicateur ce que nous appelons “la codification
et la qualification” de l'appel. C'est un objectif obligatoire. Chaque agent
doit renseigner la base d'information. Elle est exploitée pour améliorer nos
processus et connaître les thèmes importants pour les clients. E. A-F : C'est
vrai aussi pour la dimension on line avec les e-mails. Nous essayons de les
codifier parce qu'il y a une complémentarité avec le téléphone. Les
codifications tirées des appels téléphoniques permettent très souvent de mettre
le bon contenu sur le site web.
Est-ce qu'il existe des possibilités de débordement sur les autres plates-formes ?
S. D :
Non.
Alors, quel est l'intérêt de votre modèle européen ?
E. A-F : Le réseau. Nous sommes dans une logique de partenariat
avec un prestataire unique. Ce prestataire dispose d'une infrastructure qui a
cette flexibilité de gestion de l'ensemble des appels par pays. Déborder d'une
langue à l'autre n'est pas le choix que nous faisons aujourd'hui. Si nous avons
besoin de renforcer nos équipes, comme dans le cas du virus Blaster, nous le
faisons localement.
Quel est le profil des agents, et quelle formation reçoivent-ils ?
S. D : Le profil type est bac + 2 ou
plus avec des connaissances en informatique. C'est un prérequis indispensable.
Tout dépend aussi du service à intégrer. Nous formons les agents six semaines
avant de démarrer, sur les produits, les programmes ou encore la culture
d'entreprise. A partir de là, ils sont au téléphone. Et, au bout de trois mois,
nous estimons qu'ils commencent à avoir un bon niveau de compétences. Il y a
ensuite la formation continue.
Qu'en est-il ?
S. D :
Chaque semaine, les agents ont trois sessions d'une à deux heures sur les
actualités Microsoft. Cela consiste en un rafraîchissement de connaissances,
car nous sommes sur des gammes de produits assez vastes. Et permet également de
transférer la culture et la dynamique Microsoft. Surtout si nous souhaitons
qu'ils soient le reflet de l'entreprise. Il faut alors qu'ils aient un rappel
de ce que nous sommes et de comment nous souhaitons qu'ils répondent aux
clients. Nous analysons tous les jours les enquêtes. Nous leur remontons
l'information. Très honnêtement, leur taux de fidélité est très fort.
Comment vous assurez-vous de la qualité de service ?
S.
D : Nous avons monté une équipe très solide au-dessus des agents avec plusieurs
formateurs dédiés, des “quality monitoring”, c'est-à-dire des personnes qui
veillent à la qualité du discours. Pour le contenu, nous avons des “mentors”
qui sont des experts. Ce sont nos premiers niveaux d'escalade. Nous souhaitons
avoir une escalade présente sur le centre. Tous ces acteurs renforcent et
contribuent à la qualité de service de la relation client.
Passer de 22 centres d'appels à 7 prochainement, c'est aussi réduire les coûts ?
E. A-F : Au niveau européen, il y a une réduction de coût, mais
elle se situe entre 5 et 10 %. Avec ce chiffre, nous voyons bien que ce n'était
pas l'objectif principal. Maintenant, avec un prestataire et un opérateur
unique, nous économisons des montants que nous pouvons réinvestir ailleurs.
Nous sommes plus dans cette tendance que dans une rationalisation pure et
dure.
Vous sous-entendez que vous êtes un centre de coûts ?
E. A-F : Avec le temps, nos dépenses se sont réduites, ne
serait-ce que par la baisse du volume d'appels. Aujourd'hui, le fait que le
service clients soit présent au Comité de direction est le signe de
l'investissement de l'entreprise. Nous réfléchissons à l'enrichissement de la
relation de façon efficace et maîtrisée en matière de coûts.
Justement, quels sont vos projets ?
E. A-F : Nous
testons des évolutions du type push-to-talk ou “conseiller Hervé” (conseiller
virtuel, ndlr). Nous sommes à 20 % d'interactions par e-mail versus téléphone.
Ce qui n'est pas encore assez, mais nous laissons le choix au client. S. D :
Nous n'abandonnerons jamais le téléphone. Le client a toujours besoin d'avoir
un échange. La stratégie européenne tient à garder l'interaction humaine.
Quelle est la stratégie mondiale de Microsoft en matière de relation client ?
E. A-F : Il y a deux-trois ans, l'entreprise a pris
conscience de l'importance de cette relation client. Nous avions peut-être une
image d'entreprise trop orientée vers ses produits, ses technologies. De cette
prise de conscience est née toute la démarche de transformation de l'entreprise
vers plus d'interaction avec ses différents clients et marchés et un peu moins
vers des structures orientées technologie. Nous sommes plutôt dans une démarche
de synchronisation entre la relation client et l'apport de nouvelles
technologies.
En un mot, comment définiriez-vous votre service client ?
S. D : Nous sommes passés du centre de contacts au centre
de relation.
Quelle est la différence ?
S. D : Avant,
nous étions dans de la réponse avec juste ce qu'il faut. Maintenant, nous
sommes dans l'accompagnement du client. Nous allons au-delà du “juste ce qu'il
faut”. Nous essayons d'être plus actifs dans l'aide au client. C'est
probablement la grande différence de ce changement de modèle.
Biographie
Elisa Ara-Fontaine entre chez Microsoft France, en 1991, comme responsable informatique et télécoms. En 1997, elle est nommée responsable du marketing stratégique, englobant les études de marché et le CRM. Trois ans plus tard, elle devient responsable de la relation client. Depuis juillet 2002, elle est directrice de la Division Satisfaction et Services Clients. Elle a débuté sa carrière dans le conseil informatique. Sophie Dominjon débute, en 1990, comme ingénieur d'affaires grands comptes, secteur administrations, au sein de la filiale française. En 1996, elle devient Partner Account Manager auprès des grands intégrateurs. Au bout d'une année, elle est nommée responsable de la relation avec l'éditeur SAP sur la partie solutions et conseils. En 1999, elle mène le projet d'outsourcing des services clients de Microsoft France dont elle devient responsable.