Dimensionnement : Entre qualité et productivité, la gestion de l'inconnu.
Adapter l'offre à la demande, répondre aux flux sans omettre la notion de service, éviter la perte d'appels tout en obéissant à des objectifs de rentabilité... Le dimensionnement d'un centre d'appels relève bien souvent de l'équilibrisme. Un calcul incessant entre effectifs et outils informatiques.
« La question du dimensionnement est sans doute la plus difficile qui
puisse se poser dans la mise en œuvre et le fonctionnement au quotidien d'un
centre d'appels. » Sonia Serfaty, directrice générale adjointe de Matrixx
Marketing, résume en une phrase les réactions suscitées chez les professionnels
du secteur à la seule prononciation du mot "dimensionnement". Un vocable peu
élégant, et dont le seul mérite est d'être français (du moins d'en avoir l'air
puisqu'il s'agit d'un pur néologisme). Certains lui préféreront le terme de
"staffing". Avant de prendre pied dans les querelles lexicales que ne manquera
pas de soulever le concept, on peut d'ores et déjà s'accorder sur une
définition. Car, si le dimensionnement pose des difficultés quant à ses
applications concrètes, il convient avant toute chose d'en circonscrire le
sens. Dimensionner un centre d'appels, c'est adapter l'offre à la demande en
fonction d'objectifs de productivité et de rentabilité préalablement fixés.
Autrement dit, prévoir la meilleure configuration en ressources humaines et en
matériel pour perdre le moins d'appels possible tout en limitant les coûts.
Perdre le moins d'appels possible. La formule induit que l'on se trouve en
contexte d'appels entrants. De fait, la question du dimensionnement relève
essentiellement de situations de réception d'appels.
Le parfait dimensionnement n'existe pas
En fait, dans une configuration
d'émission d'appels, la part d'inconnu se trouve réduite à sa portion congrue.
Le "staffeur" dispose d'une grande maîtrise sur les divers facteurs à
paramétrer. Situation radicalement différente pour les opérations de réception
d'appels. « Les éléments à prendre en compte sont non seulement très nombreux,
mais leur agencement complique encore les choses, souligne Charles-Emmanuel
Berc, président d'Eos Télérelations. Entre le type de numéro d'appel, son mode
de diffusion, la place accordée au numéro dans la communication, la nature de
l'offre, l'environnement direct en termes de présence publicitaire, le niveau
de recrutement des téléconseillers, leur formation... il n'existe pas de
dimensionnement idéal. Nul n'est en mesure de dimensionner parfaitement une
équipe. A fortiori dans le cas d'opérations commerciales. » Le parfait
dimensionnement n'existe donc pas. La dimension humaine reste
ultra-prépondérante, malgré la présence accrue d'outils technologiques sur les
plates-formes. Et le terrain est encore vierge pour les solutions logicialisées
susceptibles de répondre de manière analytique puis synthétique aux différents
paramètres du staffing. « On ne trouve pas sur le marché de logiciels de
dimensionnement, note Sonia Serfaty. Les annonceurs peuvent au mieux avoir
recours à des solutions progicialisées. Les prestataires professionnels
peuvent, en revanche, concevoir des logiciels d'aide au dimensionnement. Nous
disposons par exemple d'un outil qui nous est propre, et que nous n'avons pas
l'intention de commercialiser. »
22 000 appels prévus, 41 contacts à l'arrivée
Pour les entreprises ayant décidé de monter un centre
d'appels sans recours à un prestataire, il ne reste plus qu'à créer leur outil
ou d'utiliser au mieux l'offre du marché. Non pas en investissant dans des
systèmes spécifiquement dédiés au dimensionnement, puisqu'ils n'existent pas,
mais en exploitant au sein des divers logiciels de gestion de centres d'appels
les applications les plus liées aux questions de staffing. Encore une fois, pas
de solution miracle. Et même plutôt des risques potentiels. « Certains
concepteurs inexpérimentés de centres d'appels ont recours à des outils
standardisés et y introduisent leurs propres données, leur propre paramétrage,
constate Anne Bendler, directrice commerciale de H2A. Cette approche peut se
révéler très dangereuse. J'ai vu un annonceur qui, ayant prévu qu'il aurait 22
000 appels suite à la diffusion d'un numéro de téléphone, avait dimensionné "en
grand" : 400 positions de travail. Il eut en tout et pour tout 41 appels. C'est
un exemple extrême. Mais il illustre bien le risque pris à utiliser des
approches modélisées sans avoir l'expérience des centres d'appels. Un logiciel
de planification sans historique, cela ne sert à rien. » Les solutions
techniques adaptées n'existent donc pas sur le marché. Et, comme le souligne
Denise Bengioar, directeur général d'Addibell Marketing, « ce n'est pas ce qui
manque le plus. L'expérience reste, en l'occurrence, le meilleur outil sur un
ter- rain où la dimension humaine prévaut et prévau- dra toujours ». Ce qui ne
signifie en rien que l'apport de la technologie soit inexistant. Bien au
contraire, il interfère directement sur le dimensionnement des centres
d'appels, et constitue un paramètre capital.
Les vertus du serveur : vocal interactif
L'objet du staffing est non seulement
d'affecter le bon nombre de téléconseillers à une opération, mais aussi de
prévoir une solution de rattrapage aux déficiences d'un premier dispositif. Il
s'agit d'adapter l'offre à la demande dans le temps, en s'armant des outils les
plus adaptés à un réajustement rapide : routage vers une structure extérieure
ou prise en charge des appels par un serveur vocal interactif (SVI). « Le
centre d'appels remplit vraiment son rôle lorsqu'il propose une solution de
secours aux téléconseillers, précise Charles-Emmanuel Berc. On estime que la
durée maximale d'attente, pour un appelant, est de deux minutes trente. Avec le
serveur vocal interactif, il est possible d'indiquer aux per-sonnes en attente
la durée nécessaire avant la prise en charge de l'appel par un téléconseiller.
Passé ce délai de deux minutes trente, la machine invite l'appelant à laisser
ses coordonnées, et, éventuellement, à préciser les créneaux horaires dans
lesquels il désire être rappelé. » Si le poids de l'investissement rebute
parfois les annonceurs, le SVI reste l'une des solutions les plus simples et
les mieux adaptées aux pics d'appels et aux situations de débordement en règle
générale. « Il faut relativiser le coût d'un SVI, poursuit Charles-Emmanuel
Berc. Imaginons qu'un téléconseiller soit rémunéré 9 500 francs brut. En
ajoutant les charges patronales et les congés payés, le coût pour l'employeur
est multiplié par 1,7. Ce qui revient à 16 150 francs mensuels. Sur cette base,
le coût d'un téléconseiller est de 193 800 francs par an. Le prix d'un serveur
vocal interactif avoisine les 300 000 francs, soit l'équivalent d'un
téléconseiller et demi. » Le poids de l'investissement dans un SVI mérite
d'autant plus d'être relativisé qu'il se justifie amplement, si toutefois on
considère que l'objectif premier du dimensionnement est de limiter la
déperdition des appels. « Il est difficile de quantifier la part d'appelants
qui raccrochent dès lors qu'ils sont orientés sur un serveur vocal. Mais
l'expérience nous apprend qu'il est possible, avec un service vocal bien
construit, de récupérer de 40 à 50 % des appels en souffrance », précise Denise
Bengioar.
La dimension technologique du staffing des plates-formes
« Nous disposons par ailleurs de systèmes qui
permettent de limiter plus avant la déperdition. Prenons le cas d'un appelant
qui renonce à attendre et raccroche. S'il rappelle cinq minutes, une heure ou
deux jours plus tard, la technologie l'identifie et fait aboutir son appel en
priorité en cas d'inflation des flux », explique Charles-Emmanuel Berc. La
dimension technologique n'est donc pas à négliger, loin de là, dans le staffing
des plates-formes. Quelle que soit la vocation du centre, quelle que soit
l'offre mise en avant, quelle que soit la cible, les investissements en
matériel peuvent vite se révéler rentables. « Le dimensionnement ne se traduit
pas qu'en termes de ressources humaines. Il induit également une volonté
stratégique d'équipement matériel et technologique », souligne Christian
Doguet, directeur du support européen de BEA. Pour le centre d'appels en SAV de
cet éditeur de logiciels middleware, les options technologiques tombent sous le
sens. Les produits BEA s'adapte à tous types de configuration informatique. A
configurations multiples, sollicitations multiples. Pour satisfaire la
diversité des appels, les téléconseillers de BEA doivent pouvoir se reposer sur
une gamme complète de versions informatiques. L'entreprise a donc dû investir
d'emblée dans une palette quasi exhaustive d'applications. « Il nous faut
reproduire sur le plateau l'ensemble des technologies qui peuvent être
présentes sur le poste de travail de notre client », souligne Christian Doguet.
Une décision a laquelle aboutissent nécessairement toutes les entreprises dont
les centres d'appels ont été montés autour de produits ou de services
particulièrement novateurs. En l'occurrence les entreprises positionnées sur le
terrain du high-tech, téléphonie ou informatique. « Lorsque nous avons
construit le centre d'appels, il y a trois ans, nous démarrions sur un domaine
vierge, raconte Jean-Marc Harthé, directeur du service clients d'Infonie. Le
service en ligne était quelque chose d'entièrement nouveau. Il nous a donc
fallu naviguer à vue, nous adapter à l'offre des différents fournisseurs sur ce
marché et à sa grande évolutivité. En fait, nous travaillons encore à 60 % sur
la base de produits qui ne sont pas toujours compatibles, ou bien qui
présentent encore un certain nombre de lacunes. Nous sommes donc constamment
obligés de redimensionner le centre d'appels en fonction d'éléments extérieurs
à la plate-forme, à savoir l'offre composite et fluctuante du marché. »
La configuration par paliers
Dans un cas de figure de
ce type, l'aspect technologique du dimensionnement prend une facture capitale.
Il ne s'agit pas tant de se doter des outils les plus sophistiqués en matière
de traitement des appels, que d'intégrer à ses divers applicatifs l'ensemble de
l'offre dont peut disposer le public susceptible d'appeler la plate-forme. Une
option qui, par la force des choses, influe sur le staffing : plus les
téléconseillers ont d'outils en main, plus nombreux seront les contacts traités
et résolus dès le premier niveau d'appel. Par-delà même les options prises en
termes de ressources humaines et d'investissement matériel, le dimensionnement
du centre d'appels va d'abord se traduire dans sa configuration par paliers :
un premier niveau de traitement des appels, un deuxième, un troisième... Une
structure bien connue des responsables de plates-formes et qui présente une
triple vertu : elle permet, selon la formule consacrée, d'"escalader" les
appels en fonction de leur niveau de difficulté ; elle permet, par là-même, de
libérer le premier palier afin de le dédier aux demandes les plus courantes,
les plus brièvement traitées ; elle permet, enfin, de traiter le maximum
d'appels dès ce premier niveau.
Les "trois huit" à l'échelle mondiale
Si la structure en paliers constitue aujourd'hui l'une
des réponses essentielles apportées aux questions de dimensionnement, elle se
double parfois d'une autre option : le reroutage sur un site extérieur en cas
de débordement ou de fermeture de la plate-forme. Le centre d'appels de BEA a
ainsi fait le choix d'une approche mixte, alliant "escalade" et "reroutage".
Qui plus est, à échelle mondiale. Ce centre d'appels sis à Paris-La Défense a
déjà, à lui seul, une vocation internationale : c'est vers lui que convergent
naturellement les appels venus d'Europe, d'Asie et d'Afrique. Une cellule de
onze personnes, accessible en direct du lundi au vendredi de 9 heures à 19
heures. En dehors des horaires d'ouverture, les appels sont automatiquement
basculés vers l'un des deux autres centres d'appels de BEA, soit en Californie,
soit en Australie. Mais le reroutage obéit aussi à un mouvement inverse :
lorsque la structure américaine, par exemple, est en débordement, elle bascule
les appels sur La Défense. On peut en fait considérer que les trois
plates-formes de BEA font, à échelle mondiale, les "trois huit". « La vocation
du centre d'appels est de délivrer à nos clients un service homogène, mais
aussi une image cohérente, explique Christian Doguet. Nous ne disposons pas
encore de CTI à l'international. Néanmoins, les informations sont centralisées.
Dès lors qu'un client nous appelle, nous accolons à la demande un code
spécifique (qui identifie l'appel et non le client). Quand l'appelant aboutit
sur une nouvelle plate-forme, il lui suffit de décliner ce code pour que
l'historique de son appel apparaisse sur l'écran du téléconseiller. » En
moyenne, le centre d'appels BEA de Paris reçoit 400 appels par mois. Dans 95 %
des cas, le traitement se fait en réception d'appels : l'appelant n'a pas
besoin d'être recontacté par les téléconseillers. Ce qui n'empêche en rien
l'escalade de la communication, toujours en appel entrant, sur le deuxième ou
le troisième palier de compétence mis en place par BEA (le premier niveau
résout 65 % des appels, mais certaines demandes nécessitent un traitement de
plusieurs heures). Ce qui n'empêche pas non plus, cas extrême, le reroutage sur
les Etats-Unis si, au troisième niveau, la demande demeurait encore trop
pointue.
Spécialisation ou polyvalence ?
« Quoi qu'il
arrive - débordement, demande particulièrement complexe, problème technique -,
nous nous engageons auprès de nos clients à les rappeler dans l'heure qui suit,
précise Christian Doguet. Et, jusqu'à présent, cet engagement a toujours été
respecté à 100 %. Nous disposons par ailleurs d'un serveur vocal interactif qui
traite les appels en cas de débordement. Mais nos calculs en matière de
dimensionnement sont plutôt bien étudiés puisque seulement 1 % des appels
aboutit sur le SVI. » Pour en arriver à ces résultats, et, plus en amont, pour
répondre aux besoins d'une plate-forme de ce type, BEA doit recruter un
personnel hautement qualifié : tous les téléconseillers sont ingénieurs. Quant
au centre d'appels dans son ensemble, il peut répondre aux diverses demandes en
sept langues. Le niveau de recrutement des téléconseillers interfère au premier
chef sur le dimensionnement d'un centre d'appels. Les responsables des
ressources humaines se trouvent d'emblée confrontés à une double alternative :
faut-il choisir des compétences spécialistes ou généralistes ? faut-il tabler
sur un haut ou un plus faible niveau de diplôme ? « Certains centres d'appels
ont fait le choix d'un cloisonnement vertical et disposent de services adaptés
aux diverses natures de besoins : accueil, questions administratives, requêtes
techniques... Avec des numéros d'accès différents pour chaque type de
sollicitation, explique Jean-Marc Harthé. Le flux des appels est alors
programmé à la source. Les embouteillages sont en grande partie évités. Lorsque
vous proposez un numéro unique, vous êtes contraints, tout au moins sur le
premier palier d'appels, celui de l'accueil, d'avoir recours à des compétences
généralistes. L'appelant, en effet, ne tolérerait pas qu'on laisse sa question
sans réponse. De même, plus les plages horaires d'accès à la plate-forme sont
étendues, plus le recrutement "généraliste" s'impose. »
Niveau de formation et productivité
Quant au niveau même de formation, les
responsables de centres d'appels se prévalent tous d'une extrême exigence. A en
croire les arguments affichés, les centres d'appels recrutant en deçà d'un
niveau bac + 4 relèveraient de temps antédiluviens. Pareillement, les questions
de formation prennent dans la bouche des professionnels des accents quelque peu
lénifiants. « Il ne s'agit pas que d'un discours, soutient Sonia Serfaty. Un
bon téléconseiller, à savoir entres autres un téléconseiller bien formé, fait
preuve d'une productivité supérieure de 15 à 20 %. » La formation revêt donc
une dimension non négligeable dans le staffing des centres d'appels. C'est
d'ailleurs cette acuité qui peut inciter les entreprises à s'interroger sur le
bien-fondé d'une externalisation des plates-formes. Argument avancé : plus la
valeur ajoutée du service est grande, plus l'image de l'entreprise pèse, plus
les téléconseillers doivent se sentir concernés, s'impliquer dans leur tâche.
Exigence que la sous-traitance ne serait pas en mesure de satisfaire avec la
même pénétration. C'est en tous cas le type d'interrogation qui anime les
responsables du centre d'appels d'Acadomia, société de cours particuliers à
domicile. Une plate-forme de qualification des appels, de détection des besoins
et de prise de rendez-vous. Le principe d'Acadomia est en effet le suivant :
les parents d'élèves en difficulté scolaire composent un numéro de téléphone,
expriment une demande de documentation ou exposent leur requête à l'un des
cinquante responsables pédagogiques en poste sur les diverses plates-formes que
l'entreprise compte en France. Celui-ci évalue la nature des besoins de
l'enfant et l'oriente sur un des 7 000 enseignants estampillés Acadomia. «
Nous avons déjà mené des opérations en sous-traitance, dans le cadre de
campagnes télé à forte couverture, explique Philippe Coléon, directeur général
d'Acadomia. Cette approche présente bien sûr des avantages dans la mesure où
elle nous offre une capacité de production en réception d'appels dont nous ne
disposons pas en interne. En revanche, elle pose un problème : en
sous-traitance, nous sommes obligés de traiter les appels en deux ou trois
temps. Difficile, en effet, de demander au prestataire d'être en mesure de
saisir les coordonnées, de qualifier les appels, d'identifier les besoins, de
rassurer le prospect, puis d'envoyer une documentation. L'intégration de ces
diverses tâches requiert une compétence généraliste doublée d'un niveau de
qualification plus que probant. Nous sommes actuellement en phase de test sur
une opération en TV de plus petite ampleur. Les rendements sont meilleurs
lorsque l'on dimensionne le centre d'appels en interne. Cela dit,
l'internalisation, pour une structure relativement limitée comme la nôtre, ne
résout pas la question des campagnes grand public de grande couverture. »
Le piège du prisme volumétrique
Si un centre d'appels a
pour mission de répondre à un certain nombre d'objectifs quantifiés, il n'est
pas nécessaire d'appréhender les questions de dimensionnement au seul prisme du
critère volumétrique. Combien d'appels faut-il traiter ? Combien d'appels
peut-on se permettre de perdre ? Ces deux questions, tout responsable de centre
d'appels se les pose. Mais il doit également s'interroger sur la nature, la
valeur de ces appels. De même que la qualité, si souvent portée en exergue, ne
rime à rien si elle se cantonne aux discours d'intention, de même la
productivité peut-elle être une coquille vide de sens si on n'y rattache aucune
dimension qualitative. « L'obsession du volume est absurde, souligne Philippe
Coléon. Il faut bien sûr éviter de perdre trop d'appels, mais il ne faut pas
pour autant être maniaque de la productivité. Mieux vaut légèrement
sous-dimensionner. Chez Acadomia, nous avons, comme tout annonceur TV, constaté
que 80 % des appels se font dans les 10 minutes qui suivent la diffusion du
spot. Mais nous savons également que la qualité des 20 % restants est deux à
trois fois supérieure. Il s'agit, en effet, de contacts potentiels plus
motivés, relevant d'une démarche plus impliquée de la part du public. Sur la
base d'une petite campagne, nous avons ainsi doublé l'ensemble de nos
rendements. »
Linéarisation de l'activité
Mais, quelle
que soit l'option prise, et dès lors que l'on se cantonne à une marge
raisonnable de sur-staffing ou de sous-staffing (autour de 5 %), le centre
d'appels risque à tout instant de subir un mouvement de balancier dans le flux
volumétrique des appels. Et, en période de sous-activité, la meilleure manière
de justifier un sur-dimensionnement de fait est encore d'optimiser les
investissements humains en affectant le personnel inemployé à d'autres tâches.
« Il n'est pas possible de recruter des téléconseillers, de les fidéliser en
leur expliquant qu'ils travailleront deux heures sur un temps de présence de
huit heures, précise Jean Reignier, directeur commercial de Phonepermanence.
Une des solutions réside dans le "call blending" qui consiste à mixer les
campagnes de réception et d'émission d'appels. Pour notre part, nous incitons
nos clients à programmer divers types d'actions sur une même période. Cela leur
permet à la fois d'optimiser l'investissement humain, mais aussi de
rationaliser la stratégie de communication et de relation clientèle. » Une
position adoptée par Chronopost, qui a, en effet, choisi la polyvalence pour
ses téléconseillers. « Tous nos téléconsultants sont capables de traiter
n'importe quel type de mission, explique Laurent Biojoux, responsable du
département clients de Chronopost. Au sein de la même structure se côtoient des
personnes affectées au téléphone et d'autres à l'activité courrier. En cas de
crête d'appels, on oriente les derniers vers les positions téléphoniques. Il y
a toujours des tâches plus urgentes que d'autres. Le tout est justement de
savoir jouer sur les différents niveaux d'urgence. » Linéarisation à
l'intérieur même de la plate-forme, reroutage sur une structure extérieure,
mutualisation des équipements et des équipes entre l'annonceur et le
prestataire, ou chez le seul prestataire lorsque celui-ci soustraite la
totalité du centre d'appels... Les formules sont multiples, tant dans les
calculs initiaux du dimensionnement que dans son réajustement ultérieur et son
adaptation constante aux flux. Car la vraie dimension d'un centre d'appels est
bien là, dans sa capacité à subir en permanence tous les changements utiles
pour faire en sorte que l'offre colle au mieux à la demande. Dans un perpétuel
dialogue entre objectifs de rentabilité et qualité de service.(suite page 48)
Emission d'appels : une estimation à moindre risque
Tout responsable de plate-forme en émission se trouve confronté à des obligations de staffing. Mais les difficultés sont alors bien moindres qu'en réception. En effet, dans le cas d'appels sortants, le dimensionnement repose sur une spéculation relativement simple, d'autant plus facile qu'elle est en grande partie confiée à l'informatique. Les différents paramètres du profilage sont ingérés par un logiciel, voire une simple machine à calculer, qui délivre la meilleure moyenne de dimensionnement. Imaginons un fichier de prospection de 1 000 personnes. Mobilité de la cible oblige, on sait, par exemple, que 700 personnes seront effectivement contactables. Sachant que, sur la cible donnée, un téléconseiller est en mesure de traiter 6 contacts de l'heure, il suffit de diviser le nombre de contacts potentiels par le nombre de contacts/heure, pour obtenir le nombre total d'heures requis par l'opération, soit 700 divisé par 6. En mettant le résultat obtenu (116 heures) en regard d'un certain nombre de paramètres (plages horaires utiles, jours travaillés), le responsable du centre d'appels saura alors combien de téléconseillers il devra affecter à son opération. Pour ce faire, encore faut-il avoir quelque idée de la sédentarité et de la mobilité de la cible. « Pour ce qui est des particuliers, précise Charles Emmanuel Berc, président d'Eos Télérelations, on sait, par exemple, que les chances de contact sont plus grandes entre 18 H et 20 H 30 que dans le courant de la matinée ou de l'après-midi. Côté cible professionnelle, où il ne faut jamais négliger le barrage des secrétaires, un directeur informatique sera plus sédentaire qu'un directeur marketing, qui sera lui-même plus facilement joignable qu'un directeur général. Par ailleurs, il serait assez périlleux de concentrer une opération de prospection dans les entreprises sur le lundi matin ou le vendredi après-midi. »
Bouygues Télécom : un calcul à grande échelle
Trois sites, 700 conseillers de clientèle, entre 26 000 et 30 000 appels par jour, ouverture de deux nouvelles plates-formes à Nantes (fin 1998) et Tours (fin 1999), soit 600 conseillers supplémentaires dans les dix-huit prochains mois : chez Bouygues Télécom, les questions de dimensionnement se traitent à grande échelle. « Nous avons actuellement 650 000 clients. Grâce aux prévisions commerciales, nous évaluons le volume de nouveaux clients pour l'année qui vient. Estimation que nous mettons en regard de l'historique de l'année passée. A partir de quoi nous calculons le dimensionnement des plates-formes », explique Bruno Dunoyer de Segonzac, responsable du service clientèle particuliers chez Bouygues Télécom. Sur les divers plateaux de l'opérateur, pas de spécialisation horizontale, ni de décomposition verticale par niveaux de compétence. Les conseillers de clientèle, staffés par petites équipes de quinze personnes, sont en mesure de répondre à tout type de question, facturation, technique et produits services, gestion de contrats. « L'objectif d'un centre d'appels, a priori, c'est de mettre l'entreprise en front line, de supprimer le standard, d'éviter au maximum les transferts. Le service est véritablement rendu lorsque l'on est capable de répondre au client, à toutes ses questions, sans être contraint de le balader d'un interlocuteur à un autre, ou de le rappeler ultérieurement. C'est pour cela que nous avons fait le choix stratégique d'intégrer le centre d'appels et de tabler sur la multi-compétence », note Bruno Dunoyer de Segonzac. Une option qui laisse aux conseillers de clientèle un certain confort dans l'exercice de leur travail : pas de timing imposé par appel, la possibilité de mettre l'interlocuteur en attente et de demander conseil à son coéquipier, une meilleure personnalisation des relations avec la clientèle. Les objectifs du centre d'appels se font en fait davantage sur la base du temps de décroché (avant 20 secondes) que sur le nombre d'appels perdus. « Nous sommes davantage soucieux de la gestion des appels en attente que du volume exact de l'irrépressible petite frange de contacts perdus qui raccrochent au bout de 3 secondes, précise Bruno Dunoyer de Segonzac. Je suis responsable d'un centre de production. J'ai aussi, en tant que tel, des objectifs de productivité. Je ne peux pas accepter l'idée que l'on sur-dimensionne un centre d'appels et de faire payer à mon client mon mauvais calcul. De toute façon, il ne l'accepterait pas. Mieux vaut légèrement sous-dimensionner et tout mettre en œuvre pour atteindre les objectifs sur cette base. »