Délocalisation de centres d'appels: quelles incidences fiscales?
Certaines entreprises peuvent être tentées, pour réduire leurs coûts
sociaux et fiscaux, de délocaliser leurs centres d'appels hors de France dans
des pays plus attractifs. La mise en œuvre de toute délocalisation suppose
cependant de s'assurer au préalable, notamment, de leurs incidences fiscales.
Quelques principes fondamentaux méritent d'être rappelés. Dans l'hypothèse
d'un transfert total de l'activité - profitable - d'une société française à
l'étranger, l'arrêt d'activité en France entraîne des conséquences fiscales
coûteuses : l'imposition des plus-values latentes (notamment sur le fonds de
commerce ou la clientèle, souvent peu ou pas valorisé à l'actif des sociétés)
et le paiement des droits d'enregistrement sur ces éléments (au taux de 4,80 %)
tout au moins sur la clientèle française. Le transfert d'activité peut être
réalisé de façon plus complexe, par exemple sous forme de création de filiales
reprenant dans les faits partiellement et de façon échelonnée l'activité
exercée en France. La difficulté, dans ce cas, est d'apprécier, au vu de
l'ensemble des éléments contractuels et factuels s'il y a ou non transfert
d'activité et sa date. Il faut également être vigilant sur la renonciation par
une société française à une clientèle ou un droit au profit d'une société sans
contrepartie, attitude relevant d'une gestion anormale. Le transfert peut ne
concerner qu'un département d'une entreprise, auquel cas l'existence d'un
transfert d'activité peut s'avérer impossible à démontrer, voire tout
simplement non conforme à la réalité. Là encore l'analyse des documents écrits
(contrats conclus, décisions de la société, etc.) et des faits (modifications
dans l'exercice de l'activité, évolution du CA et du résultat, transfert de
clientèle,…) sont primordiales.Lorsque l'Administration fiscale suspecte un
transfert d'activité, les redressements effectués sont généralement assortis de
pénalités lourdes (40 à 80 %).
Les possibilités de contrer une délocalisation
L'Administration fiscale peut choisir de contrer une délocalisation, non pas en cherchant à imposer les conséquences fiscales d'un transfert, mais en tentant d'imposer en France les résultats dégagés par la société ou l'entité étrangère. En principe, pour imposer une société (ou une entreprise) étrangère en France, l'Administration fiscale doit démontrer que celle-ci dispose en France d'un établissement stable sur son territoire, c'est-à-dire d'une installation permanente regroupant du personnel et des locaux et dont les représentants ont le pouvoir d'engager la société. Cette règle est également reprise par la plupart des conventions fiscales conclues par la France avec les Etats étrangers. L'Administration dispose également de moyens juridiques spécifiques pour lutter contre les délocalisations, tels que l'article 155 A du Code général des Impôts. Mis en place, à l'origine, pour lutter contre les délocalisations de profits par les artistes, ses termes permettent en substance à l'Administration d'imposer en France toute activité de services s'adressant à une clientèle française depuis l'étranger, à défaut d'activité locale (étrangère) suffisante pour justifier les résultats recueillis par la société étrangère. La France peut aussi imposer certaines sociétés étrangères détenues à plus de 25 % ou 10 % (50 % à compter de 2006) par des sociétés françaises, dans des circonstances particulières. Par ailleurs, l'Administration dispose d'une troisième possibilité en cas de facturation de services à une société résidente de France. Cette sanction consiste à refuser la déduction des sommes facturées au motif, soit que les services en cause sont fictifs, soit que leur prix est trop élevé, soit encore que la société française n'a aucun intérêt à ce que de tels services lui soient rendus. Cette faculté est plus aisée à mettre en œuvre, juridiquement, dans l'hypothèse où la société étrangère est résidente d'un “paradis fiscal”. Enfin, bien entendu, le développement d'une activité nouvelle à l'étranger sans lien évident avec toute activité ou clientèle française ne pourrait pas être critiqué au plan fiscal. En définitive, le transfert, ou la création d'une activité hors de France (liée à une activité française) suppose, pour ne pas être fiscalement répréhensible, que le schéma mis en place soit conforme à la réalité et justifié économiquement - non uniquement par des économies de coûts fiscaux et sociaux -. De plus, l'ensemble de ces justifications doit pouvoir être établi de façon incontestable.