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Déléguer en toute sécurité

Si la délégation de pouvoir est inhérente au fonctionnement des entreprises, attention au cas où elle fait peser sur le délégataire la responsabilité pénale du délégant.

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La délégation s'exerce le plus souvent de manière informelle dans le cadre des fonctions et attributions précisées par le contrat de travail. Le sujet devient singulièrement plus délicat lorsque le dirigeant entend non seulement déléguer une partie de ses pouvoirs, mais également faire peser sur le délégataire la responsabilité pénale du chef d'entreprise ou de l'employeur. Ainsi, tout à la fois dispositif d'organisation interne et mesure de protection contre le risque pénal, la délégation de pouvoir et de responsabilité devient un acte complexe qui emprunte pour sa réalisation aux techniques du droit du travail et du droit des sociétés.

Les domaines de la vie de l'entreprise les plus “criminogènes” sont, en premier lieu, la réglementation du travail, mais aussi le droit économique et de la consommation, le droit fiscal, l'environnement ou les réglementations particulières liées à certains produits ou services. Autant dire que le risque pénal s'étend largement dans sa dimension protectrice de la sécurité des personnes ou des biens.

C'est d'ailleurs cette finalité “prophylactique” qui inspire la Cour de cassation quand elle considère que l'employeur a l'obligation de déléguer pour assurer la sécurité dans son entreprise : “Il incombe à l'employeur qui est dans l'impossibilité de veiller personnellement à l'application des règlements relatifs à la sécurité, de déléguer explicitement et sans équivoque cette tâche à des préposés pourvus de la compétence et de l'autorité nécessaire, en les avertissant de la responsabilité pénale qu'ils encourent en cas de manquements imputables à leurs négligences” (Cass.crim. 1er octobre 1991).

La cour suprême s'attache ainsi à tirer les conséquences de l'accord national interprofessionnel du 25 avril 1983 qui prévoyait que “la répartition des pouvoirs et des responsabilités au sein de la ligne hiérarchique doit s'inscrire dans le cadre d'une organisation générale de la sécurité dont la mise en oeuvre incombe à la direction de l'entreprise”.

à qui déléguer ?

Pour qu'une délégation soit valable, les tribunaux exigent la réunion de trois critères : La compétence du délégataire : à la fois technique et juridique. L'autorité : le délégataire doit disposer du pouvoir disciplinaire et de celui de faire cesser une situation infractionnelle. Les moyens : le juge vérifiera que le délégataire disposait effectivement des moyens matériels ou économiques qui lui permettent de résoudre une situation génératrice de responsabilité pénale, notamment lorsqu'il s'agit de sécurité.

Le contenu de la délégation

En corollaire de ces trois critères, la délégation ne peut qu'être limitée, par délégataire, à certains domaines, ce qui signifie que pour assurer un dispositif efficient de prévention du risque pénal, il sera nécessaire de mettre en oeuvre un véritable réseau de délégation, voire de subdélégations dans l'entreprise.

Qui délègue ?

D'une manière générale, il s'agit du représentant légal qui incarne, selon les cas, le chef d'entreprise ou l'employeur. Ceci étant dit, il convient, à ce stade de se reporter aux statuts de l'entreprise pour apprécier la portée du mandat accordé par les associés au(x) mandataire(s) social (aux) et les éventuelles limites à un transfert de pouvoirs du représentant légal vers des subordonnées afin de ne pas se trouver en porte-à-faux par rapport aux dispositions statutaires.

Portée et pérennité de la délégation de pouvoir

Quelle que soit son étendue la délégation de pouvoir trouve ses limites dans le fonctionnement de l'entreprise. En effet, s'il s'avère que l'infraction subsiste, nonobstant l'exercice, par le délégataire de ses prérogatives d'autorité, le juge pourra considérer que la délégation n'est pas opérante et désigner le chef d'entreprise comme pénalement responsable de l'infraction. Il convient, aussi, de s'interroger sur le sort de la ou des délégation en cas de changement dans la vie sociale de l'entreprise.

Enfin, la délégation est un contrat, elle suppose donc l'accord du délégant et du délégataire, ce dernier sera le plus souvent un salarié, la délégation pourra alors faire partie intégrante du contrat de travail, mais dans nombre de cas, la délégation sera proposée en cours d'exécution du contrat de travail et supposera alors d'évoquer les contreparties de la prise de responsabilité et donc de la valorisation de la délégation de responsabilité.

par Cyril Parlant, avocat associé, Cabinet Fidal

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