Deelchand Jeeha (ministre mauricien des NTIC) : « Faire des NTIC le 5e pilier de l'économie mauricienne »
A l'heure où les ressources humaines se raréfient pour les centres d'appels français, l'île Maurice est, avec le Maroc, au coeur de bien des réflexions. Deelchand Jeeha, ministre mauricien de la Technologie de l'Information et des Télécommunications, explique les objectifs de son gouvernement sur le marché des call centers.
Quels sont les objectifs du gouvernement mauricien pour le marché des centres d'appels ?
Nous voulons créer 20 000 emplois
d'ici 2005 dans les centres d'appels. Soit 3 % de la population active. Pour un
revenu d'un milliard de dollars. Et je sais que nous dépasserons ces objectifs.
Le gouvernement va faire des NTIC le cinquième pilier de l'économie mauricienne
au même titre que le sucre, le textile, le tourisme et les services
financiers.
Où en est cette activité aujourd'hui ?
Nous comptons déjà cinq sites qui travaillent pour le marché français, soit en
télémarketing, soit en service de réservation ou encore en service clients.
L'une des sociétés présentes travaille pour Air France. Accenture vient de
prendre 10 000 m2 et de former 80 personnes pour un centre d'appels à dimension
européenne. Un autre site traite les paris pris dans les jeux de courses aux
Etats-Unis. Aujourd'hui, un millier de personnes travaillent dans les centres
d'appels. L'activité démarre. Nous commençons la promotion.
Quels éléments comptez-vous faire valoir dans cette promotion ?
Parlons
de l'aspect télécoms. Nous avons un bon réseau de télécommunications : ADSL,
réseau ATM en fibre optique avec une capacité de 155 mégabits partout sur
l'île, exceptée la boucle locale. Aujourd'hui, l'île Maurice compte une
vingtaine de fournisseurs d'accès Internet. Dès le mois de mai, nous serons
reliés par le câble sous-marin qui relie l'Europe à l'Asie à partir du
Portugal. Ce qui constitue une autoroute permanente et sécurisée avec une
capacité bande passante de 80 gigabits. Sur le satellitaire, nous sommes au
même prix que le Maroc, mais avec le câble, on sera moins cher de 30 à 40 %
pour les communications depuis Paris. Et la facturation se fera au coup par
coup en fonction des besoins et de la consommation des entreprises. Les
communications, avec le câble sous-marin, ne pèseront plus que 15 % sur
l'exploitation d'un centre d'appels.
Et pour la partie ressources humaines ?
Accenture a réalisé un audit avant de venir à l'île
Maurice : en France, 70 % des coûts d'un centre d'appels sont concentrés sur
les ressources humaines. Au Maroc, cette part est de 35 %. A l'île Maurice, de
20 %. Le coût d'une heure d'exploitation se décompose ainsi : 2,72 dollars pour
la main-d'oeuvre, 2 dollars pour les télécoms et 2,5 pour le reste. Ce qui nous
fait un total heure de 7 dollars, soit 7,93 euros. Contre 42,69 en France. Nous
sommes bien sûr conscients qu'il y a, à l'île Maurice comme en France, en
Grande-Bretagne ou en Allemagne, un manque en la matière. Nous jouons sur le
niveau élevé de scolarisation, sur le bilinguisme anglophone-francophone de
l'île et sur la pratique courante des langues orientales, notamment l'hindi et
le mandarin. En outre, à l'île Maurice, nous ne pratiquons pas comme chez vous
des pauses toutes les 15 minutes et travaillons avec des personnels fidélisés,
ayant une forte culture d'accueil. Quelles incitations fiscales pouvez-vous
mettre en avant ? Une remise de 50 % sur l'impôt sur le revenu pour les
expatriés. Le statut de résident permanent avec possibilité d'acheter des biens
immobiliers pour les investisseurs de plus de 500 000 dollars. Les profits
exemptés d'impôts jusqu'en 2008 et plafonnés à 15 % après cette date.
L'exonération des droits d'entrées sur tous les équipements NTIC. Le coût de
l'électricité basé sur un tarif industriel préférentiel.
Selon vous, tous ces arguments vont-ils suffire à faire de l'île Maurice un nouveau marché pour les call centers ?
L'île Maurice n'est pas un marché.
Nous sommes un pays orienté vers l'exportation. Pour les centres d'appels, nous
sommes une plate-forme d'hébergement. Mais le marché, il est ailleurs, en
France, en Europe, aux Etats-Unis. La France a toujours été notre meilleur
marché. Nous jouons pleinement notre rôle dans la francophonie. Dans les
fuseaux horaires, nous avons 3 heures d'avance sur Paris, 4 sur Londres, 6
heures sur New York et 9 sur la côte ouest des Etats-Unis. Nous avons 5 heures
de retard sur le Japon. On peut travailler le jour pour les marchés européens
et le soir pour le marché américain. Nous ne sommes pas sur les même lignes que
le Maroc ou la Tunisie. On peut toujours faire du bak-office avant que
l'activité ne reprenne le matin en France.
Que répondez-vous aux critiques et aux inquiétudes exprimées en France devant cette tendance à la délocalisation dont vous bénéficiez directement ?
Nous jouons le
jeu de la mondialisation. Il y a toujours quelque part quelqu'un qui offrira un
meilleur prix que le vôtre. Et le marché suit. Mais notre stratégie ne répond
pas à la seule volonté d'attirer des investisseurs. Nous ne venons pas prendre
des emplois à la France. Nous savons simplement qu'il y a un manque
extraordinaire de ressources humaines dans les centres d'appels en Europe.
C'est là que nous nous positionnons. Comme un complément, une réponse à ce que
vous ne pouvez plus apporter chez vous. Mais rien ne dit que, dans deux ou
trois ans, nous ne connaîtrons pas les mêmes problèmes que l'Irlande et que
l'on voit apparaître en France.