De l'obligation d'employabilité
Avant même que ne s'engage la négociation sur la modernisation du marché du travail qui doit conduire à plus de «flexisécurité», la Cour de cassation a rappelé que les entreprises ont une obligation de maintien de Pemployabilité de leurs salariés, c'est-à-dire de leur capacité à occuper un emploi.
Par Cyril Parlant Avocat associé, Fidal, département droit et gestion sociale.
La notion d'employabilité doit être replacée dans le contexte d'évolution du marché du travail.
L'employeur a contesté cette décision devant la Cour de cassation, considérant qu'il n'existait pas d'obligation permanente et générale de formation, mais une obligation d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure de licenciement économique, établie par la jurisprudence (arrêt Expovit 1992) et consacrée, dix ans plus tard, par le code du travail: «Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés«[art. L. 32 1-2 al. 3). Or, les licenciements avaient été jugés dépourvus de cause réelle et sérieuse, notamment parce qu'aucun effort d'adaptation n'avait été entrepris. En conséquence, l'employeur estimait que le préjudice subi par les salariés était réparé par l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Obligation de former
Cependant, la Cour suprême a confirmé la décision de la cour d'appel considérant que «l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi». Sans le citer, elle reprend ainsi les termes exacts de l'article L.930-1 du code du travail, issu de la loi du 4 mai 2004.
Il s'agit d'une obligation distincte de celle qui figure sous l'article L. 321-2 précité. Et l'arrêt de la Cour de cassation ne fait que confirmer qu'il pèse désormais sur l'employeur une véritable obligation de former ou, plus précisément, d'assurer l'adaptation au poste de travail et de veiller à la capacité à occuper un emploi; obligation qui s'inscrit dans une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dont la formation n'est qu'un moyen.
L'apport essentiel de cet arrêt se situe dans le champ de cette contrainte. La loi du 19 janvier 2000 avait instauré l'obligation, pour l'employeur, «d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois» (art L. 932-2 du code du travail), ce qui constituait déjà une obligation générale. La loi du 17 janvier 2002 a précisé l'étendue de cette dernière dans le cadre d'un licenciement économique, lequel ne peut intervenir que «lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés» en vue d'un reclassement interne (art. L.321-1 al. 3 précité). La loi du 4 mai 2004 a supprimé l'article L. 932-2 et instauré l'article L.930-1 qui précise que l'employeur «veille au maintien de leur capacité [des salariés] à occuper un emploi, au regard de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations». L'évolution sémantique est de taille: à «l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois» s'est substituée la capacité à occuper «un emploi» . C'est donc bien la notion d'employabilité qui est ici mise en exergue.
Une notion à replacer dans le contexte d'évolution du marché du travail et de «flexisécurité». C'est en renforçant l'employabilité que l'on rendra la rupture du contrat de travail moins traumatisante et moins coûteuse pour l'entreprise et la collectivité. Pour faire face à cette nouvelle obligation, l'entreprise doit déployer tout l'arsenal mis à sa disposition [entretien professionnel, VAE, professionnalisation, Dif..), et l'intégrer harmonieusement dans le cadre d'une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.