De Dublin à Paris : un support en duplicata
Le pionnier de la reprographie a créé en 1998 un support européen de 400 agents, basé en Irlande. Pour les clients français, l'organisation se partage sur trois niveaux de traitement entre l'Irlande et la France. Explications du directeur stratégie et opérations de Xerox.
Quelle est la vocation du centre de support de Xerox ?
Notre objectif, c'est que le client n'appelle qu'une seule fois.
L'organisation déployée doit répondre à cet objectif. Xerox a créé à Dublin un
"welcome center" Europe dont la mission première est de gérer tous les appels
de nos clients. Mais cette couche d'entrée ne suffit plus aujourd'hui. Il y a
quelques années, quand un photocopieur était en panne, il s'agissait
généralement d'un problème de hardware. On contactait alors le centre d'appels
pour demander le déplacement d'un technicien. Aujourd'hui, nous sommes dans
l'ère du numérique. Et, avec le software, beaucoup de problèmes peuvent se
résoudre à distance. Encore faut-il avoir les compétences pour. C'est pourquoi
Xerox a développé, en deuxième niveau de relation client, une couche de
compétence baptisée "customer support center", que nous appelons également
"level 1". Enfin, quand le problème du client relève plus du hardware et qu'il
n'est pas possible de réparer par téléphone, on reporte à une organisation
terrain, constituée de ce que nous appelons des "customer business units" (CBU)
et qui rassemble toute la force vive des techniciens Xerox. A tout cela
s'ajoute un "level 2", constitué d'experts que j'aurais presque envie d'appeler
des développeurs : ils s'empareront de l'applicatif du client et le feront
tourner pour trouver une solution.
Les clients de Xerox France bénéficient-ils d'un service dédié ?
Le centre de Dublin emploie
400 personnes, toutes natives du pays dont elles gèrent la relation clientèle.
Pour les clients français, l'équipe est constituée de 90 agents, tous Français.
Ils ont un rôle d'accueil, de filtrage, d'orientation et de dépannage pour
certains problèmes courants, que nous rangeons dans la catégorie "remote call
assistance". Le welcome center arrive ainsi à gérer, en premier contact, 4 à 5
% des problèmes. Mais son objectif numéro 1, c'est un décrochage de 80 % des
appels en moins de 20 secondes. On est aujourd'hui à 88 %. Le welcome center
traite en moyenne 4 000 appels par jour pour la France.
L'organisation du service est-elle calquée sur des segments de clientèle ?
Xerox a distingué trois grands secteurs de clientèle :
le monde de la production, le monde de la couleur et le monde du bureau, de
l'"office". Dans le monde de la production, nous sommes sur du matériel et des
environnements relativement complexes. Avec des clients qui sont des
spécialistes et auxquels il faut réserver un accueil particulier. On ne peut
pas demander à quelqu'un dont le métier est de gérer des documents s'il a bien
vérifié si sa machine est allumée ou s'il y a du papier dans le magasin. Pour
ces clients-là, nous avons mis en place des numéros spécifiques et un serveur
vocal qui permet d'orienter l'appel directement sur la bonne cellule en
fonction du type de matériel. Car ce que les clients demandent ici, c'est avant
tout de la rapidité : dans l'accueil, la prise en compte du problème et la
résolution. Quand France Télécom est en production de factures, il est évident
que chaque instant compte. Le client appelle, dix secondes plus tard, il est en
contact avec un interlocuteur qui va lui expliquer comment les choses vont se
passer et comment il peut s'organiser en attendant.
Et pour les autres clients ?
Avec le monde de la couleur, nous sommes sur des
métiers (arts graphiques, publicité...) et des environnements spécifiques qui
tournent autour de la colorimétrie et dépassent le strict univers des produits
Xerox. Et ici, le welcome center n'apporte pas véritablement de valeur ajoutée
en termes de dépannage. Il gérera l'accueil et la prise en compte du client et
rou- tera systématiquement sur le customer support center. En ayant, le cas
échéant, qualifié l'appel au préalable au travers d'un script relativement bien
fait de quatre-cinq questions.
Le customer support center se trouve également à Dublin ?
Le level 1 se trouve dans l'entité
française de Xerox à Aulnay-sous-Bois, en tous cas pour les secteurs de la
production et de la couleur. La banalisation de l'univers de produits "office"
nous a incités à transférer le support affecté à ce secteur vers le premier
niveau d'accueil, le welcome center. Ce qui présente deux avantages : éliminer
une couche intermédiaire et motiver les agents de l'accueil grâce à une montée
en compétence. En sachant que la possibilité d'escalade sur un technicien
existe toujours. Mais, déjà, à ce jour, on peut considérer que le customer
support center "office" se trouve à Dublin. Pour le reste, le level 1 est géré
à Aulnay, par 30 spécialistes de haut niveau, des ingénieurs qui connaissent
aussi bien les environnements et les produits Xerox que les environnements et
les applications du marché. Entre le welcome center et le customer support
centrer, nous arrivons à dépanner à distance 15 % de nos clients production, 15
% de nos clients couleur et 25 % de nos clients office.
A quel moment intervient le troisième niveau du support ?
Lorsque l'agent
comprend qu'il est confronté à un problème de hardware, il transmet directement
l'information au CBU. C'est alors le technicien en local qui prendra le relais
pour gérer le problème. Si une pièce est cassée dont on connaît la référence,
le welcome center commandera directement la pièce détachée pour le technicien.
Nous avons 1 000 techniciens sur le territoire français, dont 300 inspecteurs
communication service clients, qui pourront intervenir sur les pannes ou les
problèmes les plus pointus. Aujourd'hui, en moyenne, chaque technicien réalise
entre 3 et 4 interventions par jour.
Quelle est la procédure de traitement d'une demande d'intervention ?
Dès qu'il a conclu la
communication, l'agent du welcome center "enregistre" la demande. C'est-à-dire
qu'il la met dans une file d'attente, gérée par les techniciens. Cette file
d'attente identifiera les données de localisation nécessaires au bon
acheminement du problème. Xerox a structuré le territoire en quatre régions :
le Grand Sud-Ouest, le Grand Nord-Ouest, le Grand Ouest et la région
parisienne. Chaque région est divisée en divisions et chaque division en
sections. Les techniciens sont structurés localement en petites équipes et
disposent d'un outil informatique qui leur reporte la file d'attente de tous
les dossiers concernant leur section. L'attribution des missions est alors
fonction de la disponibilité des techniciens, mais aussi de leur niveau de
compétence et de leur spécialisation. Mais les customer business units peuvent
également être sollicités par le level 1. C'est le cas pour tous les problèmes
de software qui n'ont pas pu faire l'objet d'un dépannage à distance. Le level
1 fera préalablement un diagnostic pour savoir s'il faut envoyer sur place un
technicien ou un ingénieur.
Quels sont les délais d'intervention ?
Dans le monde "office", les interventions se font dans la
journée. Dans la production et la couleur, c'est plutôt dans la demi-journée.
Cela fait partie de notre charte de service. Nous avons également passé avec
certains clients des contrats de service, où nous nous engageons, par exemple,
à dépanner dans les deux heures. Pour ce qui est des incidents chez nos clients
production, le technicien sera bipé et appellera automatiquement le welcome
center pour enregistrer toutes les coordonnées de l'entreprise où il doit se
rendre ainsi que la fiche client. Il appelle ensuite le client pour négocier
son intervention. Par ailleurs, quand un client rappelle, alors que son dossier
n'a pas été bouclé, le leader de section, sur le terrain, est informé par
l'outil informatique que le client a sollicité deux fois de suite le welcome
center. Le leader de section placera alors immédiatement ce client comme
prioritaire et le rappellera tout de suite.
Le service est-il ouvert en continu ?
Longtemps, nous avons ouvert en continu pour
l'ensemble de nos clients et cela générait plus de frustration que de
satisfaction : aux clients qui appelaient à 19 heures, on expliquait qu'il
faudrait de toute façon attendre le lendemain pour programmer quelque chose.
Dublin nous assure aujourd'hui une couverture de 8 à 18 heures. Après 18 h,
nous avons une couverture en 24 h/24, mais uniquement pour les clients de
production.
Pourquoi Dublin ?
Dans les années 80, il
existait une structure d'accueil téléphonique par division. Puis, on est passé
à la CBU qui centralisait huit ou dix divisions. Ensuite, nous avons centralisé
la totalité des agents au niveau national. Pour des raisons de souplesse :
quand on veut faire des économies d'échelle, le regroupement est toujours la
meilleure solution. En 1998, tout a été déporté sur Dublin. Vraisemblablement
pour des raisons financières et de rentabilité, mais aussi parce que Xerox
voulait harmoniser la relation client à l'échelle européenne. Les enquêtes de
satisfaction faisaient en effet apparaître qu'en termes de qualité de service,
il existait des disparités énormes d'un pays à l'autre. La France était plutôt
un bon élève. Un certain nombre de process mis en oeuvre à Dublin sont
d'ailleurs inspirés des pratiques françaises. Mais nous n'avons rien perdu
depuis que le service est géré en Irlande. Ce qui est en grande partie dû au
profil des agents, recrutés à des niveaux supérieurs à ceux qui étaient requis
quand le service se trouvait en France.
Quel est le profil de vos agents ?
Tous nos agents sont Français, recrutés en France et en
Irlande. Au début, nous avons recruté sur place des gens qui parlaient
français, mais ne l'étaient pas. L'accent nous a posé des soucis. Et pas
seulement l'accent. La relation client, c'est aussi une question d'intégration
et de réflexes culturels. Nous travaillons avec des bac + 2, 3 et 4, de plus en
plus avec des profils techniques, ce qui limite les besoins en formation. Il
s'agit donc essentiellement d'étudiants, dont une petite majorité de filles,
qui viennent chercher une expérience pour la mettre à profit plus tard. Ils
viennent pour travailler deux ou trois ans sur le welcome center, pas
davantage, et c'est très bien. Du coup, nous ne rencontrons pas de difficultés
dans le recrutement. Cela génère en revanche un turn-over plus important. On
était, dans un premier temps, sur des taux avoisinant les 80 %. Mais notre
erreur était de se battre contre. Le turn-over, il faut l'accompagner.
Aujourd'hui, on enregistre des taux de 20 à 30 %, ce qui est parfaitement
gérable. Au début, nous constations un fort turn-over de nos agents depuis et
vers d'autres centres d'appels implantés en Irlande. Ce qui n'était pas très
positif. Aujourd'hui, ce phénomène n'existe quasiment plus.
Quel est le salaire d'entrée d'un agent sur le welcome center ?
En fixe
mensuel environ 1 830 euros. La partie de variable, établie en fonction de la
qualité de service, des résultats par rapport aux objectifs fixés, est
relativement faible. Un variable trop important induit le comportement. Et cela
peut très vite se retourner contre l'entreprise. Si on met, par exemple,
l'incentive sur le dépannage, l'agent va tout faire pour dépanner à distance.
Cela va agacer le client et on en arrivera au clash. Nous avons mis en place
des AFO (appréciation et fixation d'objectifs). Une fois par an, chaque
collaborateur de l'entreprise s'entretient avec la hiérarchie pour faire un
point sur ses compétences, son potentiel et ses aspirations. Nous misons en
effet sur l'évolution des carrières et, à ce titre, le welcome center constitue
un vivier des plus riches.
Combien d'agents intègrent d'autres départements de l'entreprise ?
Je ne peux pas vous répondre.
Le fait qu'un service clients soit géré en délocalisation pose-t-il des problèmes ?
Très franchement, aucun pour les utilisateurs.
Avant que le welcome center n'arrive à Dublin, il était centralisé sur Paris.
Pour une entreprise lyonnaise, que les appels soient traités à Paris ou à
Dublin, ça ne change rien. La difficulté que l'on a eue au début relevait
plutôt de l'interne. Les collaborateurs de Xerox France avaient l'impression de
perdre quelque chose et certains collaborateurs à Dublin se sentaient mal
aimés, mal intégrés dans l'entreprise. Nous avons fait beaucoup d'efforts et en
faisons encore pour changer ça.
Comment s'organise la hiérarchie entre la France et l'Irlande ?
Le welcome center est placé sous la
responsabilité d'un manager Europe, en l'occurrence une Irlandaise. Chaque
entité nationale relevant d'une hiérarchie à deux têtes, avec un responsable
organisation à Dublin et un responsable (moi-même) portant davantage sur les
résultats du service clients en France par rapport aux orientations que nous
nous sommes fixées. A l'instar de mes homologues des autres pays européens, je
vais très régulièrement à Dublin, deux jours une fois tous les deux mois. Nous
savons qu'il existe des spécificités nationales dont il faut tenir compte, tout
en respectant une homogénéité dans la qualité et les processus de service.
Biographie
François Borgarino, 45 ans, est entré chez Xerox il y a un peu plus de 20 ans comme technicien. Il devient manager, passe à la finance, devient patron marketing service, puis directeur d'une "customer business unit" après-vente. Il est ensuite nommé directeur commercial et occupe aujourd'hui le poste de directeur stratégie et opérations.
L'entreprise
Société 100 % américaine, Xerox propose des produits, solutions et services de gestion de document. Créatrice de la photocopie, l'entreprise a conservé le monopole sur le brevet jusqu'aux années 80. Elle détient aujourd'hui environ 20 % de parts de marché globale à l'échelle mondiale Avec une position de leader sur les produits haut de gamme (120 à 180 pages minutes) et sur les produits couleur. En France, Xerox compte 200 000 équipements installés et environ 120 000 clients.