Crédit du Nord, Françoise Leroy : « Aujourd'hui, nous avons le respect qui nous est dû »
Structurellement, où se situe la Banque à distance ?
Nous dépendons de la Direction Clients, qui regroupe les
directions de marché, qui sont les directions marketing, la direction de projet
internet et la Banque à distance.
Comment vous positionnez-vous par rapport au réseau d'agences ?
Nous travaillons pour toutes
les banques du groupe Crédit du Nord, groupe dont la stratégie est de mettre le
client au centre de la relation. Mais la relation prioritaire et privilégiée
est celle avec les agences. Par exemple, c'est nous qui gérons l'ensemble des
mails, sauf ceux qui sont adressés directement aux agences ; chaque conseiller
de clientèle en agence ayant son adresse mail. Derrière les agences, il existe
un ensemble de canaux complémentaires - téléphone, Internet, Minitel, Wap,
SMS…-, sur l'ensemble desquels nous intervenons dès qu'il y a une relation
humaine. Ce qui est très important dans la stratégie du groupe, et qui nous
différencie, c'est que le client a le libre choix. S'il téléphone à son agence,
il a son agence en ligne. S'il s'adresse à nous, il sait qu'il s'adresse à un
service centralisé.
Quelles sont été les grandes évolutions de la Banque à distance depuis sa création en 1996 ?
Il y a eu beaucoup
d'élargissement en termes de fonctions. Pour les appels sortants, la
plate-forme de Lille faisait, au départ, du télémarketing très simple.
Aujourd'hui, elle fait toujours de la prise de rendez-vous, mais plus
sophistiquée, et aussi de la vente. En appels entrants, Etoile Direct faisait
essentiellement de l'information sur le compte courant (solde, mouvements…).
Petit à petit, le service s'est développé vers d'autres opérations :
virements, demandes de chéquiers… Puis, en 1999, a été ouvert un service dédié
à la bourse offrant de l'information et le passage d'ordres sur toutes les
bourses, française et étrangères, intégrant les OPCVM, les warrants… Ensuite,
au fur et à mesure, l'élargissement s'est fait vers tous les produits de la
banque : l'épargne, les crédits, pour lesquels nous faisons toute
l'avant-vente, les simulations…, l'épargne salariale maintenant. Nous faisons
aussi la réception des campagnes commerciales, pour lesquelles nous travaillons
avec les directions marketing. Au départ, notre activité ne concernait que les
particuliers. Fin 2002, elle s'est aussi ouverte aux professionnels (petites
entreprises, commerçants, professions libérales), qui représentent plus de 10
000 appels par mois.
Comment se sont-elles traduites concrètement ?
La dernière restructuration importante date de 2000. Avec les
cinq plateaux : trois à Paris pour les appels entrants, un à Douai,
essentiellement positionné en tant que secours et débordement de Paris, et un à
Lille pour les appels sortants. Nous avons en place une direction
d'exploitation, une direction de projet, parce que, techniquement, il s'agit
d'une activité lourde et complexe, et une direction de la qualité et de la
formation.
Vos effectifs évoluent-ils ?
Il sont
stables depuis quelques années, avec 115 personnes en tout, dont 25 pour les
appels sortants. Mais les fonctions, elles, évoluent.
La règle de départ du recrutement interne, basé sur le volontariat, est-elle toujours en vigueur ?
Toujours, même si nous avons aussi recours à quelques
embauches externes. Le poste de téléconseiller est toujours considéré comme un
poste dans une carrière au sein de la banque. Il y a quelques années, nous
recrutions plutôt des profils 45-50 ans, un peu fatigués, que nous remettions
en forme. Aujourd'hui, nous avons davantage de jeunes, ayant commencé au
guichet, à l'accueil… qui viennent chez nous faire un passage, de trois ans en
moyenne, pour devenir conseiller de clientèle. Nous servons un peu d'école.
Comment a évolué le profil de vos téléconseillers ?
Ce
sont de plus en plus des conseillers de clientèle à part entière. D'un niveau
supérieur à celui du démarrage de l'activité. Maintenant, nous ne recrutons
plus en dessous de bac + 2. Ce sont des personnes qui se sont bien sorties de
leur première expérience dans le réseau, qui ont le potentiel pour passer
conseiller de clientèle, et que l'on fera passer en douceur, avec des
contraintes moindres que dans le réseau. Nous, nous n'avons que des contraintes
qualitatives, pas de contraintes commerciales.
Vous n'avez pas d'objectifs commerciaux ?
Absolument aucun. Ce qui ne nous empêche
pas d'avoir de bons résultats commerciaux. En termes de vente, nous avons des
résultats identiques à ceux des autres centres bancaires qui ont des objectifs
quantitatifs. En fait, le qualitatif tire le quantitatif. Nos résultats
seraient bien différents, si l'on plaçait le quantitatif d'abord.
Ce que vous vendez constitue donc de l'additionnel ?
Complètement. Ce que nous vendons, et c'est l'une de nos particularités, rentre
dans le compte d'exploitation de l'agence concernée ; cela vient s'ajouter aux
résultats des conseillers en agence. C'est du bonus. Cela se passe très bien
puisque, suite à une décision de la direction générale, il y a une dizaine
d'années, les commissions ont été supprimées. Il n' y a donc pas d'incentive,
d'un côté comme de l'autre. Et les politiques de rémunération sont les mêmes,
que l'on soit dans le réseau ou dans un centre de contacts. Ce qui facilite le
passage d'un endroit à un autre.
Au-delà des trophées*, comment mesurez-vous la qualité de votre relation ?
La qualité a toujours
été notre credo. Nous faisons énormément d'écoute, au sens classique pour le
téléphone, mais aussi pour le mail, pour lequel nous avons les mêmes types de
techniques. Avec quatre niveaux : les téléconseillers eux-mêmes, qui peuvent
s'auto-enregistrer et s'auto-écoutent énormément, les responsables d'équipes,
manageant entre six et douze personnes, qui font essentiellement du coaching de
proximité, les responsables de plateau puis la direction de la qualité. Il y a
aussi un débrief complet par mois, sous forme d'entretien avec le responsable
d'équipe ou de plateau. Suivi, si besoin, d'un ou deux micro-objectifs pour le
mois suivant, sur le fond ou sur la forme, du style “souris davantage”, “creuse
plus tel produit”…, accompagnés des moyens allant avec. Nous avons une panoplie
très large de micro-formations, de documentations…
Quelle est votre politique en matière de formation ?
Nous sommes l'entité du
groupe qui en fait le plus. Au niveau bancaire, il y a beaucoup
d'autoformation, plus celle au moment des débriefs, plus les formations Crédit
du Nord en termes de produits… Au niveau du métier de centre de contacts, nous
avons nos propres formations pour apprendre à répondre de façon qualitative au
téléphone et aux mails. De plus, tous les ans, nous choisissons un thème et une
population - par exemple, la gestion du stress pour les téléconseillers -, pour
une formation de type coaching rapproché, avec un formateur externe. En juin
2004, nous aurons une formation de trois jours sur le management des
responsables d'équipe. Et nous commençons à travailler en e-learning. Nous
avons réalisé un pilote, sur le traitement des objections, avec Philippe
Riveron, Tutor Online, sur 20 personnes. Qui s'est très bien passé. Cela permet
d'aller à son rythme, c'est sympathique en termes d'ergonomie, et derrière, il
y a un tuteur, un œil complètement extérieur qui regarde l'évolution, corrige
les exercices, donne des conseils... Nous allons généraliser progressivement
cette démarche à partir de juin prochain. Dans un premier temps, elle
concernera le téléphone. Mais nous prendrons probablement le module de
français. Car, au niveau des mails, si un certain nombre de jeunes sont très
bons sur le fond, ils sont catastrophiques sur le plan de l'orthographe. Le
client se doit d'avoir une réponse de qualité et cela passe aussi par la
langue.
Pratiquez-vous les appels mystères ?
Non. Nous
en recevons suffisamment pour que nous n'ayons pas à en faire nous-mêmes... Et
je ne suis pas convaincue que ce soit la meilleure façon de tester la qualité.
Parce que les appels mystères sont toujours des appels prospects et que l'on ne
peut pas aller au fond des choses. Les appels clients sont en général plus
approfondis et plus complexes.
Avez-vous mis en place des baromètres de satisfaction ?
Il existe un baromètre au niveau du
groupe, par rapport à l'ensemble des prestations : agence, accueil téléphonique
agence, canaux à distance… En 2003, nous avons réalisé un baromètre spécifique
à Etoile Direct, à la fois sur les clients et les agences. Qui nous a donné des
renseignements intéressants par type de clients, sur le moment où ils
appelaient, pourquoi... Cela nous a conforté dans un certain nombre d'idées.
Par exemple ?
Sur un point très important. Dans
l'esprit interne, Etoile Direct n'avait pas de clients haut de gamme.
Personnellement, je disais que ce n'était pas vrai, que la clientèle "bas de
gamme" existait, mais que ce n'était pas le cas pour les appels plus
sophistiqués, de plus en plus nombreux. J'étais persuadée que nous avions des
clients de tous les niveaux. Ce qui a été totalement confirmé. Et a donc permis
de démontrer aux agences qu'elles pouvaient “vendre” Etoile Direct à toute leur
clientèle et pas seulement à celle “bas de gamme”. Nous avons constaté aussi
que certaines agences étaient totalement décomplexées vis-à-vis de notre
service et d'autres encore un peu réticentes. De plus, nous avons vu que, tous
les mois, nous avions à peu près le même nombre d'utilisateurs uniques, mais
que, d'un mois sur l'autre, ce n'était pas les mêmes. Nous nous sommes rendu
compte que les gens n'appelaient peut être que quatre-cinq fois par an, mais à
des moments très précis. Ce qui nous encourage à développer la multicompétence
en termes de produits. Et puis, l'étude nous a aussi montré que les clients
étaient contents…
Le recours systématique à un serveur vocal interactif ne nuit-il pas à la qualité de votre relation ?
Pour
nous, c'est un outil vraiment indispensable. Nous recevons plus de 300 000
appels par mois, que nous serions dans l'incapacité de traiter. Nous avons donc
l'obligation de filtrer. Notre serveur vocal interactif est continuellement
amélioré. Il est très riche, souple, donne accès à toutes les informations de
base et, à n'importe quel endroit, l'appelant peut accéder à un conseiller. On
peut même faire des conversation à trois : client, conseiller et SVI. Si la
majorité des appels s'arrêtent au niveau du SVI - nous traitons environ 40 000
appels par mois -, c'est que nos clients trouvent l'information qu'ils viennent
chercher.
Au-delà de l'e-mail, allez-vous intégrer les autres “nouvelles technologies” ?
Sûrement, mais je sais pas exactement
quand. Nous ne sommes pas très nombreux, notre équipe technique est composée de
quatre ingénieurs. Et ce sont des projets tout de suite très lourds. Nous
essayons d'avoir une nouveauté par an. En 2003, nous avons renouvelé tout notre
système téléphonique d'appels en-trants. Pour 2004, nous venons juste de mettre
en place un outil d'automatisation de la gestion des e-mails [Eptica, ndlr].
Car, si nous traitons les e-mails depuis 2000, nous le faisions jusqu'à présent
manuellement avec Outlook. Vers 2005-2006, nous aurons sans doute le chat, le
call back… Nous avons fait le choix d'une architecture téléphonique ouverte qui
nous permettra d'intégrer ces nouvelles technologies. A terme, nous ferons
aussi quelque chose pour intégrer les appels sortants. Aujourd'hui,
l'architecture de Lille est différente de celle de Paris.
Comment voyez-vous l'avenir de la Banque à distance ?
Nous allons
certainement vers de plus en plus de commercial. C'est évident, dans l'air du
temps. Mais, actuellement, nous faisons beaucoup d'actions tournées vers
l'interne. Les conseillers de clientèle en agences sont plus jeunes
qu'auparavant et connaissent moins bien la clientèle, les produits… Ils ont
davantage besoin de soutien que par le passé. Nous avons donc ouvert des "SVP".
Si nous avons l'information qu'ils recherchent, nous leur donnons immédiatement
par téléphone. Sinon, nous nous engageons à leur fournir sous 24 heures par
mail. Nous avons ouvert un "SVP", il y a un an, sur les produits d'épargne. Un
autre démarre sur la succession. Nous allons en ouvrir de plus en plus.
Vos téléconseillers font-ils un métier à part entière ?
En fait, ils ont deux métiers : banquier et téléconseiller. C'est un métier qui
commence à être reconnu dans la banque. Mais les idées préconçues ont la vie
longue. Comme partout. En quatre ans à ce poste, j'ai vraiment vu une
évolution, à la fois générale et dans nos relations avec le réseau. Au départ,
nous avons été regardés de haut. Nous étions les “soutiers”, à qui on donnait
la clientèle qui n'intéressait pas. Aujourd'hui, nous avons le respect qui nous
est dû. C'est peut être un peu prétentieux de dire cela, mais c'est vrai. A
travers le service que nous apportons, la satisfaction des clients, et aussi
nos apports commerciaux, nous avons acquis une vraie reconnaissance, une
considération. C'est très appréciable. * La Banque à distance du Crédit du
Nord a obtenu, entre autres, 4 trophées Casques d'Or, organisés par l'AFRC,
Centres d'Appels et le SeCA. Trois pour la meilleure relation client et un pour
la meilleure innovation organisationnelle.
La Banque à distance du Crédit du Nord
Création en 1996. Dépend de la Direction Clients, regroupant également les directions de marché et la direction de projet Internet. 115 personnes. 5 plateaux : 3 à Paris (Etoile Direct Compte, Bourse et Conseils) et 1 à Douai (Etoile Direct Agence) pour les appels entrants, 1 à Lille pour les sortants. Plus de 300 000 appels reçus par mois dont 40 000 traités par les téléconseillers. Plus de 2 000 e-mails traités par mois.
Biographie
Ingénieur, diplômée de l'Enset Toulouse, Françoise Leroy a commencé sa carrière dans les Travaux Publics. Après un passage dans la Chimie, elle entre début 1989, en tant que directeur de projet, à la Société Générale. Après son rachat par le Crédit du Nord, elle intègre ce dernier en 1997, en tant que conseil sur différents projets puis crée la Direction d'homologation bancaire. En janvier 2000, elle est nommée directeur de la Banque à distance.