Comdirectbank veut conquérir l'Europe de la banque en ligne
La société allemande de banque en ligne se présente comme LE leader européen de ce nouveau modèle de services financiers fondé sur Internet. Le centre d'appels, installé dans la banlieue de Hambourg, est au coeur du dispositif de ce broker d'un nouveau genre.
A quinze kilomètres de Hambourg, le grand port allemand du Nord, se trouve
Quickborn. C'est dans cette zone de bureaux, non loin de l'autoroute menant à
l'aéroport et à la ville, que Comdirectbank a installé son centre d'appels.
Cette filiale de la Commerzbank, quatrième établissement bancaire allemand, est
dédiée à la vente de produits financiers en ligne via l'Internet. Créée en
1995, elle a d'abord fait de la banque en ligne classique avant de se
spécialiser en 1997 dans le courtage on line. Aujourd'hui, les clients
bancaires classiques ne représentent plus que 15 % des 260 000 utilisateurs de
Comdirectbank (voir encadré). Les canaux de vente employés sont le téléphone,
le fax, le courrier et bien sûr l'e-mail. Le call center est au centre du
dispositif : sur les 850 employés, plus de 600 y travaillent. Bien que 70 %
des transactions sur titres soient effectuées via le Net, les appels
téléphoniques restent nombreux : 10 000 par jour, soit plus de 300 000 en
juillet dernier, et jusqu'à 700 000 en novembre. La fin de l'année est
traditionnellement un moment fort de cette activité de broker en ligne. Le
call center fait partie du département Service et il est divisé en trois
niveaux. Le niveau 1 comprend le centre d'appels proprement dit, avec des
téléopérateurs qui traitent les appels entrants. Le niveau 2 regroupe les
spécialistes des produits financiers et la hot line technique, dédiée aux
problèmes de connexion au site web. Le troisième niveau héberge le
back-office. « Notre philosophie consiste à rediriger un appel une fois au
maximum. Le client doit être renseigné par la première ou la seconde personne
avec qui il entre en contact », explique Ralf Oetting, responsable du call
center.
Un achat en sept clics
Le client ou prospect
qui appelle Quickborn est orienté vers un serveur vocal interactif (SVI ou IVR
en anglais). S'il est déjà client de Comdirectbank, il entre son numéro de
compte puis son code confidentiel et le système le redirige vers l'opérateur
qualifié. Celui-ci fait monter à l'écran la fiche du client puis enregistre son
ordre. En cas d'achat de titres, l'opération dure environ deux minutes durant
lesquelles l'opérateur clique environ sept à huit fois sur son écran. Près de
80 % des clients utilisent le SVI. S'il s'agit d'un client récent, il sera
orienté vers un service spécial nommé "new customer care" (prise en charge des
nouveaux clients) et composé d'opérateurs qui disposent d'un programme spécial
pour l'aider. Au contraire, les consommateurs importants, ceux qui réalisent
beaucoup d'opérations et sont appelés "professional traders" (bien qu'il
s'agisse de particuliers), sont pris en charge par des opérateurs expérimentés.
« Auparavant, ils étaient dirigés comme les autres vers de jeunes
téléopérateurs. Cela nous a créé de gros problèmes », se souvient Ralf
Oetting. Un prospect qui veut obtenir des informations appellera un numéro
spécial de la division télémarketing ou CRM. Les agents de cette division
traitent également les appels sortants. Le premier niveau prend en charge entre
80 et 90 % des appels entrants. Le reste est orienté vers le deuxième niveau.
Ici sont regroupés le "customer care center" (centre de gestion des clients),
la hot line technique et les OTC (off the counter). Ce terme spécifique à la
profession bancaire désigne les opérations de gré à gré, souvent de fort
montant, et réalisées en dehors des horaires d'ouverture des salles de marché.
Le centre de gestion des clients traite toutes les plaintes et demandes
spécifiques. La hot line se concentre sur les problèmes générés par le site web
ou l'utilisation du logiciel maison de transaction en ligne Comhome.
Un transfert chaud
Entre les niveaux 1 et 2 s'effectue
le "warm transfert" (transfert "chaud"), c'est-à-dire que les appelants ne sont
pas placés dans une file d'attente mais restent en contact téléphonique avec un
opérateur. Celui-ci attend avec le client qu'un de ses collègues du deuxième
niveau soit libre. Cet accompagnateur expliquera lui-même l'objet de l'appel du
client, qui n'aura pas à se répéter. Le troisième niveau, celui du back-
office, ne traite aucun appel entrant. Il s'agit d'une division comptable qui
peut, éventuellement, utiliser un canal de communication vers l'extérieur
(téléphone, fax, poste, e-mail). Le premier niveau emploie actuellement 305
opérateurs (soit 233,4 équivalents temps plein) répartis en 15 équipes séparées
de vingt à trente agents. Chaque équipe est encadrée par un chef d'équipe (team
leader) et deux assistants, qui font aussi office de superviseurs. Ceux-ci
sont, par exemple, chargés de venir en aide à tout opérateur qui claque des
doigts. Ce geste fait aussitôt apparaître un assistant. Les agents bénéficient
d'un mois de formation, puis ils travaillent durant un mois supplémentaire dans
un groupe, mais avec un panneau qui les signale comme débutants. C'est la
"warm-up phase" (phase de rodage). Les horaires de travail s'étalent de 8 h à
22 h du lundi au dimanche. Côté technique, le call center de Quickborn est
équipé d'un ACD Lucent et utilise le logiciel Q-max pour la répartition des
charges de travail. Les recrutements des agents du premier niveau s'effectuent
sans exigence de profil particulier. En revanche, les opérateurs des deuxième
et troisième niveaux sont des diplômés en économie et des professionnels de la
banque (les techniciens de la hot line ont eux un profil technologique).
Vers le customer care center
Le deuxième niveau emploie
39 agents (soit 25,2 équivalents temps plein), regroupés en une seule équipe
dirigée par un chef d'équipe, et épaulés par quatre assistants superviseurs.
Les horaires sont les mêmes que ceux du premier niveau. Ce deuxième palier de
traitement va devenir rapidement un véritable "customer care center", avec
l'adjonction de nouveaux moyens de communication (fax, e-mail). « La principale
raison de créer un tel centre de prise en charge du client, c'est notre volonté
de répondre immédiatement aux désirs du client et de résoudre rapidement les
plaintes. Celles-ci sont très importantes pour nous. Nous avons eu, par
exemple, un problème avec notre application Internet Comhome. Il a eu lieu la
nuit et a duré deux heures. Malgré l'heure tardive, nous avons reçu le
lendemain 2 000 appels de clients mécontents ! », se souvient le responsable du
centre d'appels. Les récriminations sont enregistrées dans un logiciel spécial
qui permet d'effectuer certaines opérations : établissement des statistiques,
rectification d'un ordre, etc. Par exemple, si un ordre d'achat n'est pas
exécuté à temps et que l'action en question monte ou baisse par rapport au
montant demandé, Comdirectbank rembourse la différence à son client. La
résolution des plaintes doit être effectuée en moins de deux heures, par appel
sortant vers le client ou par envoi d'un e-mail. Sur la fiche écran visible par
l'agent, un visage souriant (jaune) indique que le problème a été résolu. Le
visage grimaçant (rouge) avertit du contraire.
Un planning informatisé
La hot line est composée de 25 agents (15 équivalents
temps plein), soit une équipe avec un chef d'équipe et deux assistants
superviseurs. Les dysfonctionnements dus à l'usage de l'Internet restent
majoritaires (9 918 sur 21 227 en octobre 1999). « La hot line a un gros
potentiel de croissance en termes d'effectifs », déclare Ralf Oetting, qui
prédit une multiplication par deux du nombre d'agents affectés à ce service en
2000. Le back-office est composé de 144 agents (127,7 équivalents temps plein)
regroupés en huit équipes : cinq pour la gestion des comptes, une pour les
nouveaux clients, une pour le suivi des paiements et des fax et une pour le
traitement du courrier. L'équipe du back-office est appuyée par 53 employés à
temps partiel (36,5 équivalents temps plein). Le planning se fait de manière
mensuelle ou hebdomadaire grâce au logiciel Q-max. Les superviseurs savent à
tout moment combien d'agents sont en ligne, combien préparent le prochain appel
et combien sont en pause. Et ce, à la fois pour leur salle et pour l'ensemble
du centre d'appels. Des camemberts de couleurs (bleu, jaune et rouge)
permettent de visualiser cette répartition de tâches. Les superviseurs peuvent
aussi écouter en direct les conversations. En cas d'événement exceptionnel
affectant la Bourse, comme par exemple la récente démission du ministre des
Finances Oskar Lafontaine, un chef d'équipe du premier niveau est chargé de
répartir les compétences entre les trois niveaux du centre. L'objectif est
clair : « 80 % des appels doivent être pris en charge dans un délai inférieur à
trente secondes », rappelle Ralf Oetting.
Un second bâtiment en construction
Les téléopérateurs qui travaillent dans le bâtiment
de Comdirectbank sont répartis dans des salles spacieuses et particulièrement
calmes. Le turn-over est assez faible (14 %) mais la mobilité interne est
forte, avec 30 % des agents qui changent d'affectation tous les mois. Les
assistants superviseurs sont délégués à la formation, ce qui donne un ratio de
trois agents pour un formateur en permanence. Le numéro de téléphone du centre
d'appels est l'équivalent de nos numéros Azur ou Indigo. Il coûte 0,18 mark par
minute (65 centimes) au client, au lieu de 0,24 mark (87 centimes) pour un
numéro "classique", la différence étant prise en charge par Comdirectbank. Le
choix du site a été fait en fonction de deux critères principaux (proximité
d'une grande agglomération et population universitaire) et d'un troisième qui
est l'absence d'accent chez les natifs de la région. En effet, l'Allemagne
moderne est un pays assez récent composé de régions à l'identité forte et aux
accents prononcés. Enfin, le prix de l'immobilier était attractif. Bien que
les opérations soient majoritairement passées via l'Internet, l'expansion du
centre d'appels est prévue. Le chantier en cours juste en face du bâtiment
hébergeant le centre le prouve : un second immeuble devrait sortir de terre
rapidement.
Genèse d'un broker en ligne européen
Le marché des transactions financières en ligne est dominé par les sociétés allemandes. D'après la banque d'affaires JP Morgan, les cinq premiers établissements de ce type en Europe sont allemands. En mai dernier, Comdirectbank (filiale de la Commerzbank) était leader avec 155 000 comptes et 18,6 % de parts de marché (220 000 comptes en décembre 1999). La première société française, Cortal, pointait à la sixième position. Comdirectbank naît en en février 1995 avec une cinquantaine d'employés. Elle se positionne sur le marché alors émergent de la banque en ligne. En octobre 96, le broker lance Comhome, son logiciel de gestion bancaire à domicile. En juin 97, Comdirect se réoriente vers l'Internet et se spécialise dans les transactions financières. Fin 99, seuls 15 % des 260 000 clients font de la banque en ligne "classique", les autres achètent et vendent des actions on line. Le volume moyen des transactions sécurisées via le Net est de plus de 350 000 par mois. Les clients sont surtout des hommes (75 %) entre 26 et 45 ans, qui gagnent plus de 3 000 euros (près de 20 000 F) par mois et ont un niveau d'études universitaire (76 %). La société se rémunère sur les transactions : 0,4 % du montant, 0,2 % pour les ordres supérieurs à 150 000 marks (540 000 F). Ce "business model" semble pertinent, puisque trois ans après sa création, Comdirect faisait déjà 2,2 millions d'euros (14,5 MF) de bénéfices.