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Centres de contacts cherchent candidats motivés

Pour assurer une qualité de service optimale, les plateaux misent sur l'humain. Les process de recrutement méritent donc d'être rodés pour sélectionner les meilleurs profils. Attitude, personnalité et compétences sont passés au peigne fin. Mais les entreprises cherchent avant tout des candidats volontaires.

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Arnaud Pottier-Rossi (Sourcea.fr):

«Il faut favoriser la communication entre les opérationnels et les services en charge de la sélection de profil.»

Sur fond de crise économique, le secteur de la relation client continue de se construire, de se structurer et de se développer. Il compte aujourd'hui en France près de 250 000 emplois, mais son potentiel se situerait, d'après le Syndicat des professionnels des centres de contacts (SP2C), aux alentours de 450 000. C'est pourquoi les recruteurs se préparent. Ils s'attachent notamment à soigner le volet RH et à optimiser leur processus de recrutement.

Toute la difficulté de l'exercice consiste à confronter l'offre et la demande de postes en centres de contacts. Avec l'augmentation récente du chômage, les CV affluent en masse. De plus, avec Internet, répondre à une annonce en ligne devient relativement simple. «Quelques secondes suffisent pour postuler», indique Loïc de Villers, directeur général de Téléressources. En conséquence, si les retours suite à une offre d'emploi sont très bons, les profils ne sont pas toujours aussi intéressants que par le passé. Des candidats à faible potentiel ne disposant pas des prérequis exigés par le poste se présentent. L'accroissement des besoins sur les plateaux, conjugué à la difficulté de trouver les bonnes compétences, renforce les tensions sur ce segment particulier du marché. En outre, certaines missions sont plus convoitées que d'autres. En effet, la réception d'appels a davantage la cote que l'émission. Et, lorsqu'ils ont le choix, les futurs conseillers privilégient les centres de contacts internes et délaissent ceux des outsourceurs. Ceci pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'ils ont une mauvaise image des prestataires. «Ils associent bien souvent centre de contacts à téléservices, temps partiel, horaires décalés, environnement de travail dégradé...», constate Carole Courgey, manager développement des centres experts relation client chez Randstad.

En outre, le salaire constitue une autre motivation importante. Et, d'après une étude menée, en 2006, à l'échelle européenne par le professeur Hiroatsu Nohara et les docteurs Robert Tchobanian et Caroline Lanciano-Morandat, le différentiel entre les salaires est de l'ordre de 23% entre centres de contacts internes et outsourceurs. En dernier lieu, il est plus valorisant de rejoindre un centre intégré. «Ce type de structure se trouve privilégié, car il permet au collaborateur de se sentir associé à une marque. L'identification est alors forte», assure Arnaud Pottier-Rossi, directeur de clientèle en charge des téléservices chez Sourcea.fr.

Emilie Cazes (Sitel):

«Les titulaires de bac + 2 sont davantage attirés par des fonctions de commercial terrain que par des postes en centre de contacts.»

Savoir-faire...

Une course à la sélection des meilleures aptitudes est actuellement lancée. L'ANPE participe au challenge. En effet, l'agence a, depuis plusieurs années, saisi l'opportunité de placer des chômeurs dans les filières de la relation client. En faisant passer des tests d'habiletés, elle effectue ainsi une première sélection et propose aux employeurs des candidats présentant des prédispositions à exercer les professions des centres de contacts.

Si le vivier des demandeurs d'emploi constitue une piste sérieuse pour trouver des profils, les départements RH ont aussi le réflexe Internet. Le Web est devenu, en quelques années, un média incontournable pour staffer les équipes. La presse reste cependant un passage obligé même si, pour certains, son efficacité est mise en cause. «Nous constatons que la presse quotidienne régionale donne des résultats aléatoires. Mais elle peut trouver sa place en complément d'autres canaux», précise Loïc de Villers.

Avant de penser à diffuser les possibilités de recrutement, les fiches de poste doivent faire l'objet d'une définition précise. «Il est important de favoriser la communication entre les opérationnels et les services en charge de la sélection de profils. La seule mise en place d'une fiche de besoin s'avère insuffisante», prévient Arnaud Pottier-Rossi. Plus la définition du «profil idéal» sera précise, plus les chances de le trouver seront fortes. En premier lieu, il convient de décrire le contexte d'intervention des futurs conseillers clientèle. En l'occurrence, l'employeur se charge de préciser les compétences indispensables à l'exercice de la mission que le candidat retenu devra réunir. Des critères d'autonomie, d'appétence commerciale, de capacité à manier les chiffres sont requis. En outre, hiérarchiser les attentes contribue à favoriser une recherche efficace.

Si, deux ans auparavant, les acteurs s'attachaient à trouver des collaborateurs disposant au minimum d'un bac + 2, ils sont désormais moins regardants sur le volet des diplômes. «Nous avons du mal à toucher les bac + 2 «négociation relation client» et «management des unités commerciales». Ces derniers sont davantage attirés par des fonctions de commercial terrain», atteste Emilie Cazes, responsable recrutement et gestion de carrières des sites de Malakoff et Troyes chez Sitel. De fait, la détection de projets et la prospection ne sont pas les missions les plus attractives d'un processus de vente.

D'autres aspects doivent donc être passés au crible pour repérer les personnes disposant d'un vrai potentiel et de savoir-faire élémentaires. L'étape des tests assure d'identifier rapidement les individus ayant les compétences de base. Ces «petits examens de passage», souvent éliminatoires, portent sur la maîtrise des techniques de communication par téléphone, les aptitudes à la vente, la connaissance du secteur d'activité, la logique...

Certains acteurs se focalisent sur les compétences métier et formulent, en plus, des exigences particulières. Dans le tourisme, par exemple, des connaissances en matière de géographie ne paraissent pas inutiles. La banque et l'assurance sont aussi particulièrement attentives à la maîtrise des concepts théoriques.

Carole Courgey (Randstad):

«Les candidats associent bien souvent centre de contacts à téléservices, temps partiel, horaires décalés, environnement de travail dégradé...»

... et savoir-être

Si mobiliser des savoir-faire compte, le savoir-être prend de l'importance au fil des ans. Sur un marché difficile, la place accordée aux dispositions naturelles des candidats a tendance à croître. Aujourd'hui, les recruteurs s'accordent sur l'importance de la motivation des postulants. «On a la possibilité de former les personnes qui intègrent nos plateaux, que ce soit sur les produits ou même sur les techniques de vente. Si les candidats possèdent la motivation, on est ensuite en mesure de leur donner des outils», précise Emilie Cazes.

Ensuite, la personnalité et la maturité des postulants sont évaluées. Que ce soit lors de présélections téléphoniques, de jeux de rôle en groupe ou même d'entretiens individuels, les points forts des candidats sont identifiés. Les recruteurs examinent surtout la qualité d'élocution, la capacité à travailler en groupe, la prédisposition à l'écoute, les niveaux de concentration, l'effort d'empathie... En outre, mesurer le savoir-être assure, par la suite, de garantir une relative stabilité des équipes.

Les rencontres entre le recruteur et le candidat sont essentielles dans l'optique de pourvoir les postes, mais elles permettent aussi d'identifier les difficultés à venir. Le futur conseiller doit être capable de montrer du recul par rapport à sa situation et à son métier. De fait, le recruteur peut repérer les lacunes du candidat et prévoir un plan de formation pour y remédier. L'échange doit aussi fournir l'occasion de préciser des paramètres comme l'environnement de travail, le contexte, l'organisation, les méthodes de travail...

L'entretien est non seulement l'occasion pour le postulant de convaincre, mais aussi une chance pour l'entre- prise de persuader les meilleurs d'intégrer leur structure. «Les candidats compétents et motivés peuvent recevoir jusqu'à trois offres d'emploi sur lesquelles ils doivent s'engager dans la semaine», illustre Loïc de Villers. De fait, dès lors que les centres de contacts se retrouvent confrontés à des profils sérieux, ils ont tout intérêt à formuler rapidement une proposition concrète. En outre, lors des différents stades du recrutement, le centre de contacts en profite pour mettre en lumière les éléments différenciants de son offre (en termes de poste, d'avantages, de salaire, de politique RH...). Et puis, naturellement, certaines entreprises se montrent plus attrayantes que d'autres. D'ailleurs, pour celles-ci, le bouche à oreille est une méthode efficace. Des systèmes de cooptation se trouvent souvent mis en place et deviennent un moyen complémentaire de sourcing.

Autre point, pour attirer des candidats, les centres d'appels tentent de convaincre leurs interlocuteurs des chances rapides d'évolution sur les plateaux. Au bout de deux ou trois ans, les agents peuvent, en effet, atteindre un poste de management de proximité, devenir experts ou encore migrer vers le réseau. Des perspectives que les recruteurs n'hésitent pas à mettre en avant dès les premières phases de sélection.

Trois questions à Philippe Vanoli, responsable emploi intérimaires chez VediorBis

Existe-t-il une typologie des postulants?
Il est possible de classer les candidats en trois catégories. La première regroupe les individus ne correspondant pas aux métiers de la relation client. Il s'agit de ceux qui présentent un vrai problème d'élocution ou ceux qui ont du mal à gérer le stress pendant les entretiens de groupe. La seconde catégorie réunit les postulants qui ont su démontrer leur motivation et certaines compétences. Ils ont encore des lacunes, mais nous devons les accompagner en leur proposant d'intégrer des programmes de formation. Ces cessions durent entre trois et six semaines et permettent, par exemple, de compenser une absence d'expérience. Enfin, il y a les personnes positionnables immédiatement que nous proposons rapidement aux entreprises.


Quelles qualités possèdent ces candidats qui les distinguent particulièrement des autres?
Ils ont su montrer leur envie et leur capacité à intégrer un centre de contacts. Lors des jeux de rôle, ils se sont révélés moteurs. En outre, il existe souvent une bonne cohérence entre leurs tests écrits et leurs prestations lors de l'entretien collectif. Ces deux volets du recrutement alimentent l'entretien individuel. A chaque étape, l'esprit d'équipe, l'empathie, la maîtrise de la notion de service entrent en ligne de compte. Par la suite, le candidat est amené à rencontrer le superviseur de l'équipe qu'il est censé intégrer. Chacun peut alors se faire une opinion et mettre fin au processus.


Les personnes retenues sont-elles diplômées?
Pas toujours. Tous les ans, avec l'Association française de la relation client (AFRC), nous réalisons un baromètre social de la relation client. Le dernier démontre que le profil type du téléconseiller est une femme, de moins de 26 ans avec un niveau bac. Il y a deux ans, on se trouvait plutôt sur un niveau bac + 2. Mais on s'est aperçu que cette exigence engendrait de la frustration et du turnover. Pour pallier l'absence de formation dédiée aux métiers de la relation client, on visait haut. Néanmoins, pour des secteurs comme la banque et l'assurance ou pour des missions particulièrement techniques, les diplômes restent des prérequis.

Géraldine CAILLET-BERNARD

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