Call Center Summit 2000 : les enseignements
Bernard Caïazzo, président du groupe Call Center Alliance, représenté en France par Quali-Phone, a assisté en avril dernier à Washington au séminaire américain "International Call Center Summit". Il livre ici le résumé des meilleures interventions ainsi que la vision des évolutions futures.
"DU CALL CENTER AU CONTACT CENTER" Conférence de Katleen Klasnic, consultant chez Datamonitor.
Aux Etats-Unis, il y a
aujourd'hui davantage d'employés dans les call centers que dans les secteurs de
l'enseignement et de l'armée réunis. Dans les prochaines années, la valeur
ajoutée des téléconseillers va s'accroître, en raison du développement
multimédia des centres. La baisse du prix des PC, les encouragements des
gouvernements et l'amélioration du service, vont favoriser la croissance
d'Internet. Les dépenses en ligne des consommateurs américains passeront de 4,5
à 80 milliards de dollars entre 1999 et 2003. Cependant, le e-commerce ne
pourra pas se passer du e-service, les sites marchands ne pouvant fonctionner
sans services de relation clients. Les opérateurs du multimédia contact center
devront maîtriser, depuis le même poste de travail, voix et données.
Néanmoins, le service doit encore faire des progrès. 70 % des consommateurs qui
essaient de réaliser une transaction en ligne abandonnent à cause d'un problème
de qualité de service. Ce qui a représenté une perte de 1,6 milliard de dollars
en 1999 pour le e-commerce. C'est pourquoi, le web contact center où le
consommateur peut dialoguer avec un téléconseiller tout en visitant le site de
e-commerce, représente l'avenir. En 2000, 15 % des call centers américains sont
des web call centers. En 2003, ils seront 40 %. Les quatre moyens principaux du
multimédia contact center sont : le téléphone, l'e-mail, le fax, le mailing et
la voix sur IP. Mais le téléphone restera le média principal. Même si les
e-mails vont connaître d'ici 2003, une croissance de 1 000 %, il représentera
encore 72 % du volume d'activité du centre de contact contre 88 % aujourd'hui.
Le e-service se développera à grande vitesse en combinant trois technologies
différentes : l'e-mail management, le Web Self-Service et le Web basé sur
l'intervention d'un téléconseiller (text chat, web page collaboration, voix sur
IP et vidéo conférence). Le Web Self-Service permet de répondre aux questions
les plus fréquentes des clients. Cependant, en cas de problème, le client doit
pouvoir dialoguer avec un conseiller. La qualité de ce service dépend de la
base de connaissances mise en place par l'entreprise. Il vaut mieux ne pas
offrir ce service si la qualité n'est pas optimale. Le Web avec intervention
d'un agent permet de communiquer avec le client en temps réel à travers
plusieurs moyens. Le Text Chat, dialogue par écrit sur Internet en temps réel,
est le plus simple à utiliser avec la possibilité pour un agent de traiter
plusieurs clients en même temps ce qui réduit le coût. Le Web Page
Collaboration - le client visite le site en même temps que l'agent - est
coûteux mais intéressant pour des produits complexes. La voix sur IP - dialogue
oral en temps réel entre l'agent et le client - est intéressante, mais la
technologie n'est pas complètement prête. La vidéo conférence - le client et
l'agent se voient et se parlent en même temps - est encore très expérimentale
avec un besoin réel qui reste à démontrer. En conclusion, le centre de contact
entraînera des collaborateurs plus motivés, davantage de choix pour le client
(mail, e-mail, téléphon...) Mais également un surcoût par rapport au centre
d'appels traditionnel en formation, au niveau de salaires des agents et en
technologie.
"LA STRATEGIE D'OUTSOURCING DE CONTACT CENTER AU NIVEAU INTERNATIONAL" Conférence de Deepax Khandelwal, directeur chez MacKinsey.
La nouvelle économie mondiale pousse les entreprises à
se concentrer davantage sur leurs opérations internationales. Les centres de
contacts clients deviennent alors des armes stratégiques et leur sous-traitance
peut permettre d'optimiser la création de valeurs. Les agences de téléservices
développent leurs capacités sur le plan international, et peuvent ainsi
accompagner les grandes entreprises dans leur croissance, comme ce fut le cas
dans la publicité. Si le call center cède la place au contact center, il fait
savoir que les investissements technologiques y sont plus importants que dans
les centres d'appels traditionnels. Dans un centre de contact client intégrant
Chat, Web, e-mail, call back et voix sur IP, ils peuvent atteindre 35 000
dollars par station de travail. Le niveau des téléconseillers doit également
être plus élevé d'où un coût de ressources humaines plus important. Néanmoins,
les études démontrent que le centre de contact clients permet d'accroître les
revenus de près de 35 % et d'améliorer de 30 % la satisfaction client. Avant de
créer ses propres centres de contacts et donc d'investir lourdement, toute
entreprise à intérêt à outsourcer chez un prestataire disposant de la
technologie et des ressources humaines. Ce qui favorise la mesure de résultats.
Le niveau de l'outsourcing est ainsi en progression aux Etats-Unis depuis 1998.
Il représente 20 % de l'activité totale en 2000 et en représentera 25 % dans
trois ans. En Europe, sa part est de 14 % et devrait doubler dans les trois
prochaines années. Certains annonceurs ont même créé des filiales communes avec
des outsourcers. En 2003, la filiale de centre contact clients de Ford, dans
laquelle le constructeur détient 45 %, réalisera un chiffre d'affaires de 3
milliards de francs. Elle offre un support client 24 heures sur 24, 7 jours sur
7, via e-mail, téléphone, fax, Internet et courrier. De plus, l'expérience
démontre que le coût de l'outsourcing n'est pas supérieur au coût réel en
interne. En dehors du coût, d'autres considérations peuvent intervenir dans le
choix de l'outsourcing : capacité de management et de formation, niveau de
technologie, niveau de l'offre et stratégie de développement.
Incontestablement, les grandes entreprises outsourcent de plus en plus.
"COMMENT LA QUALITE DE LA RELATION CLIENT INFLUENCE L'INNOVATION DANS L'ENTREPRISE ?" Mickael Schrage, codirecteur du laboratoire des nouveaux médias au Massachusetts Institute of Technology.
« Le plus
important dans la mine d'or, c'est le mineur », a écrit Frédéric Leplay au XIXe
siècle. C'est également vrai dans les call centers où le plus important, c'est
le téléconseiller. Le meilleur retour sur un investissement ne s'effectue pas
sur la technologie mais sur les ressources humaines. Et c'est la considération
apportée aux équipes qui crée la valeur d'un call center. Le plus grand
mensonge de l'Âge de l'information consiste à faire croire que l'amélioration
des relations clients passe par l'augmentation de la quantité et de la qualité
de l'information. Or, il n'y pas de relation entre quantité d'information et
qualité de la relation. Si le téléconseiller n'est pas valorisé, le fait de
donner davantage d'informations ne créera pas une meilleure relation avec
l'entreprise. De même, ce n'est pas parce que le Web donne plus d'informations
que la relation client est meilleure. La qualité du contact est plus importante
que le volume d'informations. Améliorer la relation est possible en "partageant
l'espace", c'est-à-dire en donnant au client davantage de possibilités pour
s'exprimer. Ce qui lui permet de mieux comprendre l'entreprise et à celle-ci de
mieux comprendre son client. L'entreprise peut également progresser et innover
grâce aux informations fournies par ses clients et recueillies par le centre de
contact. Microsoft, par exemple, l'a bien compris. Il estime que l'impact de
ses clients sur le développement d'un produit comme Windows 95 a représenté une
économie de plusieurs milliards de dollars. La qualité de la relation client
est la meilleure source d'innovation.
LES REPONSES À DE NOMBREUSES QUESTIONS
Le sommet de Washington a permis de répondre à un grand
nombre de questions que se posent les décideurs sur l'évolution de la relation
client. Vaut-il mieux centraliser son centre de relation client ou l'implanter
dans chaque pays ? Les premiers centres paneuropéens, multilingues, en Irlande
ou en Hollande par exemple, correspondaient à un besoin de productivité avec
pour priorité la simple prise d'appels. Avec le développement d'applications
plus larges de type CRM, nécessitant un véritable dialogue de qualité, la mise
en place d'un centre dans chaque pays est inévitable. Et surtout dans le
domaine du Business to Consumer. Car, comment gérer la relation client sans
l'implication des managers de chaque pays ? Sauf pour des applications B to B,
avec moins de 10 téléconseillers par pays, un centre local est donc nécessaire.
La meilleure stratégie devient donc "Think global. Act local".
Comment Internet va s'intégrer dans l'activité du call center ?
La grande innovation réside dans la prise de conscience
stratégique de la part des entreprises de la nécessité de gérer la relation
client aussi bien au niveau de l'information que de l'action. Internet est un
nouveau média de management de la relation client. Pour réussir son
intégration, il faut partir du client. La BDD clients doit intégrer toutes les
informations collectées à travers tout moyen de communication directe, dont
Internet.
Le contact center va-t-il tuer le call center ?
L'expérience américaine démontre que l'entreprise qui commet
l'erreur de développer un contact center en diminuant la qualité du contact
téléphonique, est punie par ses clients. Ceux-ci utilisent alors en priorité le
téléphone, surtout avec le développement du mobile. Et, si le centre d'appels
ne répond pas, ils ne vont pas pour autant utiliser l'e-mail. Le call center
devient en fait un sous-ensemble du contact center.
Quelle sera l'évolution future du centre d'appels ?
On se dirige vers le
"multimédia contact center", en fonction de l'évolution de la technologie et
des habitudes des clients, qui intègre tous les nouveaux moyens de
communication du Web. Il est clair que le e-commerce ne pourra se passer du
e-service, intégré au contact center, comme de la logistique. Mais tout service
à un prix. Il faut bien être conscient que le coût de la technologie et des
ressources humaines est plus important en contact center qu'en call center.