CRM : priorité à la fidélisation
"Demander à une entreprise, grande ou petite, si elle s'estime réellement
"orientée client", c'est demander au maître d'hôtel si son poisson est frais",
annonce Valoris en préambule à son rapport. Une manière d'insister d'emblée sur
la difficulté à mener une étude sur le CRM en dépassant les affirmations
lénifiantes pour éviter une analyse trop lisse. Et c'est là qu'une étude
qualitative peut trouver tout son sens. « Les études quanti et quali publiées
jusqu'alors sur le CRM se sont attachées davantage à la sphère plus ou moins
élargie de l'équipement technologique des entreprises. Or, nous savons tous que
les responsables en charge du CRM ne sont pas à l'aise avec ce concept »,
explique Gérard Labonne, qui a chapeauté cette étude chez Valoris, pour en
expliquer le pourquoi. Quelles sont maintenant les motivations des entreprises
dans la mise en oeuvre de politiques de CRM ? D'abord le comportement d'une
clientèle dont les personnes interrogées disent le plus souvent (63 %) qu'elle
exige de la disponibilité, de la commodité, de la simplicité. Ensuite, les
opportunités livrées par la technologie : 36 % citent ici Internet, 35 % le
"nouveau rapport à l'information" et 21 % le multicanal. Enfin, troisième
sphère d'explication à l'intérêt porté par les entreprises au CRM,
l'environnement économique en général, et notamment (pour 67 % des responsables
interrogés), la concurrence "dure, imprévisible, rapide". Quelle est la
définition que les entreprises donnent maintenant du CRM ? « Les définitions
sont un peu décevantes, parce que très théoriques », précise Gérard Labonne. De
fait, rien de bien original, notamment pour 40,7 % des responsables interrogés,
qui parlent d'une "approche globale visant à délivrer le bon message au bon
client, au bon moment, à travers le bon canal, au bon niveau de coûts". La
"sagesse" de cette formule est en fait assez paradoxale dans la mesure où,
lorsqu'on leur demande ce qu'elles ne supportent pas dans le CRM, l'idée d'une
"approche théorique" est le plus souvent mentionnée, citée par 32 % des
personnes interrogées. Plus intéressant dans les définitions livrées pour
circonscrire le CRM : 22,2 % le comprennent comme une démarche dynamique, "un
mix d'investissements de médias, de technologie, de processus et d'organisation
visant à capter le maximum de valeur client dans l'instant (interaction) et
dans la durée".
Finalité : la conquête viendra plus tard
La finalité du CRM semble prioritairement raccordée à la
connaissance d'une clientèle déjà acquise. Lorsque l'on demande à l'échantillon
d'associer des mots au concept de CRM, c'est la connaissance des clients qui
émerge nettement ("connaissance", "personnalisation", "one-to-one", "relation",
"service client"...). La notion de rentabilité arrive loin derrière (seulement
20 citations sur 317). Ce que les entreprises visent avec les initiatives
qu'elles ont lancées en matière de CRM, c'est en effet, à 85,2 %, la
fidélisation. La conquête concernant 48,1 % des actions et investissements
initiés. A noter que les programmes d'acquisition de clients devraient prendre
davantage de place à l'avenir : la conquête est citée par 59,3 % des personnes
interrogées lorsqu'elles évoquent la finalité des actions futures. En ce qui
concerne justement les intentions futures des entreprises, il est intéressant
de noter le développement prévisible des partenariats (deux fois plus
importants à l'avenir) et des réseaux de prescription (sept fois plus). En
matière d'interaction client, lorsque l'on compare les initiatives
effectivement lancées et les priorités affichées pour le futur, l'approche
multimédia, ou plus précisément "la cohérence et la synergie des canaux" gagne
18 points. Autres axes perceptibles sur lesquels des efforts seront sans doute
portés : l'amélioration du service auprès des clients. Enfin, toujours dans ce
rapport entre les initiatives tangibles et celles à prendre, mais cette fois-ci
en matière d'organisation des compétences et des processus, c'est
l'optimisation des dispositifs ("performance opérationnelle collective",
"réduction des coûts"...) qui présente le plus fort potentiel d'affirmation (+
15 points). Juste après : le décloisonnement de l'organisation vers une plus
grande orientation client (+ 11 points). "Finalement, les initiatives liées au
service des clients et à leur connaissance sont mises en avant dans les
développements futurs, rapporte l'étude Valoris. Le CRM d'aujourd'hui désigne
ainsi un ensemble de pratiques visant à consolider la base de clientèle en
s'équipant et en s'organisant pour mieux la comprendre, mieux la servir et
s'attacher sa fidélité. Pourtant, sans quitter son champ d'application, le CRM
de demain prendra une tournure à la fois plus conquérante et plus stratégique,
en insistant davantage sur le positionnement et sur les réseaux de partenariat
et de prescription."
Forte implication des directions générales
A l'intérieur des entreprises, quelles sont les
directions qui proposent et soutiennent les initiatives en matière de CRM ?
Notons tout d'abord que les projets CRM s'inscrivent à 89 % dans le fil d'une
réflexion stratégique menée en amont. Selon Valoris, les initiatives sont très
majoritairement lancées à l'instigation des directions générales (81,5 %) et
des directions marketing (63 %). Ensuite, lorsqu'il s'agit de les soutenir, les
départements les plus investis après les directions générales sont les forces
de vente ou réseaux de distribution (70,3 %), qui sont plus en retrait dans la
prise d'initiative (48,1 %). Le support client, pour sa part, n'arrive qu'en
quatrième position dans l'initiative comme dans l'accompagnement. Il est par
ailleurs intéressant de noter que les directions et départements au sein de
l'entreprise sont, dans l'absolu et sans distinction, plus prompts à porter les
projets une fois initiés qu'à en provoquer le lancement. A cet égard, lorsque
l'on demande aux personnes interrogées d'identifier les difficultés rencontrées
dans la mise en oeuvre du CRM, elles sont 45,8 % à mentionner le manque
d'application des acteurs clés en interne et 54,2 % à citer la résistance au
changement. Quelle perception les responsables interrogés ont-ils de la
dimension technologique ? Les avis sont ici très équitablement partagés. Pour
les plus positifs : 40,7 % jugent que les technologies sont "en avance sur les
attentes, un catalyseur" et qu'elles "ouvrent des perspectives". 3,7 % des
personnes interrogées jugent même qu'elles "répondent aux attentes, sont
fiables et performantes". Pour les plus réservés : 29,6 % estiment que "le
problème n'est pas technologique, que la technologie est l'arbre qui cache la
forêt". Ils sont par ailleurs 7,6 % à penser que les solutions disponibles "ne
sont pas toujours à la hauteur des espérances" et 7,2 % que l'offre est déjà
"si riche qu'elle dépasse largement leur capacité à les exploiter". De manière
générale, les fournisseurs de solutions technologiques ne ressortent pas
grandis de l'étude Valoris. Pour 52 % des personnes interrogées, ils parlent
"plutôt mal" du CRM. « Les entreprises sont assez critiques quant à l'opacité
du discours tenu par les fournisseurs et prestataires technologiques, explique
Gérard Labonne. Un élément parlant : tous les responsables approchés ont exigé
comme condition à leur collaboration le fait que nous ne citions pas les
sociétés qu'ils ont évoquées. » Critiques certes, mais guère libérés par
rapport aux fournisseurs. Les consultants s'en sortent mieux, jugés à 50 %
comme parlant "très bien" du CRM et à 27 % en parlant "plutôt bien".
La confiance, à défaut de mesure
« Aucune des
entreprises approchées n'a déployé une stratégie globale de CRM, résume Gérard
Labonne. Toutes ont lancé des actions ou programmes parcellaires. » Si 52 % (on
serait tenté de préciser "seulement") des initiatives font l'objet d'une étude
de retour sur investissements avant leur lancement, 58 % ne donnent pas de
"résultats business" tangibles. Qui plus est, quand résultats il y a, ils
s'avèrent dans 74 % des cas ne pas être à la hauteur des ambitions affichées.
Et pourtant, le rapport coût/enjeu ne semble pas plus alarmant que ça : « Les
personnes interrogées déclarent à 95 % consacrer des budgets "raisonnables" au
CRM. Personne n'a parlé d'investissements disproportionnés. C'est le signe que
les enjeux doivent être forts. Car nous savons tous que les budgets consacrés
au CRM sont très lourds », détaille Gérard Labonne. Et les investissements ne
sont manifestement pas voués à diminuer : dans 56 % des cas, la hauteur des
bud-gets alloués est envisagée comme constante à échéance de 24 mois, ou en
faible hausse. Dans 11 % des cas, il est prévu que ces investissements
doublent.
Les mauvaises surprises budgétaires
Lorsque
l'on demande aux responsables interrogés où ont été identifiées les plus
mauvaises surprises budgétaires, la déception se distribue de manière assez
homogène entre les prestations d'accompagnement au changement (33,4 % des
citations), la plate-forme logicielle (33,3 %), la plate-forme technique (27,8
%) et les prestations de conseil et d'intégration (27,7 %). Mais, si leurs
résultats en termes de business ne sont pas évidents, les initiatives lancées
ne restent pas sans effet en interne. C'est sur le système d'information qu'il
s'avère le plus flagrant (impact très fort et fort à 88,4 %). Suivent les
métiers et les pratiques (81,5 %). Si l'on s'attache maintenant à la dimension
extérieure de la politique de CRM, il est intéressant de noter que près de la
moitié (48,1 %) des entreprises ont parfois impliqué leurs clients dans le
déroulement des projets. Dans 7,4 % des cas, cette implication est
systématique. Et semble-t-il bénéfique, 69 % des personnes approchées parlant
alors d'impact positif sur le résultat des actions engagées. En conclusion, «
aucune entreprise n'a osé estimer "très bonne" la réalité de son orientation
client. Mais pour 89 % d'entre elles, le projet CRM est jugé "assez bon" ou "en
progrès notable". 11 % des responsables pensent que les choses restent à
construire », souligne Gérard Labonne.
Méthodologie
L'étude repose sur un échange entre les consultants de Valoris et des représentants de 138 des 1 000 premières entreprises en France. Echange réalisé soit sur la base d'un questionnaire envoyé et retourné par courrier, soit par entretien en face à face. 89 questionnaires complets ont été retenus pour cette première exploitation statistique. Profil des répondants : directeurs marketing ou commerciaux, directeurs de la stratégie, directeurs de service client, directeurs généraux. Secteurs d'activité : Industrie à 25 % ; Distribution à 22 % ; Banque Assurance à 20 % ; Télécoms à 11 % ; Services et Energie à 11 % ; Transports, Tourisme et Loisirs à 8 % ; Santé à 3 %.