CRM en Europe : les industries françaises à la traîne
Xerox Europe publie une importante étude sur la gestion des connaissances,
la gestion de la relation client et l'e-business au sein du tissu industriel
européen. Qu'est-ce qui a amené la filiale européenne de Xerox Corporation, 6e
entreprise informatique au monde (4 Md$ de CA 2000), à entreprendre cette
enquête ? « Ce qui intéresse les industriels aujourd'hui, c'est de résoudre des
problèmes. Et, pour ce faire, il est nécessaire d'identifier ces problèmes.
C'est ce qui nous a incités à devenir ici prestataires de service afin
d'identifier l'état d'avancement des grandes stratégies d'entreprise. Ce, avec
le maximum d'objectivité. Jamais l'activité ni le nom de Xerox n'apparaissent
dans cette étude », explique Olivier Grouès, directeur de l'industrie chez
Xerox. On imagine cependant aisément l'intérêt que Xerox, fabricant de
solutions de gestion et de diffusion de la connaissance et de l'information,
peut tirer d'une étude de ce type. Selon l'étude menée par Xerox, la gestion de
la relation client connaît une forte croissance en Europe : 62 % des
entreprises industrielles ont déjà mis en place une solution adaptée. Pour ce
qui est du tiers de l'échantillon n'ayant pas encore développé de dispositif
CRM, 28 % des entreprises pensent mettre en oeuvre une solution dans les trois
prochaines années, 48 % ne savent pas quand les choses se feront et 15 % ne
prévoient aucune implémentation. Les programmes de CRM sont le plus souvent
dirigés par le directeur marketing (16 % des entreprises). Plus rarement par le
président-directeur général (10 %).
Espagne et Italie, champions européens de la GRC
C'est en Italie et en France que la tête de
l'entreprise est le plus fréquemment impliquée (16 % et 15 % des sociétés
approchées). Pour ce qui est du budget alloué à la stratégie de GRC, le P-dg
est maître à bord dans 11 % des entreprises, devant le directeur financier (10
%) et le directeur marketing (9 %). A noter qu'en France, le directeur
marketing ne chapeaute la dimension budgétaire du CRM que dans 2 % des
entreprises. Le paradoxe vient de la pénétration des politiques de GRC dans les
cinq pays considérés. Selon l'étude, en effet, l'Espagne et l'Italie sont en
avance sur les pays anglo-saxons et sur la France. 77 % des entreprises
espagnoles et 75 % des sociétés italiennes approchées ont mis en oeuvre des
stratégies de GRC, contre 65 % des entreprises allemandes, 54 % des
britanniques et 38 % des françaises. Bref, la gestion de la relation client
serait deux fois plus développée au sein du tissu industriel en Espagne qu'en
France. Dans tous les pays, les entreprises rencontrent les mêmes difficultés
dans la mise en place de leur politique de gestion de la relation client. En
tête des obstacles cités : le manque de ressources, devant le manque de
formation (cité au premier chef par les entreprises françaises) et la faible
prise de conscience des avantages de la GRC. Ce, alors que les responsables
interrogés reconnaissent pour la plupart que leurs meilleurs outils sont les
hommes et les contacts directs qu'ils ont avec les clients. Interrogés sur les
moyens les plus importants dans une stratégie de CRM, les dirigeants accordent,
en effet, une note de 8,3/10 à leurs équipes et de 8,1 au contact en face à
face. Le centre d'appels arrive en troisième position avec une note de 7,2. 90
% des entreprises industrielles prévoient l'intégration effective d'une
stratégie de CRM d'ici 2004. Avec des objectifs divers. Et il faut reconnaître
que l'étude de Xerox manque sensiblement de précision dans la définition même
du CRM par les entreprises qui le mettent en oeuvre. « Nous nous sommes rendu
compte que la perception était assez variable d'un pays à l'autre, souligne
Olivier Grouès. En France par exemple, il semblerait qu'il existe une certaine
confusion entre le CRM et l'e-business. En tous cas, l'e-business y est
considéré comme un vecteur important de développement du CRM. »
Le CRM envisagé comme outil de conquête
A l'échelle européenne, le
CRM apparaît pour 28 % des entreprises comme un moyen d'interagir de manière
plus efficace avec la clientèle. Pour 21 %, c'est avant tout une méthode de
conquête et de rétention. 12 % des personnes interrogées évoquent le
développement d'une stratégie "one-to-one" et 12 % ont mis en avant le levier
de profitabilité que constitue une politique de GRC. Quant à la fidélisation,
elle n'est citée que par 8 % des responsables. Même si les Français semblent
les plus attachés à cette notion (12 % voient dans le CRM un vecteur de
fidélisation, contre 5 % des Allemands), elle reste reléguée loin derrière
l'idée de conquête. A fortiori au sein des plus grandes entreprises. Plus
surprenant encore, la faible importance attachée à l'identification des clients
les plus générateurs de chiffre d'affaires et des clients moins profitables. Le
travail sur les bases client n'est cité que par 5 % des personnes comme devant
être, au premier chef, associé à une stratégie de CRM. Assez paradoxalement,
les effets effectifs d'une politique de CRM traduisent un certain décalage par
rapport aux objectifs affichés. Si la fidélisation n'est pas désignée comme le
but recherché, elle est citée comme le premier domaine de profit de la GRC.
Lorsque l'on demande au panel de noter de 1 à 10 les éléments de bénéfice du
CRM, la fidélisation obtient 7,6/10 (8,1 chez les Français), juste devant une
meilleure compréhension de la clientèle (7,5), et assez loin devant le cross
selling et l'up selling (5,4).
Les réclamations pour adapter la stratégie de GRC
Les vecteurs les plus utilisés dans la gestion de
la relation avec la clientèle sont le face à face, la gestion des bases de
données, les relevés de compte et la facturation. Quant aux moyens choisis pour
mesurer la stratégie de GRC, le premier d'entre eux est la prise en compte des
réclamations (63 % des cas). On observe toutefois à ce niveau d'importantes
disparités selon les pays : le travail sur les réclamations est plus évident en
Allemagne, où il concerne 86 % des industries, qu'en France (39 %). Les études
de satisfaction clientèle sont utilisées par 50 % des industries (63 % des
entreprises françaises). Quant au benchmarking, il ne se pratique que dans 28 %
des entreprises. Côté industriels français, c'est la profitabilité de
l'entreprise qui constitue le premier élément de mesure de l'efficacité du CRM,
cité par 60 % des personnes interrogées, devant la productivité (52 %). 69 %
des industriels européens ayant mis en place un système CRM n'ont pas prévu de
poste de juriste pour accompagner leur stratégie. Les Français et les Allemands
sont les plus "légalistes" : 44 % des entreprises françaises et 36 % des
allemandes ont développé un poste juridique. Contre 24 % des sociétés
britanniques, 27 % des espagnoles et 32 % des italiennes. Les secteurs
d'activité les moins soucieux de l'accompagnement juridique des stratégies de
CRM sont les industries de biens électroménagers, l'industrie automobile et le
high-tech.
Méthodologie
L'étude commanditée par Xerox a été menée par The Survey Shop, cabinet d'études britannique, auprès de 500 moyennes et grandes entreprises de cinq pays européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne), dans cinq grands secteurs d'activité industriels : automobile, secteur public, high-tech, communication, produits de consommation en électroménager. Le panel a été extrait de la base de données européennes de Dun & Bradstreet. 529 directeurs et cadres supérieurs ont été interrogés par téléphone entre le 5 et le 29 juin 2001.