Banques : le poids de la culture d'agence
Le cabinet CSC Peat Marwick a mené une étude sur les centres d'appels bancaires et leur niveau d'intégration aux autres canaux de distribution. Où il apparaît que les banques ont eu tendance à développer une approche plus opportuniste que stratégique. Où l'on voit également que les call centers ne s'affranchissent guère de la culture d'agence.
Les call centers bancaires constituent sans doute des briques stratégiques
pour les établissements bancaires. Ils sont à 74 % internalisés, 5 % seulement
s'inscrivant dans une politique d'externalisation totale. Ce qui traduit
certainement un souci de maîtrise de la part des entreprises et crédite donc
l'importance conférée à ces entités. Et pourtant, Cette thèse doit supporter de
nombreuses nuances. C'est du moins ce qui se dégage de bout en bout de l'étude
menée par CSC Peat Marwick sur les centres d'appels dans le milieu bancaire
(voir encadré Méthodologie). Pour "cadrer" le marché, l'étude signale que 52 %
des plates-formes ont moins de 20 positions. Les centres d'appels sont, pour la
plupart (82 %), mono-structure. 10 % seulement des banques ont opté pour
plusieurs plateaux dans le cadre d'un système distribué. A noter : deux
établissements ont organisé leur service client de manière hyperatomisée ; la
structure reposant sur un réseau de téléconseillers disséminés sur les agences.
La majorité des centres d'appels bancaires développent une relation bilatérale
avec la clientèle : 57 % travaillent en émission et en réception, 21 % ne
faisant que de l'entrant et 17 % exclusivement du sortant (5 % ne se prononcent
pas). La polyvalence fait aussi bien souvent force de loi : dans 74 % des cas,
le back-office est pris en charge par les agents de la front line. Concernant
plus précisément l'émission d'appels, les banques optent pour des tâches à
faible valeur ajoutée pour le client : prise de rendez-vous (71 %), enquêtes de
satisfaction (47 %), qualification des fichiers (38 %). Même si la vente
directe est traitée dans 53 % des cas. En matière de réception, les tâches
"basiques" priment également : virements dans 67 % des cas, information sur les
comptes (62 %) et les produits (60 %). Mais le traitement d'ordres de Bourse
est déjà pris en charge dans 33 % des cas. De manière générale, il semble que
la cible des centres d'appels bancaires se calque assez bien sur la cible des
agences. 48 % des call centers consacrent plus de 80 % de leurs appels sortants
à des clients en portefeuille. A l'inverse, 38 % ont pour cible prioritaire des
prospects. 6 % seulement des établissements sondés ayant défini une cible
spécifique de prospection ou identifié une population à forte appétence pour le
canal téléphonique. Dans plus de 43 % des cas, les centres d'appels sont
incapables d'identifier une clientèle à forte appétence pour la banque par
téléphone. 36 % des entreprises ont des objectifs propres au centre d'appels
et globalisés pour l'ensemble de la plate-forme. 22 % ont également défini des
objectifs propres, mais qui sont, à leur tour, individualisés au niveau des
téléconseillers. "Seulement" 18 % des centres d'appels n'ont pas d'objectifs
propres. 61 % des centres d'appels intègrent les informations de suivi à un
tableau de bord unifié. 40 % effectuent ces mesures à l'aide à la fois d'outils
liés à la téléphonie (PABX) et du système d'information. Pour 16 %, les
statistiques sont réalisées à partir du seul PABX. Les banques ne sont que 5 %
à n'utiliser que le système d'information. 12 % réalisent des statistiques,
mais ne les réinjectent pas dans un tableau de bord. Enfin, pour 9 % des
entreprises sondées, les mesures d'activité s'effectuent de manière artisanale
(suivi manuel par les téléopérateurs).
L'impact perçu mais non analysé des centres d'appels
Quant à l'autonomie comptable des
centres d'appels bancaires, elle est très diverse. Si 24 % d'entre eux n'ont ni
comptabilité analytique ni compte de résultat, 29 % ont mis en place l'un ou
l'autre. Et 16 %, ayant mis en place une comptabilité propre, réaffectent les
coûts et les recettes aux agences. En fait, si l'on observe la position du call
center par rapport au réseau, 60 % des établissements constatent un réel impact
(de moyen à très important) sur les performances commerciales des agences. Une
donnée qu'il faut nuancer par le fait que CSC Peat Marwick enregistre un taux
de 75 % de non-réponse à la question : "Pouvez-vous estimer les gains de coûts
et de temps liés au centre d'appels ?". D'ailleurs, dans les deux tiers des
cas, les responsables interrogés sont incapables d'apprécier le coût unitaire
d'un appel (en émission comme en réception). CSC Peat Marwick constate
également dans son étude que les call centers approchés sont encore loin d'une
situation d'affranchissement par rapport au réseau des agences. Pour 65 % des
banques interrogées, le centre d'appels vient en appui des agences. Elles ne
sont que 26 % (en ce qui concerne les appels entrants) et 10 % (pour les appels
sortants) à considérer leur call center également comme un canal propre.
78 % des banques se limitent à une visite du site
Pour
40 % des établissements, le centre d'appels n'a pas permis de mettre en place
un niveau de service différent de celui offert en agences, si ce n'est une plus
large accessibilité horaire. A cet égard, il faut relativiser cet élargissement
du faisceau horaire. La grande majorité des plages d'ouverture sont assez
proches de celles des agences. De 8 à 19 heures en semaine et de 8 h 30 à 16 h
le samedi. Un seul établissement parmi les 60 ayant répondu à l'enquête ouvre
son centre d'appels de 6 à 23 h du lundi au samedi. En termes de contenu, les
tâches confiées au call center restent assez basiques, la prise de rendez-vous
accaparant le gros de la production en émission. Dans 91 % des cas, la cible du
plateau est la clientèle de particuliers de l'agence, et seulement 38 % des
responsables de centres considèrent que l'approche à distance est une
opportunité d'élargir le portefeuille clients. Il est également intéressant de
constater que, pour "promouvoir" leur centre d'appels auprès des agences, 78 %
des entreprises se contentent d'organiser une visite du site. Elles ne sont que
7 % à avoir instauré pour les commerciaux d'agence des journées de travail in
situ. En matière de politique tarifaire, seuls 21 % des établissements ont opté
pour un système incitatif. Et seulement deux entreprises sur les 60 ayant
répondu à l'enquête reconnaissent la nécessité de mettre en place une
tarification différenciée par canal de distribution, en fonction des coûts
unitaires des ventes, des transactions et des actes divers effectués. Bref,
comme le relève l'étude de CSC Peat Marwick, "on est loin de cette banque
canadienne qui a ouvert un centre d'appels de plusieurs centaines de positions
et, en parallèle, fermé les agences l'après-midi". Sur le plan technologique,
l'étude de CSC Peat Marwick note que le tissu des centres d'appels bancaire se
caractérise par un manque d'adaptation du système d'information aux besoins. En
effet, seules 24 % des structures ont adapté l'existant aux impératifs
stratégiques et fonctionnels du call center. Et 14 % regroupent l'information
collectée dans une base de données centralisée et partagée avec les agences.
Par ailleurs, 60 % des centres d'appels ne disposent pas de SVI et 16 % ont mis
en place un serveur vocal sans identification du client.
Multiplicité des canaux, oui. Multicanal, voire...
En
matière d'intégration du multicanal, les responsables d'établissements
bancaires sont relativement décomplexés. 55 % d'entre eux estiment n'être ni en
avance ni en retard sur la concurrence. Nul ne semble à la recherche d'une
position de leadership. Cependant, les nouvelles technologies sont perçues
comme un passage à terme obligé dans l'exploitation des plateaux. 91 % des
banques estiment nécessaire de se munir de tous les canaux existant, sous peine
de perdre leur clientèle selon 81 %. Néanmoins, ce souci de développement
s'inscrit rarement dans une logique multicanal. Par exemple : 69 % des centres
d'appels n'ont pas mis en place de liens entre le canal téléphonique et
Internet ; 72 % n'ont pas non plus créé de pont entre téléphonie mobile et
canal téléphonique. Et pourtant, 81 % des responsables d'établissement
interrogés pensent que le développement du téléphone est lié à celui
d'Internet. Il semblerait qu'aujourd'hui, l'ensemble des canaux soit au moins
en phase d'expérimentation. Les agences sont perçues comme étant en phase de
maturité (57 %), voire en phase de "deuxième génération" (23 %). Le call center
est, lui, jugé en phase de développement (31 %), voire en phase de croissance
(28 %). Quant à Internet, il arrive au terme de sa phase d'expérimentation (52
%). Selon leurs responsables, les centres d'appels bancaires sont voués à
grossir. Selon 55 % d'entre eux, l'activité du centre va s'accélérer et, pour
14 %, elle va connaître une croissance exponentielle. 57 % des établissements
ont l'intention d'augmenter la taille de leur plateau dans les trois ans. Mais
cette perception et ces déclarations d'intention sont davantage liées à une
simple croissance d'activité qu'à une réflexion sur la nécessité d'ouvrir de
nouveaux services ou de lancer de nouveaux produits. L'évolution vers le
conseil boursier est peu probable ou improbable dans 22 % des cas (36 % ne se
prononcent pas). Ce ratio passe à 26 % (31 % NPS) pour le crédit immobilier, à
26 % (31 % NPS) pour la vente d'assurance-vie, à 41 % (40 % NPS) pour la vente
de produits et services extra-bancaires. De même, les banques, dans leur
majorité, n'ont pas l'intention d'élargir le prisme de leur clientèle grâce au
call center. L'ouverture vers les PME est dans 29 % des cas peu probable ou
improbable (33 % ne se prononçant pas sur la question), le ciblage vers les
grandes entreprises n'est pas envisagé dans 53 % des cas (33 % NSP). Et dans 44
% des cas, on n'imagine pas non plus élargir la clientèle du centre d'appels à
l'interne (réseau des agences). En conclusion, avance l'étude de CSC Peat
Marwick, "les centres d'appels bancaires en France s'apparentent à des guichets
par téléphone, qu'il s'agisse des missions, des cibles, des politiques de prix,
des organisations et des politiques de ressources humaines sur lesquelles ils
s'appuient". Sur ce point règne d'ailleurs une homogénéité certaine. Et si les
facteurs de différenciation les plus sensibles relèvent des options
technologiques, de la mise en place ou non d'une autonomie comptable ou sur des
questions d'organisation, comme la définition de plages horaires plus élargies.
Mais, pour être discriminants, ces facteurs différenciants ne fédèrent bien
souvent qu'une minorité, voire ultra-minorité d'établissements.
Méthodologie
L'étude quantitative du groupe Services Financiers de CSC Peat Marwick a été menée en France durant le premier semestre 2000 auprès de 60 banques de détail et établissements spécialisés, organisés en réseau d'agences (aucune banque en direct). Soit 54 banques régionales, 4 établissements spécialisés et 2 banques nationales. Cette étude aborde trois thèmes centraux : les caractéristiques du centre d'appels bancaire, l'avenir du centre d'appels à horizon 2002, l'intégration du multicanal.
La jeunesse fait la maturité
En ce qui concerne nombre d'aspects de leur exploitation, la jeunesse des centres d'appels constitue un facteur d'optimisation. Les call centers les plus récents ont en effet bénéficié plus facilement des avancées technologiques, ainsi que des expériences (bonnes ou mauvaises) de leurs homologues. Les plateaux ayant moins de trois ans d'existence sont plus nombreux à traiter le passage des ordres en Bourse (41 % pour les centres d'appels de moins de 3 ans vs 14 % pour les plus de trois ans). Pareillement, les activités de prise de rendez-vous sont plus développées au sein des structures jeunes (100 % des plateaux de moins de trois ans et pratiquant l'émission d'appels, contre 77 % pour les plus anciens). Et 77 % des plateaux les plus jeunes intègrent la vente directe à leurs actions d'émission (contre 57 %). Si les offres impliquées ici correspondent à des services ou produits "de base", il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de donner aux centres d'appels un impact directement commercial. Toujours dans le même ordre d'idée, 36 % des centres d'appels de moins de trois ans ont mis en place un SVI avec identification du client (contre 21 % pour les plus de trois ans). Enfin, CSC Peat Marwick souligne que 41 % des structures qui réaffectent leurs coûts ont moins de trois ans et seulement 14 % plus de trois ans.
Ressources humaines : peu d'audace
Les établissements bancaires ont recours pour animer leurs centres d'appels à des profils plutôt généralistes (pour 62 % des banques). Ils ont à 66 % recours au recrutement interne (dont plus de la moitié au sein des agences). Mais pour une petite majorité, les conseillers sont a priori peu qualifiés aux métiers bancaires : étudiants dans 28 % des cas, téléopérateurs en sous-traitance dans 22 % des cas et intérimaires dans 7 % des cas. La formation n'est manifestement pas encore considérée comme un élément déterminant. En moyenne, les banques n'accordent à leurs téléconseillers que 3 jours de formation, portant sur les techniques d'entretien téléphonique (90 % des réponses), les techniques bancaires (69 %) et les outils informatiques (60 %). Seuls 29 % des établissements dispensent une formation au conseil financier. Les téléconseillers sont placés sous la responsabilité d'un encadrement assez présent. La moyenne du ratio superviseur/téléopérateurs est de un pour six. Dans 39 % des cas, on compte un superviseur pour 7 à 12 téléopérateurs et dans 15 % des cas, un superviseur pour 13 à 18 agents. Quant à l'organisation proprement dite du travail, elle n'est pas spécifiquement innovante. Si 28 % des établissements affirment avoir testé de nouvelles formes d'organisation grâce au centre d'appels, 25 % précisent qu'il s'agit des 35 heures. Dans 35 % des cas, on met en avant les 3/8, dans 30 % des cas, on parle d'industrialisation des tâches ou de taylorisation. Seulement 10 % des sociétés sondées évoquent des méthodes innovantes (planification selon les flux, temps de travail à la carte...). Enfin, lorsque les enquêteurs de CSC Peat Marwick ont abordé la fonction de téléopérateur, peu d'établissements ont répondu l'avoir intégré dans un cursus de carrière. En fait, le téléopérateur est rarement considéré comme un commercial. Si 57 % des établissements pratiquent une politique salariale identique à celle des agences, dans 74 % des cas, les téléconseillers ne reçoivent pas de variable en complément de leur fixe.