Autoprescription de faveur
Chez OCP, on cultive avec insistance la distanciation par rapport à ce que
peut représenter un centre d'appels et son univers. Du moins dans le discours.
Au sein de cette entreprise de soixante-quinze ans d'existence, leader français
de la répartition pharmaceutique, qui travaille avec le téléphone depuis vingt
ans, on aurait donc de la relation client à distance un usage propre, original,
voire à mille lieues de certaines pratiques du marché. Une différence qui se
traduirait jusque dans le lexical et le vestimentaire. Chez OCP, et nulle part
ailleurs, les téléconseillers sont appelés "pharmaliens". Qui, pour une
majorité, et alors qu'aucun règlement intérieur de l'impose, portent sur les
plateaux une blouse blanche, blasonnée aux trois lettres de l'entreprise. «
Chez OCP, travailler sur le centre d'appels, c'est l'aboutissement d'une
carrière. Les gens sont fiers d'être là. Il y a des candidatures en interne
pour le call center. C'est rare dans les entreprises », avance Jeanne
Zilberberg, directeur marketing et communication. L'entreprise est organisée en
dix régions et 55 établissements (8 établissements régionaux et 47
établissements associés). Chaque établissement disposant d'une structure de
contact téléphonique animée par des pharmaliens. Ils sont 335 pharmaliens au
total (sur un peu moins de 5 000 salariés), soit entre 40 et 80 par région. Les
établissements régionaux abritent pour leur part un call center plus important
susceptible de pouvoir gérer les débordements d'appels. OCP a privilégié
l'autonomie régionale : chaque région est responsable de sa propre production
et adresse un reporting régulier au siège.
40 % DE PARTS DE MARCHÉ POUR 15 000 OFFICINES TOUCHÉES
La vocation première du centre
d'appels est de répondre aux questions posées par les clients pharmaciens. OCP
touche 15 000 des 23 000 officines françaises, dont 12 000 qui constituent sa
clientèle fidèle. L'entreprise représente 40 % du marché de la répartition
pharmaceutique en France. Le call center joue un rôle de relais entre le
laboratoire pharmaceutique et le pharmacien. OCP est un intermédiaire, régi par
le code de la santé publique qui l'oblige à avoir quinze jours de stock pour 90
% des références. Chaque site local OCP a en stock tout médicament qui est
commandé localement au moins six fois par an. Les centres régionaux disposent
de toute référence commandée au moins six fois par an régionalement. De même
pour le site parisien au regard de la demande sur Paris et sa région. « Nous
sommes à la fois grossistes et répartiteurs dans la mesure où la production
consiste dans du déconditionnement et du reconditionnement sous forme de
caisses constituées en fonction des besoins de nos clients », précise Jeanne
Zilberberg. 1 200 camionnettes apportent dans les deux heures suivant l'appel
les commandes passées par les pharmaciens, où qu'ils se trouvent et quels que
soient le volume et la nature de la commande.
LA TÉLÉTRANSMISSION : ENCORE 95 % DES COMMANDES
Les sollicitations des officines portent
sur des commandes en télétransmission. Il s'agit alors d'enregistrer et de
transmettre au stock les commandes directement transmises via l'informatique à
partir de microfiches remplies par le pharmacien. Technique qui représente
encore aujourd'hui 95 % des commandes. Les appels sont également motivés par
des commandes de complément "en clair", c'est-à-dire strictement passées par
téléphone. Enfin, le call center doit pouvoir remplir un rôle d'information sur
toute question portant sur les médicaments et produits pharmaceutiques. Les
pharmaliens disposent d'une base de données interne, présentée comme la plus
riche du marché. « Nous mettons, par ailleurs, à leur disposition un centre
d'information au siège vers lequel ils peuvent s'orienter pour des questions
qui seraient d'un très haut niveau de complexité », souligne Jeanne Zilberberg.
Le téléphone n'est en aucun cas le support direct de la transaction. Le
pharmacien passe commande, le pharmalien donne le prix hors taxes, mais n'est
pas directement lié à l'acte commercial. La prise de commande reste
prédominante. Mais la part de l'information devrait s'affirmer. D'autant que le
site internet d'OCP, développé il y a quatre ans, intègre de son côté une
fonction d'enregistrement et de traitement des commandes. Cette dimension
commerciale, qui a séduit aujourd'hui 2 000 abonnés (1 million de pages vues
par mois), n'en fait pas pour autant, affirme-t-on chez OCP, un concurrent du
call center. « Parce que la télétransmission marche extraordinairement bien.
Elle représente 95 % des commandes. Ces dernières passées via Internet sont
très majoritairement le fait de pharmaciens d'abord venus chercher de
l'information sur le site. Mais en volume de commandes, Internet pèse encore
très peu », avance Martine Portnoe, responsable des relations avec la presse.
CHAQUE CLIENT APPELLE EN MOYENNE DEUX FOIS PAR JOUR
OCP
travaille quasi exclusivement en réception d'appels. Il y a plus de vingt ans,
c'est l'entreprise qui appelait les officines pour connaître l'état de leur
stock et leurs besoins. Aujourd'hui, si son portefeuille clients compte au
grand maximum 15 000 clients, OCP reçoit en moyenne 30 000 appels par jour. En
moyenne, chaque client appelle donc deux fois par jour. « C'est un état de fait
unique dans le monde des centres d'appels », insiste Jeanne Zilberberg. Fin
1998, l'entreprise investit dans toute la technologie nécessaire pour passer
d'un service de prise de commande par téléphone à un centre d'appels dignement
équipé : ACD, CTI, SVI... Les secteurs géographiques de prestation sont
parfaitement délimités. OCP a voulu faire de la notion de proximité avec la
clientèle l'une des bases stratégiques de sa politique de croissance et de
fidélisation. « Le CTI nous permet de savoir quel pharmacien appelle. Mais la
personnalisation va plus loin : bien souvent, le client connaît son pharmalien
», souligne le directeur marketing et communication. Si les responsables de
l'activité call center revendiquent leur différence sur un marché connu pour
son penchant à la productivité, ils semblent s'être pliés aux codes en matière
de normes de qualité de service. « Etant donné les réponses qu'il est en droit
d'attendre, le pharmacien est patient. Ce qui ne nous empêche pas d'avoir fixé
des objectifs standards. Actuellement, la moyenne est de quinze secondes pour
le décroché. C'est plus que la norme de la profession. Mais il n'est pas
question de faire de l'abattage comme sur certains plateaux », précise Jeanne
Zilberberg. Les plates-formes de l'OCP sont équipées de baromètres indiquant le
niveau du trafic. Mais l'information devrait bientôt être visible à l'écran
pour chaque pharmalien.
PROFIL TYPE DU PHARMALIEN : UNE ANCIENNE PRÉPARATRICE
Quel est le profil des collaborateurs travaillant sur
les divers plateaux partout en France ? Dans le cursus d'évolution des
carrières développé par OCP, classiquement, les préparateurs de commande
devenaient chauffeurs et les préparatrices devenaient pharmaliens. Le schéma
demeure, avec néanmoins quelques (petites) évolutions dans la répartition
hommes/femmes. En fait, deux populations cohabitent. La première,
essentiellement féminine, étant constituée de collaborateurs de longue date de
l'OCP, qui pour certains d'entre eux, sont là depuis vingt ans. Leur
qualification, c'est l'expérience. La deuxième population peut se prévaloir
d'un niveau initial de formation plus poussé, mais pas dans la pharmacie. Dès
que les demandes des pharmaciens touchent aux métabolismes, les pharmaliens ne
sont plus compétents. Les appels sont alors immédiatement transférés vers une
plate-forme interne spécialisée. Au moment de leur intégration dans
l'entreprise, les recrues externes suivent une formation de trois semaines. Il
leur est avant tout demandé de bien connaître les produits. « Lorsque nous
recrutons, nous recherchons plutôt des bac + 2 avec les qualités généralement
requises sur les centres d'appels. Mais, dans la mesure où nous avons un
turn-over très faible, nous ne sommes pas en phase de recrutement massif Notre
moyenne d'âge est facilement de dix ans supérieure à la moyenne des call
centers », se contente de d'affirmer la responsable de l'activité. Sur la
question des salaires, la différence que voudraient cultiver les responsables
du centre d'appels d'OCP par rapport à leurs homologues sur le marché semble
perdre tout son relief. Sur Paris, les pharmaliens seraient payés de 10 à 15 %
de plus que la moyenne du marché. Mais on n'en saura pas davantage. Si l'on
considère, primo, que 90 % des responsables de call centers affirment proposer
des grilles salariales 10 à 15 % supérieures au marché... Deuxio, que ledit
marché demeure pour le moins économe en matière de rémunération... Tertio, que
ce n'est pas sur la question des salaires que règne la plus grande des
transparences... On est tenté de conclure qu'à OCP comme dans d'autres
entreprises, cette question n'engendre pas la plus grande décontraction. Le
call center de chaque site régional est dirigé par une "RSC" (responsable
satisfaction client), pharmacien de formation, encadrant fonctionnel sous la
responsabilité du directeur de région, au même titre que le directeur de
production et le directeur commercial régionaux. OCP, qui n'a jusqu'alors pas
ressenti la nécessité de créer le moindre poste de supervision, du moins de
hiérarchie intermédiaire, tend à adopter certains schémas propres à n'importe
quelle plate-forme de relation client, quelle que soit d'ailleurs sa vocation :
les pharmaliens devront bientôt en référer à un cadre intermédiaire, encadrant
opérationnel dont la mission consistera à animer de petites équipes, à créer un
management de proximité davantage centré autour de certaines typologies de
clients. Cela ne répondant en rien à un souci de productivité, se défend-on
chez OCP. Il ne s'agirait là que d'une volonté d'améliorer la qualité de la
relation. En prenant garde à ne pas sacrifier cette notion centrale de
proximité avec le client. Quant aux chantiers à venir, ils ne semblent pas non
plus si sensiblement différents de ceux ouverts sur nombre de call centers
internalisés. Ainsi, OCP va se tourner vers le développement de services plus
nettement orientés clients. Moins de production, plus de service. Plus d'appels
sortants, plus d'actions de fidélisation. « Il existe beaucoup de pistes
intéressantes. Le pharmalien est celui qui, au sein de l'entreprise, connaît le
mieux les clients. Les pharmaliens exercent un vrai métier. Ici, nous sommes
dans un centre de production. Ma volonté, c'est de faire comprendre en interne
comme auprès de nos clients que nous sommes un élément clé de l'entreprise »,
note le directeur marketing et communication.
OCP France Répartition
Leader en France avec 40,1 % de part de marché, OCP France Répartition emploie 4 408 salariés équivalent temps plein, pour un chiffre d'affaires 2000 de 39,3 milliards de francs (5,9 milliards d'euros). La société, qui livre plus de 4 millions de produits chaque jour à plus de 15 000 officines, compte 40 000 références, dont plus de 25 000 en stock.