32 11 : quatre chiffres et trois ans de bataille pour des dizaines d'emplois
Les enjeux sont colossaux. Le marché des services annuaires constitue d'une
part une manne économique, d'autre part un potentiel intéressant pour le marché
des centres d'appels, en termes de projets d'affaires bien sûr, mais aussi en
matière de définition des postes, d'exploitation des canaux et de création
d'emploi. Ce n'est donc pas un hasard si l'opérateur finlandais Sonera a
débarqué en 1999 en France avec la ferme intention de ne pas laisser France
Télécom ingurgiter tout le gâteau. Pas davantage de hasard dans l'acharnement
qu'il a mis depuis trois ans à batailler judiciairement contre un opérateur
historique français jalousement rivé à son monopole. Le 9 juin, les Français
pourront, à partir d'un téléphone fixe ou mobile, composer le 32 11 pour
obtenir un numéro de téléphone en France, un numéro à l'international, et un
nom à partir d'un numéro (annuaire inversé). Le tout, indifféremment, à partir
de 0,78 euro l'appel. En fait, le 32 11 est ouvert depuis mi-2001 mais jusqu'à
présent uniquement accessible à partir d'une ligne fixe. Lorsque Sonera arrive
en France il y a trois ans, l'opérateur recherche une plate-forme pour le
lancement de son service annuaire. Son choix s'arrête sur Intracall Center
(ICC). L'opérateur prend d'abord 51 % du capital de l'outsourcer amiénois, pour
en acquérir la totalité fin 2001. Ce, via sa filiale Sonera Info Communication,
elle-même bientôt revendue au capital-risqueur britannique 3I, sous l'égide de
laquelle elle devient Fonecta. Fonecta est donc aujourd'hui propriétaire à 100
% d'Intracall Center, qui emploie 340 personnes sur son site amiénois de 450
positions et réalise un chiffre d'affaires 2001 de 9 ME (11 ME prévus pour
2002). « Dans les deux ans qui viennent, nous devrions développer une centaine
de positions autour du 32 11 », prévoit Eric Dadian, patron d'ICC, qui parle de
plusieurs centaines d'emplois créés dans les cinq ans. Si Fonecta vise à terme
10 à 20 % du marché des services annuaires et la deuxième place derrière France
Télécom, il lui faudra faire largement connaître le 32 11. Une grande campagne
TV et radio (orchestrée par Ogilvy) est prévue pour le début de l'été, dont le
budget précis est tenu secret. Pour ICC, le 32 11 constitue un tremplin
intéressant en termes de développement. Création d'emploi en masse on l'a vu,
mais également opportunité pour le lancement de nouveaux contenus de
prestation. « Il s'agit de mettre sur pied autour de l'annuaire des services
intelligents, susceptibles d'intégrer les nouveaux supports et canaux de
contact. Un service de "SVP" pour le grand public », imagine Eric Dadian. Mais
le lancement du 32 11 n'aura pas été une sinécure. « Trois ans de combat »,
résume le patron d'Intracall Center. Pour lancer un service annuaire, il faut
un numéro d'appel. Fonecta obtient de l'ART le droit d'utiliser un numéro à
quatre chiffres. L'autre bataille portera sur les modalités de tarification
proposées par France Télécom. Fin 2001, France Télécom se verra finalement
infliger une amende de 5 millions d'euros pour ne pas avoir respecté la
décision de l'ART l'enjoignant de laisser son compétiteur finlandais fixer ses
propres conditions de tarification. Aujourd'hui, le 32 11 est accessible à
partir d'un forfait de 0,67 euro l'appel, plus 0,11 euro par unité de vingt
secondes. Mais la bataille ne s'arrête pas là. Pourquoi les opérateurs tiers ne
bénéficieraient-ils pas d'un prix coûtant pour l'achat des données ? Sollicité,
le Conseil de la Concurrence devrait rendre un avis définitif le 28 mai.
Services annuaires : un marché d'au moins 1 milliard d'euros
Difficile d'obtenir des chiffres sur le marché des services annuaires en France. Selon des sources concordantes, les services du 12 de France Télécom traiteraient 330 millions d'appels par an. A raison d'un tarif de communication fixé à 0,8 euro, on en arrive déjà à 264 millions d'euros annuels. De leur côté, les trois opérateurs GSM recevraient en cumulé quelque 100 millions d'appels par an. Si l'on évalue que le coût moyen unitaire à 0,8 euro, on totalise 80 millions d'euros annuels. Ajoutons à cela le Minitel, qui gère encore 800 millions de demandes par an. A 0,8 euro la demande, le chiffre d'affaires monte à 640 millions d'euros. Ce qui nous fait un total annuel que l'on peut estimer autour du milliard d'euros. Précisons que les Français sont deux fois moins consommateurs de services annuaires que les Européens du Nord notamment.