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«Arrêtons avec le "lumpen prolétariat de demain"»

Avec un service clients d'environ 7 000 personnes, France Télécom Mobiles fait figure de géant dans le monde des centres d'appels. Ce qui oblige à une certaine conception du métier de téléconseiller.

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Comment s'organise le service clients de FTM ?


L'ensemble des services clients FTM, maison mère et filiales, est regroupé au sein de la direction des activités de services de France Télécom Mobiles. Cela concerne le service clients de FTM, mais aussi ceux des deux filiales que sont FTMS (France Télécom Mobiles Services) et FTMC (France Télécom Mobiles Clients). FTM recouvre l'activité grand public avec trois produits majeurs : Itinéris (uniquement pour les lignes vendues par les agences France Télécom, c'est-à-dire par la vente directe), OLA et Mobicarte. Fin décembre, nous devions gérer 10,6 millions de lignes : 6,1 millions pour Mobicarte, 2,9 millions pour OLA et le compte mobile OLA et 1,7 million pour Itinéris. FTMS, la SCS de France Télécom, gère les contrats Itinéris en vente indirecte (circuits commerciaux hors agences France Télécom) et Itinéris entreprises. Soit au total 3,2 millions de lignes dont 1,2 million de lignes entreprises. FTMC (ex-FTMR) gère de la Mobicarte et du compte mobile OLA. Nous recevons en moyenne entre 800 000 et 1 million d'appels. Ce qui fait 3,5 à 4 millions d'appels par mois. Hors le mois de décembre, qui reste un mois beaucoup plus important.

Ce qui représente un portefeuille clients de quel volume ?


L'environnement du service clients Itinéris, et je parle ici d'Itinéris de manière générique, c'est plus de 14 millions de clients à fin 2000, gérés au travers d'un réseau d'environ 50 centres de taille hétérogène : environ 35 centres côté FTM et 15 côté FTMS. Notre souhait, et ce depuis des années, c'est d'exploiter des centres de 350 à 400 personnes, c'est-à-dire économiquement et socialement bien équilibrés. En Angleterre, Orange gère des centres de 1 000 personnes et prépare même un centre de 2 000 personnes. Mais la culture sociale n'est pas la même en France, ni la politique syndicale, ni le tempérament. Et, qui sait, les Anglais font peut-être aussi des erreurs. Nous avons constaté pour notre part qu'au-delà de 400 personnes, un centre est plus difficile à gérer, et peut exploser facilement.

Quelle est votre politique en matière de sous-traitance ?


Notre croissance se fait évidemment avec des ajustements sur les sous-traitants. Nous n'avons plus à France Télécom une politique d'embauches nettes. On ne crée plus de centres au sein de FTM. Nous travaillons avec deux types de sous-traitants. D'une part les SCS, qui sont d'ailleurs de moins en moins des sociétés de commercialisation de services et de plus en plus des sociétés de gestion de services (SGS), avec lesquelles nous signons des contrats de sous-traitance de gestion. C'est-à-dire qu'elles ne sont plus rémunérées comme une SCS en part de chiffre d'affaires, mais en commission de gestion. D'autre part, nous travaillons avec des sous-traitants plus "traditionnels", les Teleperformance, Atos, Convergys... Nous employons au total, sous-traitance comprise, environ 7 000 personnes. Les ressources propres du groupe représentent environ 38 % des effectifs, les ressources des sous-traitants 35 %.

Et les quelque 25 % restant ?


Il s'agit des ressources France Télécom dans les direction régionales. Entre le fixe, le mobile, l'Internet, le groupe doit gérer des déformations importantes de marché. La politique choisie est de ne pas licencier. Je rappelle que ce n'est pas le cas chez British Telecom ou chez Deutsche Telekom. Pour notre part, nous voulons être capables d'emmener des effectifs vers des activités nouvelles et sur des métiers nouveaux. Or, France Télécom emploie en grande partie du personnel technique. Pour que les choses se passent plus facilement, il faut expliquer et valoriser les services clients. Ce n'est pas facile : les têtes sont les têtes et les tranquillités personnelles sont les tranquillités personnelles. Par ailleurs, une personne de 45 ans n'a pas forcément envie de se remettre en cause pour les dix ans à venir. C'est pourquoi nous créons des centres de proximité dans les bassins d'emplois concernés par ces transferts d'effectifs. Il y a aujourd'hui une vingtaine de petits centres qui emploient un peu moins de 1 500 personnes et qui devraient en employer jusqu'à 2000 fin 2001.

Cette atomisation des structures ne vous contraint-elle pas à une hétérogénéité dans la qualité de service ?


La qualité de service n'est pas un problème de structures. Tout le monde a les mêmes objectifs, les mêmes indicateurs de suivi et, de ce fait, tout le monde doit respecter à peu près les mêmes règles et les mêmes procédures. En revanche, nous développons une politique d'accompagnement pour les structures qui se lancent. Nous ne leur confions pas tout de suite toutes les activités. Par ailleurs, la productivité demandée n'est pas trop élevée : entre 80 et 90 appels jour. Si je vois que des sous-traitants font du 150 appels/jour, je les appelle immédiatement pour leur dire que ça ne va pas. Au-delà de 90, c'est de l'abattage. La productivité se fait par les outils, elle ne se fait pas par le stakhanovisme. Nos serveurs de consommation prennent 90 % des flux d'appels. S'il fallait renseigner le client sur sa consommation en cours de mois, nous devrions traiter mensuellement 14 millions d'appels supplémentaires.

Quelles sont vos garanties face au turn-over chez les outsourcers ?


Nous avons dépensé 50 000 jours hommes cette année sur la seule formation initiale. Plus de 10 % du temps des conseillers est passé en formation. Sur Itinéris et sur OLA, la formation initiale dure quatre semaines. Nous avons également mis en place du tutorat : un tuteur pour deux nouveaux. Ce qui est considérable en termes de charge. Cet accompagnement dure entre quinze jours et trois semaines. Par ailleurs, sur les plateaux, l'infrastructure de soutien est très lourde : un responsable d'équipe pour une équipe de dix à quinze personnes, un formateur soutien-métier pour 25 conseillers. Les outsourcers respectent ces règles. Nous sommes sans arrêt présent chez eux. Je vois le vice-président de Teleperformance deux fois par semaine. Dès que quelque chose dérape, cela remonte au niveau le plus haut et on recadre. Par ailleurs France Télécom a implanté dès 1996 un logiciel Vantive (qui est aussi le logiciel d'Orange, coïncidence...) qui nous permet de suivre de près toute l'activité de chaque centre. Nous exerçons une pression managériale permanente sur les centres, tout en leur conservant une autonomie, puisque l'on sait très bien que l'idéologie, la planification démocratique et big brother, ça ne marche pas. Notre approche est un peu celle d'une holding, avec des filiales indépendantes, responsables, mais qui s'inscrivent dans une politique clairement énoncée.

Quelle est votre conception du métier de téléconseiller ?


On entend souvent certains cadres dire qu'au bout de trois ans, un agent doit faire autre chose. Quelle est la meilleure façon de lui dire que son métier n'est pas un beau métier ? C'est inacceptable. On peut très bien exercer ce métier durant quinze ans. A condition qu'il existe des facteurs de motivation. Tout dépend donc de la vision que l'on a du management et de la relation client. Mais en tous cas, il faut arrêter avec le "lumpen prolétariat de demain".

Justement, quid de votre politique en matière salariale ?


Les personnels en reclassement dans les directions régionales ont des rémunérations qui n'ont rien à voir avec les autres personnels. Il y a des conseillers qui gagnent 160 000 francs annuels. Mais les recrutements se font ici à des salaires situés entre 110 000 et 115 000 francs brut annuels. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de variable. Nous le testons sur un site pilote et sur la base de performances commerciales en front office. Il pourrait représenter entre 500 et 1 500 francs mensuels. Mais nous sommes dans des grosses organisations, il ne faut pas encourager les comportements individualistes. Ni instaurer des notes de gueule. Nous devons trouver un équilibre assez subtil entre résultats du groupe, résultats de l'entité et résultats individuels, en termes de qualité de service et de vente.

Quelle est votre préoccupation majeure en matière de gestion des ressources humaines ?


Donner de la perspective. Notre politique à cet égard est en cours de déploiement, elle a été annoncée, nous la testons. Ce n'est pas facile car, encore une fois, nous sommes dans des très grosses structures, au sein d'une grande entreprise, avec un statut issu de la fonction publique, et qui compte encore des juges administratifs pour décider d'un certain nombre de choses. Il ne s'agit donc pas de faire n'importe quoi. Sur la rémunération ou sur les statuts, on risquerait de le payer très cher. Par contre, il ne faut ni être laxiste, ni démagogique. On le paierait également. En mettant tout le monde sur le même statut, comme on l'a fait dans le passé, on gère l'insatisfaction et la crise social à venir. Ce n'est pas comme ça que je vois les choses. C'est pourquoi nous réfléchissons à tout cela. Avec les syndicats. Par ailleurs, en tant que directeur de service clients, j'ai d'autres priorités, comme le chiffre de croissance. 50 centres, cela implique des organisations très lourdes. D'autant que nous sommes sur des marchés en pleine effervescence. L'UMTS, par exemple, peut faire peur dans des organisations comme les nôtres, en introduisant une sur-complexité dans un niveau déjà élevé de complexité. Quel est le contenu de l'UMTS ? Comment cela va-t-il se traduire pour les services clients ? Quels seront les volumes ? Quelle sera la durée moyenne d'une conversation sur le multimédia ? Personne ne le sait. Il va falloir nous préparer sérieusement au passage à l'UMTS. Mais nous avons des atouts, et notamment Wanadoo, qui dispose d'outils et d'un savoir-faire spécifiques. Nous allons travailler en étroite collaboration avec eux.

Comment envisagez-vous le rapprochement avec Orange ?


Orange n'a pas les mêmes solutions que nous parce que les contextes sont différents. Ils s'occupent beaucoup moins d'organisation et beaucoup plus d'acquisition. Nous, nous avons des réflexions très en avance sur l'autonomie des centres, par exemple. Orange travaille beaucoup plus dans une organisation traditionnelle de call centers, avec des sites en réseau. Nous avons plutôt une approche d'agence commerciale, avec des portefeuilles de clients à gérer et des objectifs sur ces portefeuilles. Mais, finalement, nous avons des cultures très proches. La culture d'Orange, c'est la marque, la culture des réseaux et la culture du service clients. Cela nous convient très bien.

Biographie


Georges Filpa a commencé sa carrière dans la banque, à la Société Générale où il a travaillé huit ans, avant de rejoindre Peat Marwick, en tant que consultant, pour deux années. De retour à la Société Générale, il prend en charge durant quatre ans le service clients d'une filiale de financement de crédit aux particuliers. En 1996, il entre chez FTMS, où il s'occupe des services clients grand public et entreprises. En deux ans, le portefeuille clients géré passe de 160 000 à 1,5 million d'abonnés et les équipes de 160 à 1 600 personnes. Depuis deux ans, il est directeur des services clients de France Télécom Mobiles et directeur adjoint des activités de services.

Orange : fusion prévue pour février


En mai 2000, France Télécom rachetait pour 280 milliards de francs l'opérateur britannique de téléphonie mobile Orange. Dès février 2000, le nouvel Orange rassemblera les activités de téléphonie mobile des deux opérateurs (30 millions d'abonnés). Et d'ici 2002, les marques Itinéris, OLA, Mobicarte ne devraient plus exister.

Muriel Jaouën

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