[Tribune] "La transition digitale est avant tout une aventure humaine"
Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Frédéric Proville, CEO de Teleperformance French Speaking Market, revient sur les atouts et les limites des innovations technologiques utilisées dans le parcours clients.
Nous vivons un moment passionnant dans l'évolution du secteur de la relation client. La "transition digitale", assimilable à une seconde révolution industrielle des services, est étroitement liée aux changements profonds que connaît notre société et aux questionnements qui y sont associés. De l'observation des parcours client et de l'expérience des milliards d'interactions que nous gérons pour nos clients dans le monde, chez Teleperformance, nous avons tiré une conviction profonde: l'émotion est fondamentale dans la relation client, c'est le vecteur de différenciation d'une marque via sa relation client.
Je m'explique: la relation client d'une marque a certes une composante rationnelle, basée sur des objectifs de qualité du service ou du produit, mais aussi une composante émotionnelle qui, elle, porte les spécificités de la marque! Et cette composante émotionnelle devient de plus en plus une composante clé dans notre contexte de globalisation de l'offre, où les produits et les services sont de plus en plus similaires et banalisés. C'est bien la composante émotionnelle qui définit la fréquence de l'acte d'achat et la fidélité à la marque et, donc, sa valeur.
Les algorithmes ne génèrent pas d'émotion
La RPA, l'IA et le machine learning, c'est parfait pour assurer la composante rationnelle et donner la part rationnelle d'une réponse à une question. Et donc, oui, la digitalisation rend la relation client plus performante et moins coûteuse. Mais, à nos yeux, il s'agit d'une formidable opportunité d'être plus attentifs aux émotions du consommateur afin d'améliorer l'impact de la relation client. Voilà pourquoi nous pouvons parler d'une véritable aventure humaine, avant d'évoquer une aventure technologique. Côté expérience client, on parlera de recherche du "delight" et, côté expérience collaborateur, de recherche du "feel good".
Mais jusqu'à maintenant, les émotions ne sont pas encore générées par des algorithmes. Ou alors ce sont des émotions reconstituées. À cet égard, Daniel Julien, le Président-directeur général de Teleperformance, m'a fait découvrir récemment l'ouvrage 21 leçons pour le XXIe siècle de Yuval Noah Harari. Selon l'auteur, il n'y a aucune raison de penser que l'IA va gagner en conscience, parce que l'intelligence et la conscience sont deux choses bien distinctes. L'intelligence constitue la capacité à résoudre des problèmes. La conscience représente, elle, la capacité à ressentir des choses telles que la douleur, la joie et la colère. On a tendance à confondre les deux, parce que, chez l'humain et chez les autres mammifères, intelligence et conscience vont de pair. Grâce à ce que l'on peut appeler l'intelligence émotionnelle, les mammifères résolvent les problèmes en ressentant des choses (ce dont ne sont pas capables les intelligences artificielles).
En synthèse, les marques ou les entreprises qui pousseraient trop dans le sens de la digitalisation de la relation client risquent fort de mettre leur base clients en péril. Mais aussi de faire baisser sensiblement la valeur que leurs clients sont prêts à payer. À l'opposé, les marques qui investiront dans l'enrichissement des interactions avec empathie et proximité humaine verront leur base clients croître et se consolider. Le tout est de trouver le juste équilibre entre la réduction des coûts à court terme et la création de valeur à long terme. Un choix stratégique dans lequel Teleperformance accompagne ses clients tous les jours.