Expérience client VS expérience utilisateur, un paradigme encore mal exploité par les marques
Publié par Par Christophe Cotin Valois, cofondateur de Welcome Max. le - mis à jour à
Au sein des équipes marketing et plus généralement digitales, la transformation digitale semble au coeur de toutes les conversations. On use et on abuse de termes en vogue, de buzz word, comme pour se prouver qu'on est à la page des dernières tendances sur le sujet. Pourtant, nombreux sont ceux qui n'ont pas encore compris les mécanismes de la transformation digitale que nous vivons.
Un acteur se démarque cependant. Parfois adoré, parfois détesté, il n'en reste pas moins qu'Amazon a révolutionné le business en comprenant le paradigme de l'utilisateur, au coeur de cette transformation.
Le digital au premier plan des parcours clients
30 ans en arrière, nos achats étaient dictés par les pubs télévisées, le centre commercial voisin, une sélection de magasins en centre-ville, nos marques préférées, ou tout simplement des opérations prix que proposaient ces "points de contact". Certaines marques fonctionnent encore dans ce système archaïque pour se développer. Pourtant, aujourd'hui, le modèle est inversé, le consommateur dispose d'un immense choix et d'un pouvoir d'action immédiat grâce à son smartphone. Notre façon d'acheter des produits/services a radicalement changé. Nous sommes bel et bien dans une ère des services, du digital first. Les services numériques sont devenus notre première source d'informations et ce sont eux qui accomplissent nos tâches du quotidien : météo, actualités, livres, radio, liste de courses, actions bancaires... Pour rester dans la compétition de la nouvelle économie et sortir du marketing des années 90, les entreprises doivent opérer cette douloureuse transformation digitale. Ne plus chercher à être vues, ni à attirer les clients dans leurs filets, mais à être recommandées parce qu'elles offrent un avantage tangible lors du fameux parcours client, en répondant à leurs usages.
Customer first
Jeff Bezos a déclaré "Amazon sera l'entreprise la plus tournée vers le client de tous les temps". Ainsi, le rôle du marketing ne serait plus de trouver des solutions pour "bien vendre des produits" mais plutôt de bien comprendre les clients pour "imaginer des produits qui se vendront bien". Voilà les principes du marketing moderne avec études de marché, enquêtes conso et CRM pour apprendre à "activer les clients" pour être présent dans leurs cycles de vie. Mais qu'est-ce qu'un client ?
Dans cette société de l'instantanéité, où de nouvelles exigences s'affirment, les consommateurs challengent les marques au-delà de leurs produits, en termes de performances et de qualité. Les clients ne sont plus passifs, ils sont en recherche active et il devient très complexe de les capter car le numérique change la donne. Nos consommateurs sont devenus utilisateurs des marques. L'expérience se révèle dans l'interaction autant que dans le produit. Dans le digital, les marques ont du mal à identifier les utilisateurs (visiteurs) comme des clients, ils ne sont pas dans leur base CRM, ils n'ont pas le statut "client" et ne sont pas considérés comme tel car inconnus du système. J'ai travaillé il y a quelques années avec un très beau distributeur B2B, un groupe leader, et lors d'une étude sur une maquette de l'agence, nous sommes arrivés à la conclusion que l'entreprise offrait une très bonne expérience à ses clients notamment grâce à la performance du call center, mais que les prospects digitaux avaient une très mauvaise expérience digitale. Cette marque offrait une bonne expérience client et une mauvaise expérience utilisateurs.
L'usage est le business
Les acteurs majeurs de l'économie numérique ont bien compris que le consommateur est volontaire, volatile, hyper connecté et connaît parfois mieux les produits du marché que leurs propres vendeurs. Ils savent que lorsqu'ils sont en contact avec un utilisateur, (probablement grâce à Google) ils ne disposent que de quelques secondes pour l'engager car il est pressé, il a déjà ouvert 5 onglets le temps que la page se charge qu'il va consulter en diagonale, entre 2 SMS, probablement sur son smartphone.
La difficulté consiste à s'insérer dans ces usages, et les parcours associés... ces derniers échappent totalement à la volonté des annonceurs, puisque cette expérience client est en réalité fragmentée par une somme d'expériences que constitue la recherche d'informations de produits ou de services, avec une abolition des frontières du temps (le e-commerce c'est 24/24) et de l'espace (ayant accès aux offres de l'autre côté de la planète tout en restant dans sa langue naturelle). Les usagers veulent consommer autrement, à leur rythme, de manière autonome. Ils utilisent les dispositifs on et off des marques à leur gré. Les nouveaux acteurs (les disrupteurs) se sont efforcés de combler les lacunes des acteurs historiques en surfant sur ce nouveau paradigme. Par exemple, les modèles d'économie de partage (Airbnb/La Ruche qui dit oui) apportent des réponses par la désintermédiation. Les millennials ont grandi avec ces codes issus de l'expérience offerte par les Gafa. Et, il s'agit de la génération active avec le plus grand pouvoir d'achat dans l'histoire du marketing, rappelons-le. La barre de l'expérience est haute et ces codes ont bien fait évoluer les usages traditionnels, comme Uber qui révolutionne les modèles de mobilité urbaine.
User VS Consumer
Les entreprises doivent chercher et trouver leur proposition de valeur afin d'être le plus possible dans une démarche "Customer centric" et d'y répondre dans une situation d'usage "User centric". La proposition de valeur n'est pas le prix, mais l'expérience proposée avec le service. Chez Amazon cela réside dans la promesse de fiabilité (offre, prix livraison, retours), et des bonus de fid (musique, jeux vidéos, films, etc.) alors que chez Apple on retiendra en premier la qualité et le sentiment de communauté par exemple. Pour obtenir un haut taux de satisfaction, ces marques mesurent leur expérience client, notamment en réalisant des tests et études UX. Car elles ont bien compris qu'un problème client, s'il est résolu rapidement, génère un taux de satisfaction supérieur à l'absence de problèmes. Et résoudre le problème en question implique souvent de savoir aider un utilisateur qui manipule un système en quête d'une réponse, qu'il s'agisse d'un site ou d'un call center. Selon le mindset d'Amazon, un problème n'est pas un problème, c'est une opportunité.
Il faut se concentrer sur le client pour identifier le problème à résoudre et sur l'utilisateur pour trouver comment le résoudre. Concevoir des outils techniques, ce n'est pas concevoir uniquement des applications et des procédures, mais c'est anticiper ce que les gens vont faire avec elles. C'est donc comprendre le cadre d'usage des objets, au sens large du terme, y compris les usages non prescrits, imprévisibles. C'est trouver une chance de s'insérer dans les usages des cibles, car c'est par la valeur d'usage que les marques se révèlent. Leurs offres sont simples à comprendre, simples à acheter et à consommer (utiliser). Et tout problème est simple à gérer, tout produit simple à retourner, tout abonnement simple à résilier.
Une bonne expérience, sans frustration, simple et fluide laissera une impression positive à l'utilisateur et la marque n'en sera que positivement impactée. Les marques doivent donc capitaliser sur la relation usage-émotion-bénéfice et repenser leurs offres comme des services qui génèrent de la valeur d'usage.