Enguerrand Léger, Gens de Confiance : "Vous êtes l'équipe bonheur !"
Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
Créé en 2014, Gens de Confiance a fêté l'année dernière ses dix ans. Avec 2 millions de membres et 90 collaborateurs, Enguerrand Léger, l'un des trois cofondateurs, a brillamment développé un service client innovant et en perpétuelle évolution. Pour transmettre ce savoir-faire, qui repose principalement sur un savoir-être, il publie ce mois-ci "Customer Success Happiness Manager" aux éditions Dunod. Rencontre avec l'auteur.
Votre ouvrage Customer Success Happiness Manager - L'émotion au coeur de la relation client montre à quel point vous avez souhaité placer le service client au coeur de l'entreprise. Pourquoi une telle décision ?
Le service client occupe rarement une place centrale dans une entreprise. Pourtant, lorsque nous avons commencé à recevoir des messages de nos utilisateurs, j'ai vite compris que beaucoup d'entre eux recherchaient quelque chose qui manquait à tous les outils que nous avions mis en place : l'humain. Il était essentiel de répondre à ce besoin de contact. Si un client ne trouve pas satisfaction via un chatbot ou une FAQ, c'est qu'il a besoin d'une interaction humaine.
À partir de ce constat, l'enjeu était de savoir comment développer la qualité des échanges humains, tout en accompagnant la croissance de notre communauté. Dix ans plus tard, j'ai la preuve que c'est possible. Même avec une équipe de seulement 11 personnes, nous parvenons à traiter entre 400 et 500 messages quotidiens de manière qualitative.
Comment avez-vous travaillé en ce sens durant ces dix années ?
La première étape a été de trouver l'outil adapté. Pour nous, ce fut Front. D'ailleurs, sa présidente exécutive, Mathilde Collin, a accepté de rédiger la préface de mon ouvrage. La découverte de cette plateforme a réellement contribué à notre succès.
Une fois la structure en place, il a fallu former nos collaborateurs. Cela implique de prendre le temps de formaliser ce que l'on a appris, d'identifier les éléments clés du système que l'on souhaite bâtir. En documentant nos pratiques, nous avons pu mieux comprendre ce que nous faisions de manière intuitive et structurer ces connaissances pour mieux les transmettre.
Enfin, il était crucial de mesurer notre efficacité. J'ai d'abord pensé qu'évaluer systématiquement la satisfaction des clients après chaque échange pourrait être une source de stress pour l'équipe. Mais je me suis demandé : quel est le risque ? Si nous faisons bien notre travail, nous recevrons de bons retours. Et c'est ce qui s'est passé : notre taux de satisfaction client est aujourd'hui de 98 %. Nous ne filtrons pas les évaluations, même lorsque la note est basse, car chaque retour est une opportunité d'amélioration.
Vous ne parlez même plus de "service client" mais de "l'équipe bonheur". Pourquoi ce changement de vocabulaire ?
Cela vient d'une anecdote. Nous sommes une fonction support au sein de l'entreprise. Un jour, un associé est venu passer du temps avec notre équipe et a déclaré : « Vous êtes l'équipe bonheur! » Il venait de voir comment nous avions réussi à transformer la frustration d'un client en un moment positif, au point d'entendre un « Vous êtes géniaux ! » en retour. Ce terme reflète parfaitement notre mission : dépasser le simple support technique pour offrir une vraie expérience humaine et émotionnelle à nos clients.
Quelles sont les meilleures pratiques que vous pouvez partager ?
Le recrutement est une étape essentielle. Chaque personne intégrant notre équipe doit être le profil idéal. J'ai eu la chance de lancer ce service avec Marilyne, qui avait ce métier dans le sang. Ensuite, nous avons recruté une à deux personnes par an, ce qui est un vrai défi pour trouver des talents en phase avec notre culture d'entreprise.
Nous évaluons avant tout les soft skills et l'intelligence émotionnelle des candidats. En dix ans, nous n'avons commis que deux erreurs de recrutement. Tous les autres sont restés, ce qui témoigne de l'importance de bien choisir nos collaborateurs.
Comment évaluez-vous l'intelligence émotionnelle d'un candidat ?
Je me suis inspiré de tests américains déjà existants. Nous faisons passer des tests de personnalité et des mises en situation. L'idée est d'observer les candidats face à des scénarios réalistes. Ils ne connaissent pas encore nos méthodes, mais cela nous permet de repérer ceux qui ont une approche analytique, ceux qui en font trop et surtout ceux qui, en plus des compétences techniques, sont capables d'apporter une dimension émotionnelle à leurs interactions.
Lors de l'entretien, je leur demande aussi d'analyser un service client catastrophique et de proposer des solutions d'amélioration. Cet exercice nous aide à identifier leur capacité à comprendre et à transformer une expérience client négative en une expérience réussie.
Vous mettez également en place des formations ?
Bien sûr ! Nous documentons toutes nos pratiques et le temps d'onboarding est volontairement long. Les nouveaux collaborateurs doivent prendre le temps d'écouter et d'observer avant de se lancer. Nous leur demandons aussi de rencontrer toutes les équipes afin de comprendre l'ensemble du fonctionnement de l'entreprise.
Chaque semaine, nous organisons des sessions où nous expliquons un métier ou un sujet de culture générale. Par exemple, nous avons récemment abordé ce qu'est un bail de mobilité. Même si ce n'est pas directement lié à notre travail quotidien, ces connaissances permettent d'approfondir notre expertise et d'améliorer l'expérience client.
Comment convaincre les directions de l'importance du service client ?
Les dirigeants doivent comprendre ce que cela signifie de parler aux clients au quotidien. Il y a parfois un décalage entre la vision stratégique et la réalité du terrain. Pour réduire cet écart, j'invite régulièrement des membres de la direction à passer une journée avec notre équipe bonheur.
Cette immersion permet un double bénéfice : la vision de l'entreprise redescend vers les équipes et, en parallèle, les problématiques terrain remontent directement à la direction. C'est ainsi que l'on parvient à travailler main dans la main.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Je me lance dans une nouvelle aventure, La Grande Table, et je vais être moins impliqué dans l'opérationnel. J'ai donc voulu transmettre tout mon savoir à la team bonheur, pour qu'elle continue à performer et à innover. Ce livre est à la fois un guide et un témoignage de notre philosophie : placer l'humain au coeur de la relation client.