Coline Sinquin, CEO d'OMEDOM : "La clarté de notre offre rassure les utilisateurs"
Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
Entreprise tarnaise, OMEDOM a conçu en 2021 la première application mobile qui s'occupe des démarches administratives de toutes les personnes recevant un héritage. Avec une levée de fonds de 1 million d'euros en 2024, elle compte actuellement 6 000 utilisateurs et 1,4 milliard d'actifs sous gestion. Rencontre avec Coline Sinquin, l'une des cofondatrices.
Vous avez créé OMEDOM, une interface destinée aux personnes recevant un héritage ou ayant un patrimoine immobilier ou financier à gérer. Comment vous est venue cette idée ?
J'ai toujours eu le goût de l'entrepreneuriat. Alors que je faisais carrière dans l'hôtellerie et la restauration, tout a basculé en 2019, à la mort de mes grands-parents. Ma mère, fille unique, s'est retrouvée avec un héritage patrimonial important à gérer, sans aucune aide, et trois filles dont les vies et les pays de résidence sont différents. Préparer la succession n'est pas une mince affaire. Beaucoup de paperasse et d'informations étaient à chercher, des pièces administratives à reconstituer afin de comprendre ce dont elle héritait. Son besoin était celui de beaucoup de personnes : rassembler un maximum d'informations au même endroit. L'idée m'est alors venue de développer cette solution digitale qui centralise en temps réel plusieurs types d'actifs immobiliers et administratifs. La naissance d'OMEDOM provient de cette volonté de vulgariser la gestion financière patrimoniale et permettre aux utilisateurs une meilleure anticipation de la transmission. D'ici 2030, on estime que le transfert de richesse en France s'élèvera à mille milliards d'euros. Les besoins concernant les successions sont exponentiels.
Le succès de votre solution repose beaucoup sur le fait que vous avez bien ciblé le besoin de relier les générations entre elles via l'application. Selon vous, quels ont été vos autres leviers de croissance en matière de CX ?
Nos études de marché nous ont permis d'observer que, dans les indices de confiance qu'un propriétaire pouvait avoir envers ses experts, en bas de tableau figurent les assureurs, les conseillers en gestion de patrimoine et les banques. En haut de tableau, on trouve les notaires. Mais si les notaires restent les personnes de confiance pour les propiétaires, ces derniers souhaitent activement reprendre le contrôle sur leurs biens. Notre solution s'est développée à partir de cette réalité : leur permettre de redevenir autonomes dans leur gestion en ne leur vendant qu'une solution tech. Notre force réside dans cette offre claire : nous ne faisons pas de conseil, d'expertise, d'optimisation ou de placement. Notre rôle consiste à restituer une information neutre pour une compréhension quotidienne de l'état de leurs finances. OMEDOM ne vend rien de plus qu'une solution technologique, ce qui rassure nos utilisateurs.
La clarté de votre offre a donc eu un réel impact sur l'engagement des utilisateurs. Quelles sont les tendances que vous percevez chez eux ?
L'aspect technologique rassure, mais il faut l'agrémenter d'une pointe d'humain pour que cela fonctionne. Nous prenons donc le temps d'appeler nos utilisateurs un par un, de nous présenter pour qu'ils sachent qui nous sommes et où nous sommes. Au sein de notre solution, nous avons mis en place de nombreux tutoriels et une équipe engagée à répondre dans l'heure aux questions. Héloïse Medina, ma cofondatrice, pilote le SAV et centralise tous les points de blocage rencontrés par nos utilisateurs. Cela nous permet d'améliorer notre solution afin de répondre à leurs difficultés.
"D'ici 2030, on estime que le transfert de richesse en France s'élèvera à mille milliards d'euros. Les besoins concernant les successions sont exponentiels"
Qu'avez-vous observé en matière de nouvelles attentes de vos utilisateurs ?
Deux tendances se dessinent fortement chez nos utilisateurs :
La gestion locative : 70 % d'entre eux détiennent des biens locatifs avec une volonté de recréer un nouveau schéma dans la gestion locative. Le modèle français repose souvent sur des agences immobilières, mais, au final, les utilisateurs gèrent encore beaucoup de chiffres qui n'ont pas vraiment de sens. Nous travaillons pour leur offrir plus de facilité : par exemple, des documents préremplis d'inventaires de baux, la gestion des lettres de relance ou des quittances de loyers.
La fiscalité : L'onglet "biens immobiliers" d'Impôts.gouv, créé l'année dernière, a suscité beaucoup de réactions chez nos utilisateurs. Cela montre qu'il y a une vraie réflexion à avoir sur la fiscalité et sur la manière de la rendre digeste et compréhensible.
Concernant l'usage de votre plateforme, comment OMEDOM assure-t-il un parcours client optimal ?
Dès qu'il y a un abonnement payant, j'envoie un message depuis mon téléphone afin de me présenter. Cela complète la vidéo explicative que l'on trouve dès l'entrée du site et qui détaille son usage. Nous prenons aussi le temps d'appeler nos abonnés au bout d'un mois, et nous leur envoyons des newsletters contenant des informations explicatives sur la gestion de patrimoine et immobilière.
"En tant que femme, on me demande davantage de justifications qu'à un homme"
Vous êtes l'une des rares femmes à vous être distinguée au sein de la French Tech. Quel est votre regard sur cette réalité ?
Les chiffres montrent en effet que nous sommes 23 % de femmes dans la tech et seulement 2 % à des postes de CEO. Je pense que si on ajoute le cas "mère de famille en province", ce chiffre tombe en dessous de 1 %.
Il y a un énorme travail à faire pour encourager les jeunes filles à s'orienter vers des métiers de la tech ou des sciences. Au quotidien, il est certain qu'en tant que femme, on me demande davantage de justifications qu'à un homme. Toutefois, il ne faut pas oublier que nous ne ferons rien sans les hommes. Il ne s'agit pas de parler fort, mais de parler juste.