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En finir avec le téléphone...

Publié par Laurent Deslandres (Colorado) le - mis à jour à

Quand on pense "performance" de la relation client, les services digitaux favorisant l'autonomie viennent rapidement à l'esprit. Le communautaire a aussi démontré son efficacité, notamment dans les télécoms. Mais réduire radicalement la place du téléphone dans l'écosystème multicanal est tout aussi urgent.

En finir avec le téléphone. Cette affirmation peut étonner, et mérite sans doute quelques explications.

De très nombreuses organisations de relation client reposent largement sur le téléphone, avec souvent 95 % des interactions à distance opérées par ce canal. Cette situation est un héritage des années 1990 et 2000, où il était le seul média à distance disponible et où les outils digitaux étaient encore balbutiants. Une industrie des centres de contact - interne et externe - s'est développée, avec des technologies sophistiquées et un savoir-faire organisationnel pour les rendre performantes.

Facteur d'amélioration majeur, dans un premier temps, les organisations "téléphone centric" sont devenues, désormais, un point de blocage dans l'évolution. Les demandes clients se complexifiaient à mesure que le digital répondait aux requêtes les plus simples ! Conçues initialement pour répondre rapidement à des demandes simples, les organisations "téléphone centric" se révèlent largement déficientes pour traiter efficacement les situations clients complexes.

Pour plusieurs raisons : le ­téléphone s'appuie sur l'oral, ce qui ne facilite pas le transfert d'informations complexes et précises, ni l'enrichissement d'information par document, vidéo, lien internet. Les transferts vers les personnes compétentes sont difficiles : soit il y a rupture et rappel, soit il y a transfert immédiat, ce qui suppose que l'expert sollicité soit immédiatement disponible. Enfin, pour la même demande, les informations sont reproduites à chaque appel des clients. La situation a été de nombreuses fois observée : si le conseiller n'a pas la réponse immédiate à donner au client, les problèmes commencent : transfert non abouti, réitération d'appel, réexplication, pas de trace des premiers éléments de réponse. Le client est, la plupart du temps, le grand perdant de cette promesse non tenue ­d'immédiateté proposée par le téléphone !

En finir avec le "tout téléphone"

À l'évidence, ce ne sont pas tant les demandes client, ni la disponibilité des conseillers et des experts qui posent problème, que le fait de vouloir faire fonctionner cette chaîne complexe de pro­duction d'informations par téléphone.

Cette culture du téléphone est tellement ancrée que personne ne semble vouloir la remettre en cause. Le client, en premier, qui a le réflexe d'utiliser ce canal, mais surtout les entreprises, qui tiennent leur mix canal comme une donnée imposée. Même les indicateurs de performance des organisations sont centrés sur ce média - avec le fameux "QS", ou taux de décroché - sans se ­préoccuper du seul indicateur qui compte réellement : a-t-on vraiment répondu à la demande du client ?

Miser sur une plateforme omnicanale, digitale et collaborative

Heureusement, d'autres organisations sont possibles. Ces organisations nouvelles sont nativement omnicanales, digitales et collaboratives. Elles utilisent le téléphone uniquement quand c'est approprié, sans jamais en faire un média utilisé par défaut. Au contraire, une plateforme de services digitaux et collaboratifs est toujours la proposition de base (voir encadré ci-dessous).

La Palme du Directeur Client a été décernée, en octobre 2014, à Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar.com. Avec une plateforme de 40 collaborateurs, gérant une dizaine de millions de membres exclusivement par e-mail, le dispositif du site de covoiturage est avant tout un bel exemple de plateforme digitale, collaborative - non dépendante du téléphone - qui montre que ces nouveaux écosystèmes relationnels conjuguent performance économique et satisfaction des clients.

Ce type d'organisation est en phase avec les évolutions profondes des comportements des clients. La montée en puissance d'applications telle que Whatsapp illustre bien cette recherche de continuité dans la relation, sans exigence d'une attention exclusive via le téléphone.

La focalisation du débat sur l'automatisation, sans remettre en cause la place du téléphone, est donc une fausse piste ! Il faut en finir avec le tout téléphone, et chercher à mettre en place un nouvel écosystème relationnel, plus équilibré, plus performant et, au final, plus convivial pour les clients.

En quoi les organisations "plateforme centric" sont-elles plus performantes ?

- Elles mixent intelligemment les canaux, souvent dans le traitement d'une même demande. Typiquement, à un e-mail client entrant, elles répondent via un appel téléphonique après instruction de la demande.

- Le client est acteur de sa requête, dans un continuum de service en autonomie, puis assisté. Selon le principe des forums, il est d'abord invité à vérifier si l'information demandée n'est pas déjà disponible avant de s'adresser à la communauté ou à des experts.

- Certaines demandes nécessitent l'intervention de plusieurs acteurs et le partage d'informations. Le dispositif doit donc faciliter la participation de tous les acteurs de la relation : conseillers, expert de niveau 2, partenaires et clients.

- Le traitement de la demande est fluide mais pas immédiat. La fluidité peut accepter une relation asynchrone : la réponse peut être différée de quelques minutes (via le tchat) à quelques heures (via l'e-mail), mais sans attente excessive.

- Quand la réponse n'est pas immédiate, le client est informé de ce qu'il se passe. L'organisation "plateforme centric" rend l'attente, quand elle est inévitable, intelligible et donc supportable pour le client. Le fil de conversation n'est jamais rompu avec le client.

- L'objectif fondamental n'est pas la prise en charge, mais bien la résolution du problème. Toute l'organisation est tendue vers cet objectif. Les KPI ne sont pas orientés "prise en charge", mais "résolution" au moindre effort du client.

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