Daniel Ray: "Il est parfois inutile d'enchanter ses clients"
Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Daniel Ray, auteur de "Marketing relationnel", revient sur le rôle des indicateurs de satisfaction client et questionne les liens qu'entretiennent satisfaction et fidélité.
Vous questionnez la pertinence du NPS et du CES au sein de votre ouvrage. Pouvez-vous revenir sur les caractéristiques et le rôle de ces indicateurs?
Le CES est incontournable aujourd'hui, et souvent considéré comme un indicateur qui remplace le NPS. Or, c'est une opinion erronée: le NPS est un outil de recommandation, qui reflète l'attitude positive du consommateur vis-à-vis de la marque et son engagement affectif, tandis que le CES mesure seulement l'effort fourni, donc un élément négatif. Il s'applique lorsque le consommateur se retrouve seul face à un outil (FAQ, par exemple), dont l'entreprise veut mesurer la facilité d'usage. Il mesure l'expérience client à un moment donné, à condition qu'il y ait une interaction volontaire de la part du client. Dans ces circonstances uniquement, le CES constitue un excellent indicateur.
À l'inverse, le NPS est beaucoup plus générique. Il faut cependant clarifier un point: cet outil ne mesure pas vraiment si le client va réellement recommander. Lorsque l'on désire quantifier une recommandation effective, les recherches montrent qu'il vaut mieux la demander dans le passé. En effet, la question "avez-vous recommandé" une expérience passée est plus prédictive d'une réelle recommandation que la demande "recommanderiez-vous".
Il présente plusieurs avantages importants: le NPS mesure la fidélité attitudinale (la préférence). De plus, pour la première fois, un dirigeant a, dans sa balance scorecard, un indicateur lié au client. Par ailleurs, le NPS permet de distinguer les vrais des pseudo-fidèles, qui demeurent clients d'un service ou d'une marque par inertie (fidélité comportementale). Son apparente simplicité le rend aisément diffusable auprès de la direction.
En revanche, les entreprises utilisent cet indicateur pour mesurer et confronter des données non comparables. Un client est invité à indiquer s'il recommande Orange après un appel de quelques minutes, de la même façon qu'il recommande la SNCF ou EDF pour l'ensemble de son expérience. L'utilisation du NPS à chaud pour évaluer un événement se répand, à tort.
Par ailleurs, une entreprise qui a 50% de détracteurs et 50% de promoteurs obtiendra un score de zéro, tout comme son homologue qui a 0% de détracteurs et 0% de promoteurs. Pourtant, leur profil est opposé l'une est très segmentante et présente de nombreux risques, l'autre est dans le consensus mou.
De plus, il ne prédit pas mieux la croissance des entreprises que d'autres indicateurs. Or, il s'agissait de l'argument principal de son créateur, Fred Reichheld. Le NPS n'a jamais été publié dans une revue académique, la provenance des données n'a donc jamais été vérifiée.
Cette question est intéressante mais ses résultats ne seront pas représentatifs car très peu de consommateurs y répondent, ses résultats sont donc biaisés. Les répondants sont-ils des leads users ou des personnes dont les problèmes sont très spécifiques et non représentatifs de l'opinion générale? De plus, l'analyse des réponses se révèle très longue. Les réponses que l'on obtient ne sont donc pas une fin mais un début à la réflexion sur l'expérience client. Pour ce faire, il convient ensuite de rassembler un véritable échantillon représentatif. Par ailleurs, les réponses, si elles sont nombreuses, doivent être soumises à une analyse sémantique, un procédé particulièrement long, qui demande la définition d'un corpus.
Penser que le NPS est une Bible et que la question "pourquoi" donne un mode d'emploi des actions à entreprendre est une ineptie. Les services dédiés à la relation client connaissent la vraie complexité de leurs problématiques clients et ne doivent pas se laisser enfermer dans des schémas binaires.
Il faut sortir de la maximisation de la satisfaction pour aller vers son optimisation, comme William Sabadie et moi-même l'expliquons à travers la notion de "loyalty model", lequel mesure le lien entre la satisfaction et la fidélité. La maxime selon laquelle plus un client est satisfait, plus il est fidèle est fausse. Sa fidélité varie en fonction de la situation, du lieu, de la business unit, du profil du consommateur. Il est parfois inutile d'enchanter ses clients! Il demeure difficile d'agir sur une fidélité comportementale, fondée sur l'inertie.
Mais l'entreprise a la main sur la satisfaction client, alors qu'elle ne l'a pas (ou peu) sur son image, l'autre facteur de la fidélité.
Il importe de comprendre que la satisfaction n'est pas le contraire de l'insatisfaction. Un consommateur qui vient d'acheter une voiture sera extrêmement mécontent si elle n'a pas de freins, alors qu'il ne sera pas ravi qu'elle en possède. Réduire l'insatisfaction ne revient pas à augmenter la satisfaction, les leviers d'action sont différents. Agir sur ces deux aspects permet d'améliorer sa rentabilité.
Sur 100 personnes qui achètent un article de grande consommation et en sont insatisfaites, 96% ne disent rien. Il s'agit d'un problème culturel: un client qui réclame est considéré comme un problème, or, c'est une mine d'or. Alstom Transport, par exemple, a décidé de former ses cadres à la réclamation. L'un des points cruciaux à acquérir était la posture d'écoute. Tous les canaux sont bons pour recueillir l'avis des clients. Le CES est ici un excellent indicateur pour découvrir si l'entreprise est orientée client. Il convient de ne pas imposer un canal.
Pour y parvenir, l'entreprise doit miser sur l'autonomie et la responsabilisation de ses conseillers clients. La Banque Populaire Atlantique a généralisé une initiative intéressante pour libérer les énergies: chaque conseiller dispose de 50 euros qu'il peut donner à chaque client qui réclame s'il le juge nécessaire. Le taux de réclamation a diminué de 80% car les clients, satisfaits, ne remontent pas dans la hiérarchie.
"Marketing relationnel" est paru en 2016 aux éditions Dunod (340 pages, 28 euros).
Les auteurs
Daniel Ray est docteur en sciences de gestion, professeur de marketing et directeur de l'institut du capital client à Grenable École de maganement. Il est également cocréateur du Customer Orientation Score (COS), outil de mesure scientifique de la culture client d'une entreprise.
William Sabadie est docteur en sciences de gestion et agrégés des Universités. Il est professeur à l'IAE Lyon School of management-université Jean Moulin et cotitulaire d'une chaire sur la valorisation des organisations coopératives.
Retrouvez cet article sur : www.ecommercemag.fr - "Un client fidèle est-il toujours rentable?""Marketing relationnel" est paru en 2016 aux éditions Dunod (340 pages, 28 euros). Les auteurs Daniel Ray est docteur en sciences de gestion, professeur de marketing et directeur de l'institut du capital client à Grenable École de maganement. Il est également cocréateur ddu Customer Orientation Score (COS), outil de mesure scientifique de la culture client d'une entreprise. William Sabadie est docteur en sciences de gestion et agrégés des Universités. Il est professeur à l'IAE Lyon School of management-université Jean Moulin et cotitulaire d'une chaire sur la valorisation des organisations coopératives.
Retrouvez cet article sur : www.ecommercemag.fr - "Un client fidèle est-il toujours rentable?"
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